Des Nazis à la Maison Blanche de Trump
Par Patrick Martin
14 février 2017
Les téléspectateurs des programmes télévisés du dimanche matin ont pu voir de près hier pour la première fois Stephen Miller, l’un des hauts conseillers de Trump et « conseiller politique en chef » à la Maison Blanche. Ce que le public américain a vu était répugnant. Si les producteurs de Hollywood cherchent quelqu’un pour jouer le rôle d’un officier SS dans le prochain film sur la Seconde Guerre mondiale, ils ont l’homme qu’il faut en Miller.
Miller est apparu sur les chaînes de Fox News, ABC, NBC et CBS. Les yeux fixés droit devant au regard vide, ses réponses aux questions consistaient exclusivement en des mensonges préprogrammés sur les pouvoirs illimités du président dans les domaines de l’immigration et de la sécurité nationale. Il a dénoncé les juges fédéraux qui ont bloqué l’exécution de l’ordre exécutif de Trump interdisant l’arrivée aux États-Unis de tous les réfugiés et visiteurs de sept pays à prédominance musulmane.
George Stephanopoulos de ABC a été obligé de faire remarquer que Miller mentait sans gêne, et lui a lancé un défi de fournir une once de preuves pour étayer ses affirmations de fraude électorale massive privant Trump d’une majorité du vote populaire. Même le journaliste de Fox News Chris Wallace semblait surpris par la prestation de Miller.
Interrogé directement pour savoir pourquoi Trump lançait des attaques personnelles contre les juges, les médias et même contre ses collègues républicains, Miller a employé le thème démagogique central de la cabale de Trump pour justifier son assaut sur les droits démocratiques. « Notre position est que nous sommes l’allié de millions d’hommes et de femmes qui travaillent dur dans tout le pays », a-t-il déclaré, « et le président Trump est leur champion. C’est notre coalition. Notre coalition est des millions et des millions et des millions de citoyens patriotiques décents qui veulent juste une augmentation de salaire, qui veulent juste une bonne école, qui veulent juste une communauté sûre. »
Cela a été dit sur un ton agressif, au sujet d’un président milliardaire qui s’oppose même à une augmentation du salaire minimum, et encore moins à une augmentation réelle du niveau de vie des travailleurs, et dont les membres de son gouvernement jurent la destruction de Medicaid (assurance médicale de gens à faible revenu), Medicare (assurance médicale des retraités), la Sécurité sociale, l’éducation publique, les réglementations en matière de sécurité au travail et toutes autres formes de protection sociale des travailleurs.
Et qui est ce « conseiller politique en chef » ?
Le New York Times et le Washington Post ont fait le profil de Miller dimanche. Ce conseiller de 31 ans a été un activiste d’extrême-droite depuis son adolescence. Né dans une famille juive libérale de classe moyenne supérieure, quelque chose a sérieusement mal tourné dans le développement personnel de Miller.
Il a développé une fascination pour l’extrême droite. À l’Université Duke, il a trouvé un ami en personne de Richard Spencer, le néo-nazi antisémite et suprémaciste blanc qui a été soutenu par Breitbart News. Après l’université, Miller est devenu un porte-parole pour toute une série de personnalités de l’extrême-droite au Congrès, y compris la représentante Michelle Bachmann et le sénateur Jeff Sessions. Au début de 2016, il a rejoint la campagne de Trump, devenant finalement le rédacteur en chef du discours du candidat et servait fréquemment de première partie aux rassemblements de campagne de Trump.
Miller fait partie d’un trio de fascistes de premier plan à la Maison Blanche. Les opinions d’extrême-droites du « stratège en chef » de la Maison-Blanche, Stephen K. Bannon, ont été largement diffusées dans les médias américains, allant des reportages dans les magazines hebdomadaires jusqu’aux profils des grands quotidiens. Bannon a dirigé le Breitbart News d’extrême-droite jusqu’en août dernier et en a fait le point de mire pour ce qu’on appelle l’alt-right.
Un profil du New York Times publié dimanche a noté la familiarité de Bannon avec le travail de Julius Evola, un raciste et antisémite italien dont les écrits étaient un élément de base de la dictature fasciste de Mussolini, et qui a été cité comme inspirateur du parti néo-nazi grec de l’Aube dorée. Bannon a cité les écrits d’Evola dans un discours à une conférence du Vatican des catholiques de droite en 2014.
