Trump fait appel à la droite fasciste
Par Patrick Martin
7 août 2017
Alors que la guerre politique s’intensifiait à Washington, le président Trump s’est rendu à Huntington, en Virginie-Occidentale jeudi soir pour un rassemblement organisé autour de thèmes fascisants que la Maison Blanche développe depuis quelques semaines.
Se faisant passer pour un défenseur des mineurs de charbon et d’autres travailleurs contre les immigrants, les écologistes et les « intérêts spéciaux » sans les spécifier, Trump a accueilli le gouverneur démocrate de Virginie-Occidentale, le patron milliardaire du charbon Jim Justice, qui a annoncé son passage au Parti républicain lors du rassemblement.
Trump a invité d’autres démocrates à soutenir ses politiques de droite et à abandonner leur campagne, soutenue par l’appareil du renseignement et l’armée, au sujet de l’ingérence alléguée de la Russie lors des élections de 2016. « La raison pour laquelle les démocrates ne parlent que de l’histoire entièrement fabriquée à l’égard la Russie, c’est parce qu’ils n’ont aucun message, aucun programme et aucune vision », a-t-il déclaré.
Cette caractérisation du Parti démocrate est exacte jusqu’à un certain point. La focalisation hystérique des démocrates sur l’enquête visant la Russie laisse un vide politique dans lequel il n’y a pas d’opposition à la fureur de droite de Trump contre les droits démocratiques et les acquis sociaux des travailleurs au sein du système politique officiel.
Trump cherche à exploiter par une rhétorique démagogique vantant le renouveau (inexistant) de l’industrie du charbon et la croissance (fictive) des emplois dans l’industrie. Le contenu réel de son programme économique est révélé par la « réussite » à laquelle il a donné la première place dans sa litanie de succès supposés : « le marché boursier à son sommet historique », qui enrichit les milliardaires comme Trump et Justice, mais est réalisé au détriment des emplois et du niveau de vie des travailleurs.
Trump combine les affirmations fausses selon lesquelles il défend les travailleurs, avec une démagogie malveillante anti-immigrants et du tout sécuritaire, épinglant la liste habituelle des méchants : « terroristes islamiques radicaux », « contrebandiers de drogue », « trafiquants d’êtres humains » et « gangs cruels et violents ». De ceux qui sont réellement responsables des terribles conditions de vie dans des régions comme la Virginie-Occidentale – les sociétés géantes et les banques responsables des licenciements de masse, la réduction des salaires et le fléau des opioïdes qui s’en est suivi – Trump n’a dit pas un mot.
La visite de Huntington est la dernière d’une série d’apparitions publiques par lesquelles la Maison Blanche a mené une campagne méthodique pour mobiliser le soutien de la police, des militaires, des fondamentalistes chrétiens, des racistes blancs et des fascistes invétérés.
Bien qu’il y ait eu une poussée autoritaire du gouvernement Trump qui remonte à son discours inaugural, ce qui s’est déroulé au cours des deux semaines dernières est une manœuvre politique calculée, en commençant par le discours de Trump le 22 juillet devant un public de la marine navale lors du baptême du nouveau porte-avions USS Gerald Ford.
Trump a parlé la semaine dernière devant un public de la police en uniforme à Long Island et les a exhortés à traiter « durement » les personnes qu’ils arrêtent, en particulier celles impliquées dans les gangs d’immigrants latinos.
Il y a eu des appels ouverts au racisme et à la bigoterie anti-gay : Trump a tweeté sa décision selon laquelle les personnes transgenres ne seraient « autorisées à servir en aucune circonstance dans l’armée américaine ». Le ministre de la Justice a jugé que la discrimination anti-gay par les employeurs ne viole pas les lois des droits civils, et qu’il serait question d’accuser les universités affichant la politique de discrimination positive de pratiquer une discrimination « anti-blancs ».
Lundi, le nouveau chef de cabinet de la Maison Blanche, le général de la marine à la retraite John F. Kelly, a pris ses fonctions, remplaçant Reince Priebus, ancien président du Comité national républicain, plaçant de ce fait un militaire au plus important poste à la Maison Blanche et ceci pour la première fois depuis près d’un demi-siècle.
Et mercredi dernier, le conseiller de la politique de Trump Stephen Miller est apparu lors de la conférence de presse de la Maison Blanche pour annoncer le soutien de Trump à la législation qui réduirait le nombre d’immigrants légaux de 50 pour cent tout en promulguant une norme ouvertement raciste favorisant ceux qui parlent anglais et ceux recherchés par les grandes entreprises, plutôt que les membres des familles.
