La désinformation des médias et l’agenda de guerre des élections américaines
Par Bill Van Auken
12 septembre 2016
Jeudi, l’arrestation des deux hommes en Caroline du Nord sur des plaintes qu’ils auraient piraté avec succès les comptes en ligne des ordinateurs du directeur de la CIA John Brennan, du directeur adjoint du FBI et d’autres hauts responsables américains, ainsi que les systèmes informatiques du ministère de la Justice et d’autres organismes, a jeté une lumière révélatrice sur un thème central promu par le camp de Hillary Clinton et les médias américains dans la campagne présidentielle de 2016.
Juillet dernier, WikiLeaks a publié quelque 20 000 e-mails du Comité national démocratique qui comprenait une exposition néfaste de la tentative de la DNC de truquer les primaires du parti en faveur de Clinton et contre son rival Bernie Sanders. Depuis lors, Clinton et les médias ont insisté sur le fait que la source de la fuite était le renseignement russe, et que cela était la preuve d’une tentative par le président russe Vladimir Poutine d’intervenir dans l’élection américaine.
En premier lieu, cette allégation, qui était une réponse quasi instantanée à la fuite, a été utilisée pour annuler toute discussion sur le contenu réel des e-mails, qui ont fourni une véritable preuve de l’ingérence de l’establishment du Parti démocrate dans le processus électoral. Puis, quand Clinton a exécuté un virage serré à droite, l’allégation a été prise comme fondation de sa tentative de dépeindre sen rival républicain, Donald Trump, comme un dupe du Kremlin et un candidat non fiable pour les objectifs de guerre des États-Unis.
Ce récit a été promu avec enthousiasme par le New York Times, qui a publié des articles de nouvelles totalement infondées citant des responsables anonymes américains affirmant un « haut degré de confiance » que la source des courriels était la Russie. Cela a à son tour alimenté les colonnes éditoriales, comme celle du Paul Krugman du Times, décrivant Trump comme le « candidat Sibérien. » Comme c’est souvent le cas, le reste des médias a suivi l’exemple du Times, l’absence d’un seul fait pour étayer ces allégations ne les gênant pas.
Ce que les arrestations de cette semaine en Caroline du Nord montrent c’est que le piratage des e-mails de la DNC ne nécessitait pas les ressources du renseignement russe. Les accusations portées contre les deux hommes restent encore à prouver. Toutefois, il est clair qu’elles indiquent qu’il y a beaucoup, beaucoup de personnes avec les compétences nécessaires pour mener à bien ce genre de violation de données, et sans doute beaucoup d’entre eux avec des motifs plus directs que Vladimir Poutine pour exposer les sales machinations du Parti démocrate et de la campagne de Clinton.
L’acte à l’appui des arrestations présentées par le FBI dans un tribunal fédéral de district à Alexandria, en Virginie, a identifié les deux accusés comme Andrew Otto Boggs, 22, et Justin Gray Liverman, 24 ans, qui sont accusés de faire partie d’un « complot », c’est-à-dire, un groupe de pirates informatiques, qui s’est baptisé Crackas with Attitude.
Les autres membres de cette « conspiration », qui n’étaient pas inculpés aux États-Unis, étaient de jeunes britanniques, deux de 17 ans et un de 15 ans, qui ont été identifiés par leurs pseudonymes en ligne : « Cracka, » « Derp », et « Cubed. »
À eux tous, ils ont été en mesure d’accéder aux e-mails, messages vocaux, et comptes en ligne du chef de la CIA, du numéro deux du FBI, ainsi que des responsables à la Maison-Blanche, au Département de la Sécurité intérieure et au Bureau du Directeur du renseignement national. On peut supposer que des individus semblables, sans le soutien du FSB Russe ou de toute autre agence de renseignement, auraient été en mesure de faire la même chose par rapport à la DNC.
Il y a de bonnes raisons de croire que les accusations d’ingérence russe ont été constituées de toutes pièces. Le but est ici non seulement pour faire avancer la stratégie électorale de Hillary Clinton, qui cherche à gagner l’élection en attaquant Trump par la droite et en verrouillant le soutien à la fois de l’establishment du Parti républicain et de l’immense complexe militaire et des renseignements de Washington. Le but est aussi de faire avancer l’ordre du jour anti-Russie, qui est aujourd’hui le point focal de la stratégie mondiale impérialiste des États-Unis, tout en préparant l’opinion publique à la perspective de la guerre.