Une personnalité moins connue mais aussi répugnante : Michael Anton, qui a récemment été nommé directeur des communications stratégiques du Conseil national de Sécurité, ce qui fait de lui le deuxième porte-parole d’importance de la Maison-Blanche après Sean Spicer. Ancien rédacteur de discours pour le maire de New York Rudy Giuliani, Anton était un conseiller de la Maison Blanche de Bush, poste auquel il a soutenu ardemment la décision d’envahir l’Irak. Il a ensuite occupé des postes de communication avec l’éditeur de droite (et propriétaire de Fox News) Rupert Murdoch et avec Citibank, puis un poste de directeur général de l’énorme fonds spéculatif BlackRock.
La semaine dernière, William Kristol, éditeur de la revue néo-conservatrice Weekly Standard, a révélé que Anton était l’auteur, sous un pseudonyme, d’un pavé publié en septembre dernier, et largement diffusé dans les milieux d’extrême-droite, intitulé The Flight 93 Election (L’élection du vol 93). Cet essai dépeint une victoire de Trump comme le seul salut pour la survie de l’Amérique (et a comparé implicitement Hillary Clinton aux pirates de l’air d’Al Qaeda du vol malheureux de United Airlines le 11 septembre 2001).
Anton a fait un appel explicitement raciste pour le soutien à Trump, en affirmant que « l’importation incessante d’étrangers du tiers monde sans tradition, goût ou expérience en matière de liberté signifie que l’électorat évolue plus vers la gauche, plus Parti démocrate, moins républicain, et moins traditionnellement américain avec chaque cycle. » Par conséquent, a-t-il averti, l’élection de 2016 était la dernière chance pour « mon peuple », c’est-à-dire les Américains blancs.
Cet argument est si ouvertement raciste et autoritaire que Kristol, lui-même un républicain de droite et un va-t-en-guerre de longue date, a comparé Anton au juriste Carl Schmitt, un célèbre apologiste nazi.
Au cours de la dernière moitié du siècle, la Maison-Blanche a fourni un emploi à de nombreux types désagréables et criminels. Mais le gouvernement Trump représente une descente sans précédent dans les bas-fonds. La présence d’immondices politiques comme Bannon et Miller dans des positions d’énorme pouvoir et d’influence à la Maison Blanche signifie une crise terminale de la démocratie américaine.
Il y a déjà eu des suggestions, des chroniqueurs du New York Times, Paul Krugman et Roger Cohen, entre autres, que le gouvernement Trump envisage de saisir le prochain incident terroriste comme la justification de la suppression des droits démocratiques. Cohen a même cité le précédent de l’incendie du Reichstag, le prétexte fabriqué par Hitler pour imposer l’État d’urgence en Allemagne.
Ces chroniqueurs ne donnent aucune explication quant à la manière dont cette situation s’est produite, sans parler de toute proposition sur la façon d’arrêter la descente accélérée vers un état policier. Comme c’est typique des propagandistes du Parti démocrate, ils ne disent rien du lien évident entre l’effondrement de la démocratie et les réalités socio-économiques du capitalisme contemporain.
La menace de la dictature découle directement du caractère oligarchique de la société américaine. Trump, Bannon, Miller et Anton n’ont pas émergé d’un bar à bières de Munich, mais de Wall Street et de l’élite des grandes entreprises. Trump est un milliardaire de l’immobilier et des casinos, avec des liens étroits avec les patrons des médias. Bannon était un cadre supérieur de Goldman Sachs et son entreprise de médias, Breitbart, a été assurée par le milliardaire de fonds spéculatifs Robert Mercer. Anton a été au service de Rupert Murdoch, puis CitiBank, puis BlackRock, le plus grand fonds spéculatif du monde.
Il y a un mouvement croissant contre le gouvernement Trump et ses attaques contre les droits démocratiques et les intérêts sociaux des 90 pour cent « inférieurs » de la société. Ce mouvement nécessite une stratégie politique et un programme clairs. Il doit être ancré dans la classe ouvrière et armé d’une perspective anticapitaliste et socialiste intransigeante. Nous exhortons les lecteurs du World Socialist Web Site à lutter pour cette perspective.
(Article paru en anglais le 13 février 2017)