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Le tribunal de Hambourg relaxe les accusés de la nuit du Nouvel An à Cologne

Par Dietmar Henning
8 novembre 2016

Rarement des événements de l’histoire récente ont provoqué une controverse aussi intense en Allemagne que ceux survenus à Cologne, à Hambourg et dans d’autres grandes villes, le soir du Nouvel An 2015-2016, où des étrangers et des réfugiés auraient harcelé et violé des femmes en masse.

L’indignation exprimée par les médias et les politiciens avaient fait partie d’une politique délibérée visant à saper la solidarité manifestée par de vastes couches de la population à l’égard des réfugiés originaires de Syrie et d’autres pays où une guerre civile fait rage, et à transformer la culture de l’accueil en une culture de l’hostilité.

Le WSWS avait prévenu à l’époque que les événements étaient démesurément exagérés. (Voir : « Les agressions de Cologne et l’appel à un État fort », « Nouvel An à Cologne : de plus en plus d’incohérences » et « Les médias allemands incitent à l’hystérie raciste »).

La décision du tribunal de Hambourg vient maintenant confirmer que les accusations et les preuves avancées avaient été trafiquées par la police. En plus du petit nombre de ceux condamnés pour agression, la décision du tribunal laisse entendre que les « événements survenus la nuit de la Saint-Sylvestre » ont été en grande partie une invention des médias.

Le tribunal de Hambourg a acquitté les trois derniers auteurs présumés de la nuit de la Saint-Sylvestre. La juge Anne Meier-Göring a décidé qu’il avait été prouvé qu’Alireza N., Abidi A. et Aydub B. n’avaient pas commis les délits dont ils étaient accusés. Le ministère public avait lui aussi préconisé l’acquittement.

La juge a porté de graves accusations contre l’enquête menée par la police et le ministère public pour avoir maintenu les trois hommes en détention pendant près de six mois durant le temps de l’enquête. Les prévenus furent accusés d’avoir commis ensemble des attouchements sur des femmes dans la rue Große Freiheit dans le quartier de St Pauli à Hambourg. Ils auraient commis des attouchements sur l’étudiante Merle N. en lui touchant les fesses, l’entrejambe et la poitrine.

La jeune femme n’avait signalé l’incident à la police que plusieurs jours après la veille du Nouvel An, une fois parus les premiers articles des médias faisant état d’agressions sexuelles. Le soir des prétendues agressions, elle avait continué à participer aux festivités jusqu’à 4h30 du matin. Par conséquent, la victime n’avait pu subir le traumatisme allégué lors du procès.

La jeune femme avait dit par téléphone au policier ne pouvoir décrire aucun des auteurs. La seule chose dont elle se souvenait était une veste noire et une bague. Au tribunal, elle relata l’interrogatoire de la police. Elle eut d’abord l’occasion d’examiner toute seule et en toute tranquillité des photos prises par un photographe lors de la soirée du Nouvel An.

La commissaire en charge de l’enquête était alors assise dans une autre pièce. Zeit Online a indiqué que cette procédure allait à l’encontre des règles du code de déontologie des enquêteurs. « Au moment de visualiser des photos d’identité judiciaire au commissariat de police, c’est le tout premier instant qui importe. Comment la jeune femme témoin réagit ? La mémoire revient-elle rapidement ou bien est-elle en train d’affabuler quelque chose ? » Au tribunal, la commissaire a admis après coup que son comportement « manquait de professionnalisme ».

La juge a reproché à une autre femme policier d’avoir posé des questions pendant l’interrogatoire de façon suggestive en fournissant des « prétextes fallacieux », communément appelés mensonges. C’est ainsi qu’elle avait par exemple demandé à une jeune femme ce que les hommes qui se trouvaient sur la photo avaient fait. Elle n’a pas demandé si, ils avaient vraiment fait quelque chose. Elle avait aussi omis de dire à la jeune femme que les photos n’avaient pas été prises au moment où se seraient déroulés les faits.

Durant l’interrogatoire, elle a trompé l’accusé par de « fausses preuves ». Selon les documents, la policière a prétendu savoir durant l’interrogatoire que l’accusé avait fait des attouchements aux femmes dans la rue Große Freiheit. C’était un mensonge. En réponse à la question de la juge de savoir comment elle justifiait le recours à de telles méthodes d’interrogatoire interdites, la policière a répondu : « Je ne partage pas ce sentiment d’indignation et je n’estime pas que c’est une méthode d’interrogation interdite ».