De plus en plus, les appels politiques du gouvernement sont séparés de tout programme législatif ou électoral. L’accent est mis sur la personne de Trump lui-même et la construction d’un mouvement politique autour de lui.
La réémergence de Miller mercredi, après avoir été mis au placard depuis plusieurs mois en raison de la débâcle initiale de l’interdiction de voyage de Trump contre les musulmans, a porté de nouveau le plus autoritaire des assistants de Trump devant le public et la presse. Il s’est affronté dans un incident largement médiatisé avec Jim Acosta de CNN, au cours duquel Miller a révélé par inadvertance la connexion directe entre la Maison Blanche de Trump et la droite fasciste.
Dans un échange impliquant le célèbre poème d’Emma Lazarus, gravé sur la Statue de la Liberté (qui inclut la ligne, « Donne-moi tes pauvres, tes exténués,
Tes masses innombrables aspirant à vivre libres »), Miller a déclaré que le poème « a été ajouté plus tard, n’est pas en fait une partie de la statue originale de la Liberté ». Comme le Washington post et le Jewish Daily Forward l’ont souligné, la remarque de Miller n’engageait pas que lui, mais reprend les positions ayant cours dans la droit fasciste et néo-nazie, exprimées à différents moments cette année par Rush Limbaugh, un animateur de talk-show à la radio, le dirigeant du Ku Klux Klan David Duke et le suprémaciste blanc Richard Spencer
Trump et ses collaborateurs les plus proches cherchent à exploiter l’hostilité généralisée envers le Parti démocrate, qui est le parti de l’élite économique libérale, y compris de grandes sections de Wall Street, en adoptant la position tout à fait fausse de défenseur de « l’homme oublié », comme Trump l’avait décrit pendant la campagne électorale et à nouveau le jeudi soir. Mais Trump n’a même pas le semblant d’un programme économique qui résoudrait l’appauvrissement massif et de propagation de la misère sociale.
Les démocrates ne disent pas un mot quant aux appels fascisants de Trump. Au lieu de cela, ils redoublent d’effort dans leur campagne anti-russe. Il y avait des informations jeudi que le procureur spécial Robert Mueller a convoqué un grand jury spécial dans son enquête sur l’ingérence alléguée de la Russie lors des élections de 2016 et la collusion de Trump avec Moscou.
Les fuites provenant de la Maison Blanche et les agences de renseignement continuent à un niveau sans précédent ; plus récemment, le Washington Post a publié des transcriptions de conversations téléphoniques de Trump avec les dirigeants du Mexique et de l’Australie, ce qui donne un aperçu embarrassant de l’intimidation du président et de la fourberie de ses approches à l’égard de ses homologues étrangers.
Ces attaques sont motivées par des divergences au sein de l’élite dirigeante par rapport à la politique étrangère. Si Trump a cherché à tenir compte des critiques qui lui sont adressées, tout récemment en signant un nouveau projet de loi sur les sanctions contre la Russie, il cherche également à mobiliser sa base d’extrême droite et à faire reculer ses adversaires de la classe dirigeante.
Le Parti démocrate ne fera rien pour s’opposer aux efforts de Trump pour mobiliser des éléments de l’extrême droite et fascistes pour attaquer la classe ouvrière et détruire les droits démocratiques. Leur critique de Trump est entièrement dans le cadre établi par l’establishment de la sécurité nationale : il est trop gentil envers la Russie, globalement imprévisible et préoccupée par les intérêts financiers personnels de sa famille plutôt que par les intérêts de Wall Street et de l’impérialisme américain dans son ensemble.
En même temps, les démocrates laissent ouverte la possibilité de collaborer avec Trump, en particulier sur une « réforme fiscale » qui conduira à une nouvelle aubaine pour l’élite financière et du grand patronat.
La lutte contre l’extrême droite et la défense des droits démocratiques est une lutte pour unir tous les éléments de la classe ouvrière – noir, blanc, hispanique, asiatique, amérindien et immigré – sur la base d’intérêts communs de classe, pour défendre les emplois et le niveau de vie et en opposition au danger croissant de la guerre impérialiste. Cela n’est possible qu’à travers la mobilisation indépendante des travailleurs contre les deux grands partis du grand patronat, les démocrates et les républicains, pour lutter en faveur d’un programme socialiste et internationaliste.
(Article paru en anglais le 4 août 2017)