Pour sa dernière tournée en Europe, Obama s’efforce de rassurer les inquiétudes liées à Trump
Par Peter Schwarz
19 novembre 2016
La dernière tournée européenne du président américain Barack Obama est marquée par des tentatives d’apaisement politique et de limitation des dégâts. Le président américain sortant s’efforce de calmer les craintes face à son successeur Donald Trump en promouvant une étroite collaboration avec lui dans le but de préserver sur cette base une OTAN dominée par les États-Unis comme l’alliance militaire la plus importante.
Pour ce faire, il compte sur la chancelière Angela Merkel qu’il espère rallier comme dirigeante d’une Europe forte sous domination de l’Allemagne. La promotion qu’Obama fait de son successeur est telle que le quotidien allemand Süddeutsche Zeitung le qualifie de « porte-parole » de Donald Trump.
Après un bref séjour en Grèce, où il a apporté son soutien au premier ministre grec Alexis Tsipras qui est fortement méprisé pour sa politique d’austérité, Obama a tenu un discours dans un centre culturel appartenant à l’armateur milliardaire grec Stavros Niarchos. Il s’est ensuite rendu mercredi soir à Berlin pour un dîner de trois heures avec Merkel.
Obama consacra également entièrement la journée de jeudi à son hôtesse allemande. Une réunion officielle à la chancellerie fut suivie d’une conférence de presse commune et d’entretiens accordés à Der Spiegel et à la chaîne de télévision publique ARD. Le président François Hollande, la Première ministre britannique, Theresa May, le premier ministre italien, Matteo Renzi et le premier ministre espagnol Mariano Rajoy ne furent invités à rejoindre la réunion que vendredi matin avant qu’Obama reprenne l’avion tôt vendredi après-midi.
Un article co-écrit par Obama et Merkel et intitulé « De l’avenir des relations transatlantiques » est paru jeudi dans le journal Wirtschaftswoche. Le lien étroit entre l’Allemagne et les Etats-Unis y était sollicité avec insistance. Cette amitié « s’appuie sur notre engagement pour la liberté personnelle et la dignité de chaque citoyen, que seule une démocratie vivante, dans un État de droit, peut garantir ».
L’article invoque la reconnaissance mondiale du droit international comme étant « la condition préalable à la stabilité et à la prospérité », ainsi que « notre profond respect de la dignité de l’être humain », « la protection de la planète » et d’autres « valeurs communes ». Il proclame ensuite, « C’est la manière dont nous traitons les personnes les plus vulnérables qui détermine la véritable force de nos valeurs ».
Ce verbiage aussi mielleux qu’hypocrite vise à défendre l’OTAN et les guerres aux Moyen-Orient. « Nos pays se sont engagés à une défense collective au sein de l’Alliance nord-atlantique (OTAN) parce que nous voulons préserver la sécurité de la région Atlantique-Nord dans son ensemble. Nous coopérons étroitement dans la lutte contre le terrorisme, y compris au sein de la Coalition internationale contre le l’État islamique (EI) parce que nous devons protéger nos citoyens et parce que nous ne voulons pas sacrifier notre mode de vie pour la liberté de nos ennemis, » a poursuivi l’article.
À Berlin, Obama a inlassablement souligné que son successeur appuyait aussi cette ligne. À une question qui lui fut adressée lors d’une conférence de presse pour savoir si la désignation par Trump de l’extrémiste de droite Stephen Bannon au poste de premier conseiller et chef de la stratégie, ainsi que son choix de Nigel Farage, le dirigeant de l’UKIP, pour sa première réunion avec un politicien européen, ne prouvait pas exactement le contraire, Obama a répondu, « Je suis toujours optimiste », que c’était là ce que la vie lui avait enseigné. « Le cadre de la fonction présidentielle » devrait modifier Trump, a-t-il affirmé. Obama a dit vouloir faire tout son possible pour l’aider en cela.
Obama a gratifié la chancelière Merkel d’éloges et de compliments. Il a loué sa forte capacité de direction et a indiqué qu’elle avait étroitement coopérer avec les Etats-Unis durant la crise en Ukraine et en ce qui concerne la Syrie. À la question de savoir s’il soutenait un quatrième mandat de Merkel, Obama a dit ne pas vouloir intervenir dans la politique d’un autre pays – mais si Merkel décidait de se représenter, elle obteindrait sa voix s’il pouvait voter.
Obama a toutefois eu du mal à même convaincre les médias pro-américains comme quoi Trump suivrait en fait un tel cap. Le Süddeutsche Zeitung a raillé le discours d’Obama à Athènes en écrivant jeudi, « Voilà le discours de quelqu’un qui ne semble pas avoir compris ce qui s’est passé ces derniers jours », Le journal l’a décrit comme « une jolie démarche » qu’un président américain qui s’est révélé incapable d’empêcher la montée de Trump, « se retrouve précisément lors de sa tournée d’adieu aux côtés du plus grand trompeur d’Europe, le premier ministre [grec] Alexis Tsipras ».
Ce même journal a publié un article d’opinion par James W. Davis qui enseigne la politique internationale à St Gall en Suisse et qui fut un membre de l’équipe de conseillers de Hillary Clinton. Il a décrit la crainte omniprésente en Europe « que quelque chose de fondamental de l’ordre mondial d’ores et déjà affaibli s’était effondré ». Dans le passé, tous les « gouvernements américains dirigés par les Démocrates ou les Républicains avaient reconnu les principes fondamentaux du libre marché et de la défense collective ». Les présidents à la Maison Blanche n’avaient jamais « ouvertement remis en cause les piliers fondamentaux de l’ordre mené par l’Amérique […] Donald Trump, qui a été élu président, le fait ».
Lors de la conférence de presse commune, Obama et Merkel ont aussi affirmé l’importance de l’Union européenne dont la dissolution sera accélérée par la victoire de Trump. Les forces nationalistes de droite qui ont célébré le succès du Brexit en Grande-Bretagne sont en progression partout en Europe.
En Italie, le gouvernement de Matteo Renzi lutte actuellement pour sa survie en amont du référendum constitutionnel prévu début décembre. Si de nouvelles élections avaient lieu, les adversaires de l’UE auraient de bonnes chances de l’emporter. En Autriche, l’élection présidentielle se déroulera au même moment et Norbert Hofer, le candidat de l’extrême-droite FPÖ a de fortes chances de gagner. En France, Marine Le Pen du Front National est créditée de fortes chances aux élections présidentielles au printemps prochain.
Tout comme aux États-Unis, la montée de ces forces populistes de droite est la conséquence de la colère grandissante à l’égard des partis de l’establishment d’une part et de l’absence d’une alternative progressiste de l’autre. Les élites dirigeantes redoutent de plus en plus une opposition sociale se développant et s’orientant vers une voie indépendante et anticapitaliste que les partis d’extrême-droite qui dirigeront la colère sociale vers une impasse réactionnaire. C’est la raison pour laquelle Obama préconise une coopération avec Trump en Europe.
(Article original paru le 18 novembre 2016)