Le seul « crime » commis par les trois accusés a été de célébrer le réveillon du Nouvel An à St Pauli. Ils ont pourtant passé, avec seulement une brève interruption, près de six mois en garde à vue en raison de soupçons. Un avocat a qualifié cet état de fait de privation de liberté.

Au bout d’environ trois mois, le tribunal régional de Hambourg leva les mandats d’arrêt émis contre les trois jeunes gens faute de preuves suffisantes contre eux. Le tribunal régional supérieur de Hambourg les renouvela pour trois mois après une plainte formulée par le ministère public.

La juge Meier-Göring qualifie à présent cette décision de « bizarre » et de « faute flagrante ». « Cela a coûté aux accusés trois mois [additionnels] de leur vie et à Hambourg beaucoup d’argent ».

Les trois personnes mises en cause furent indemnisées pour le temps passé en prison en recevant chacun 4500 euros (25 euros par jour). Outre les trois jeunes gens maintenant acquittés, d’autres innocents furent placés en détention préventive, dont certains pendant plusieurs mois.

Les accusations qui, pour des raisons de propagande, avaient été portées en début d’année contre des étrangers et des réfugiés par la police, les médias et les politiciens, se sont volatilisées.

À l’origine, il avait été allégué que 400 femmes avaient subi des attouchements le soir de la Saint Sylvestre à Hambourg. Il y eut 243 plaintes pénales et 21 suspects mis en examen. Dans l’affaire qui vient maintenant d’être tranchée, l’on peut voir comment une suspicion de crime a été créée : au moyen de mensonges et de manipulation par la police et les autorités chargées de l’enquête. À Hambourg, un seul accusé fut reconnu coupable de délit de nature sexuelle et condamné.

À Cologne, où la campagne contre les réfugiés et les étrangers avait débuté après le soir du Nouvel An, le parquet recensa près de 1300 victimes supposées. 1182 plaintes pénales furent déposées, dont 497 pour agressions sexuelles et cinq pour viols. Sur un total de 183 prévenus, seuls 22 furent accusés, le plus souvent de délits de vol. Un seul procès seulement se solda par une condamnation pour insulte sexuelle.

Les événements survenus la veille du Nouvel An furent grossièrement exagérés et utilisés comme prétexte pour faire basculer le climat politique vers la droite. D’une manière raciste, les médias et les politiciens ont dépeint une image de hordes criminelles et dangereuses d’étrangers harcelant les femmes les jeunes filles allemandes. Cette propagande servit alors à renforcer l’appareil policier, à étendre la surveillance de la population et à durcir les lois visant les étrangers et les réfugiés dans le but de pouvoir expulser aussi rapidement que possible les réfugiés du pays. Tous ceux qui ont participé à cette campagne de propagande doivent en assumer les conséquences.

Et pourtant, l’État et les médias ne se contentent pas du résultat. Le journal Hamburger Abendblatt a critiqué ce récent acquittement parce que le tribunal avait défendu les principes fondamentaux de l’État. Ces jugements ont un sens lorsqu’ils sont prononcés individuellement, a écrit le journal. Toutefois, conformément à la logique grossière du commentaire, « dans leur totalité » les jugements sapent la « confiance » dans l’État de droit. Finalement, insiste le journal, cela profiterait à l’Alternative pour l’Allemagne (AfD).

L’auteur de l’article, Matthias Iken, s’en prend vigoureusement à la décision prise par le tribunal à l’égard de la police : « Incontestablement, de sérieuses erreurs ont été commises. Mais, comment appréhender des coupables qui commettent collectivement des crimes en faisant partie d’un grand groupe ? Comment une victime peut-elle reconnaître dans une situation exceptionnelle des visages individuels au bout de plusieurs mois ? »

Il ne répond pas à sa propre question mais la réponse est pourtant claire : pour lui, des auteurs présumés doivent être appréhendés même sur la base de « prétextes fallacieux ». Des préjugés racistes en lieu et place de faits – telle est en vérité la vision du monde défendue par l’AfD.

(Article original paru le 5 novembre 2016)