Aujourd’hui, le New York Times fonctionne ouvertement et sans vergogne comme un porte-parole à la fois pour cette stratégie de campagne de Clinton et pour les objectifs géostratégiques plus larges de l’impérialisme américain. Le quotidien joue ce rôle pourri sous les mains directrices des personnages reliés à l’État comme le nouvel éditeur de la page éditoriale du journal, James Bennett, dont le frère est un sénateur américain du Colorado et dont le père était un secrétaire d’État adjoint et chef de l’Agence américaine pour développement international, qui a longtemps servi de couverture pour la CIA.
Que ces éléments ne toléreront pas tout détournement par les médias de la ligne officielle étant propagée par le Times a été clairement vu dans la réaction hystérique du journal au « Forum du commandant en chef » diffusée mercredi par NBC. Un éditorial du Times publié vendredi, intitulé : « Un débat désastreux qui n’attendait qu’à se produire », a attaqué le modérateur de l’événement, Matt Lauer, insinuant qu’il était coupable de négligence et de partialité.
Lauer, selon le Times : « a négligé de poser des questions pénétrantes, exposer des mensonges ou d’insister sur les réponses quand c’était évident que les réponses de M. Trump avaient dérivé au large. » Le journal a continué de se plaindre que Lauer : « semblait plus excité d’interroger Mme Clinton au sujet de son utilisation d’un serveur de messagerie électronique personnel alors qu’elle était ministre des affaires étrangères. »
Lauer, un présentateur des informations et animateur des émissions mondaines, ne valait ni mieux ni moins que toutes les autres figures des médias sur le plan des questions posées aux deux candidats. Peu de choses ont été révélées par l’émission, en dehors de la soumission des deux parties, des médias et fr l’ensemble de l’establishment politique des États-Unis au militarisme américain.
Toutefois, si Lauer doit être accusé de ne pas en avoir fait assez en omettant d’attaquer Trump, il devrait également être mis en accusation pour avoir omis de faire face à Clinton sur ses mensonges éhontés qu’elle débitait devant le public d’anciens combattants.
Elle a défendu son soutien enthousiaste à la guerre d’agression qui a dévasté la Libye en recyclant le mensonge avéré que cela était nécessaire pour arrêter un massacre imminent.
Elle a dit à l’auditoire, « Jamais plus nous ne mettrons des troupes au sol en Irak. Et nous ne mettons pas des troupes au sol en Syrie. » Ceci, dans des conditions où il y a déjà près de 6000 soldats déployés en Irak et plusieurs centaines en Syrie. Clinton a elle-même déclaré à plusieurs reprises son soutien à l’établissement d’une « zone d’exclusion aérienne » en Syrie, ce qui entraînerait une escalade massive de l’intervention militaire américaine et une menace grandement accrue de confrontation militaire directe avec la Russie.
S’il y a une condamnation à faire du forum NBC, elle s’applique avec autant sinon plus de force au Times et aux médias américains dans leur ensemble. Il a délibérément caché la menace croissante de la guerre mondiale, alors même que les élections américaines se déroulent dans des conditions de l’escalade des tensions au Moyen-Orient et la corde raide militaire de plus en plus téméraire de la part de l’impérialisme américain sur les frontières de la Russie et en mer de Chine méridionale.
S’il y a une série de questions que Lauer aurait dû poursuivre avec ces deux candidats des grandes entreprises, c’est la suivante : que pensez-vous que seraient les conséquences d’une guerre avec la Russie ou la Chine ? À quoi vont ressembler les États-Unis et le reste de la planète le lendemain de son éclatement ? Quelle portion de l’humanité devrait survivre selon vous ?
Bien sûr, personne dans les médias contrôlés par de grandes entreprises ne s’intéresse à soulever les dangers réels auxquels sont confrontées les masses de travailleurs aux États-Unis et dans le monde. Au lieu de cela, ils sont engagés dans leur camouflage, délibérément.
Cela rend d’autant plus important le rôle du World Socialist Web Site dans l’exposition de ces menaces et l’élaboration d’une stratégie politique pour guider la lutte contre la guerre ; et d’autant plus vital le soutien de ses lecteurs dans le maintien du WSWS et la construction des bases de l’expansion continue de sa couverture et de sa portée mondiale.
(Article paru d’abord en anglais le 10 septembre 2016)