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L’assaut américain sur Mossoul et l’hypocrisie impérialiste

Par James Cogan
18 octobre 2016

L’offensive pour reprendre la ville de Mossoul dans le nord de l’Irak aux forces de Daech, planifiée de longue date par Washington, a commencé. Lundi matin, le Premier ministre irakien Haider al-Abadi a déclaré à la télévision nationale : « Aujourd’hui, je déclare le début de ces opérations victorieuses ».

L’assaut sur Mossoul démontre l’hypocrisie sans bornes des résolutions américaines et européennes à l’ONU, et l’acharnement des médias qui accusent sans cesse les forces syriennes soutenues par Moscou de « crimes de guerre », lors de leurs assauts sur l’est d’Alep contrôlé par les milices islamistes. En Irak, les États-Unis, leurs alliés et leur gouvernement fantoche à Bagdad lancent une attaque sauvage contre une ville bien plus grande, où seraient piégés 1,5 million de civils, dont 600 000 enfants.

Lise Grande, coordinatrice humanitaire de l’Organisation des Nations Unies pour l’Irak, a déclaré au New York Times ce week-end : « L’ONU est profondément préoccupée, car, dans les pires scénarios, l’opération à Mossoul pourrait être la plus complexe et le plus grande au monde en 2016, et nous craignons que jusqu’à un million de civils puissent être contraints de fuir leurs foyers ».

L’éditorial du 14 octobre du New York Times se félicite néanmoins de « la bataille à venir pour Mossoul ». Selon le Times, la ville doit être « libérée » du « régime terroriste », quel que soit le coût en vies humaines. Il y a à peine deux semaines, son éditorial traitait la Russie d’« États hors-la-loi » parce qu’il participait à l’assaut sur Alep qui « menace la vie de 250 000 personnes de plus ».

La différence entre les deux batailles, en ce qui concerne les hypocrites impérialistes, est que Washington et les puissances européennes soutiennent les groupes extrémistes islamistes visés par l’assaut à Alep, pour tenter de renverser le gouvernement syrien soutenu par la Russie. Les pertes civiles à Alep sont donc des « crimes de guerre ».

Par contre, l’ÉI présente un obstacle pour Washington, car il a utilisé les armes et les recrues récoltées des intrigues américaines en Syrie pour saisir de vastes parts du nord et de l’ouest de l’Irak en 2014, menaçant les régimes fantoches pro-américains à Bagdad et dans la région kurde. Les civils tués lors de la reconquête de Mossoul seront relégués au rang de « dommages collatéraux ».

En Syrie et en Irak, les objectifs américains sont les mêmes : affirmer leur domination sur la région qui produit le plus de pétrole du monde.

20 000 soldats irakiens et 10 000 peshmergas kurdes donnent l’assaut sur Mossoul. Ils sont renforcés par quelque 6000 policiers irakiens ainsi que des milliers de soldats de milices chrétiennes, turkmènes et sunnites fidèles aux partis de confession chiite qui contrôlent le régime de Bagdad.

En coulisses, l’armée américaine surveille et dirige l’assaut. Des chasseurs et des hélicoptères américains, britanniques, français, australiens et jordaniens fournissent un appui aérien aux forces gouvernementales disparates. Des unités des Marines américains et de l’Armée française fournissent l’artillerie. Des centaines de « conseillers » et de forces spéciales américaines, britanniques, australiennes, allemandes et italiennes participent à la bataille, conseillant les unités irakiennes et kurdes et dirigeant des attaques aériennes et les bombardements de l’artillerie.

Chaque atrocité commise par le régime russe ou son protégé syrien à Alep, sera égalée et sans doute dépassée, par les forces soutenues par les États-Unis en Irak. Des expériences passées, y compris l’assaut plus tôt cette année sur la ville irakienne de Fallujah, laissent peu de doute quant à l’issue de l’attaque sur Mossoul. Des banlieues entières seront réduites à néant depuis l’air et le sol, quel que soit le nombre de civils désespérés qui s’y cachent dans leurs maisons. Les systèmes d’électricité, d’eau et d’assainissement de la ville seront détruits. Les services médicaux et les réseaux de transport fonctionneront à peine.

La destruction potentielle de Mossoul et les victimes civiles à grande échelle sont justifiées à l’avance comme inévitables, en raison de la résistance de l’État islamique (ÉI – Daech) fanatique. Les estimations sur le nombre de militants de l’ÉI encore dans la ville sont dans une fourchette de quelques milliers à plus de 10 000. Des récits affreux sont apparus sur de grands préparatifs par l’ÉI pour de longs combats rue par rue. Les responsables américains et irakiens, citant des résidents de Mossoul, ont déclaré aux médias que les bâtiments et les voitures ont été chargés d’explosifs, des champs de mines posés et des barrages érigés sur les principales artères. Un réseau de tunnels airait été construit reliant divers secteurs de la ville.

Mossoul, pour rappeler la déclaration attribuée à l’armée américaine en 1968 à l’égard de la ville vietnamienne de Bến Tre, doit être détruit « pour la sauver ».

L’indifférence pour la vie et le bien-être de la population de la ville se révèle dans les tracts qui ont été largués dessus en des dizaines de milliers d’exemplaires le samedi soir. Selon un reportage de Reuters, un dépliant conseillait : « Garder le calme, et dire à vos enfants que ce n’est [les bombardements] qu’un jeu ou le tonnerre avant la pluie […] Les femmes ne devraient pas crier afin de préserver l’esprit des enfants ». Un autre tract avertissait de façon sinistre : « Si vous voyez une unité de l’armée, rester au moins à 25 mètres et évitez les mouvements brusques ».

Les Irakiens qui survivent à leur « libération » de l’ÉI par les forces américaines seront contraints de fuir les ruines invivables de la ville pour les camps de réfugiés surpeuplés et inadéquats. Aucune préparation sérieuse, telle que des villes de tentes avec des hôpitaux ou un approvisionnement en nourriture et en eau, n’a été déployé pour faire face à une telle situation. Les organismes d’aide craignent que des dizaines de milliers de personnes meurent de blessures, d’exposition aux éléments, de maladie, de déshydratation ou de faim.

L’assaut sur Mossoul rejoindra la longue liste des horreurs et des crimes qui ont été infligés au peuple irakien par l’impérialisme américain et sa machine militaire depuis plus de 25 ans dans sa quête de l’hégémonie sur l’une des régions du monde les plus riches en ressources et les plus importante stratégiquement.

Les milliers de personnes qui mourront se joindront à ceux qui ont perdu la vie à la suite de la guerre du Golfe de 1991 ; des sanctions imposées à l’Irak par la suite ; des suites de la contamination à l’uranium appauvri ; de l’invasion de 2003 ; de la guerre sectaire et meurtrière entre sunnites et chiites qui a été délibérément provoquée par l’occupation américaine ; et des opérations des forces gouvernementales irakiennes soutenues par les États-Unis après que la plupart des troupes américaines ont été retirées en 2010-2011.

Des estimations crédibles situent le nombre de morts cumulé sur une période de 25 ans à plus de 1,5 million, voir deux millions. Rien que depuis 2003, au moins quatre millions d’Irakiens ont été déplacés ou ont fui le pays en tant que réfugiés.

La défense des masses de l’Irak et du Moyen-Orient contre l’oppression impérialiste doit être à l’avant-garde de la lutte pour un mouvement international anti-guerre de la classe ouvrière qui s’appuye sur une perspective révolutionnaire et socialiste.

(Article paru d’abord en anglais le 17 octobre 2016)