Home » Nouvelles internationales » Allemagne

La réunion de l’IYSSE à Berlin sur Trump suscite d’intenses discussions

Par nos correspondants
23 novembre 2016

Près d’une centaines d’étudiants ont participé mercredi dernier, 15 novembre, à une réunion organisée par le groupe des Étudiants et jeunes internationalistes pour l'égalité sociale (IYSSE) à l’université Humboldt (HU) à Berlin. Le thème de la réunion était « L’élection de Trump : les causes politiques et les enseignements à en tirer ». Le vaste auditoire et les discussions intenses qui eurent lieu sont la preuve de la radicalisation d’une nouvelle génération de jeunes travailleurs et d’étudiants en quête d’une perspective politique afin de s’opposer à la réaction et à la guerre.

La réunion à l’université Humboldt

Après le rapport introductif présenté par le rédacteur du World Socialist Web Site Johannes Stern, dont nous avons déjà rendu compte précédemment, un grand nombre d’étudiants, pour la plupart très jeunes, ont participé à la discussion et ont laissé leurs coordonnées après la réunion. Un certain nombre de questions furent soulevées.

Un débat animé fut engagé pour savoir à quel point la victoire de Trump pouvait être comparée au développement vers le fascisme et la guerre dans les années 1930.

Johannes Stern a indiqué que, contrairement à Hitler, Trump n’était pas issu d’une taverne de Munich mais plutôt de Wall Street. L’ascension de Trump, tout comme celle de Hitler en Allemagne, est la conséquence d’une profonde crise du capitalisme à laquelle a réagi l’élite dirigeante. Mais, « contrairement à Hitler, » a-t-il dit, « Trump n’est pas arrivé au pouvoir en étant à la tête d’un mouvement de masse fasciste mais dans des condition où les travailleurs et les jeunes s’orientent de plus en plus vers la gauche tout en étant dépourvu d’un mouvement de masse international, révolutionnaire et anticapitaliste ».

Ce fait est principalement dû au rôle joué par les syndicats et la gauche officielle. « En réalité, ceux-ci n’ont rien à voir avec une politique de « gauche » mais représentent plutôt les intérêts des couches nanties, aisées, de la classe moyenne, qui s'appuient sur différentes formes de la politique fondée sur l'identitée ». C’est ainsi qu’ils ont permis à des forces nationalistes et d’extrême-droite de récupérer et de canaliser ces antagonismes sociaux croissants.

Peter Schwarz, rédacteur en chef du WSWS en langue allemande, a ajouté qu’il ne fallait pas sous-estimer le danger du gouvernement Trump. Même si pour le moment Trump manque d’un mouvement fasciste, les forces qu’il a mobilisées pourraient rapidement se développer dans cette direction. Il est « moins question de sa personne que du fait que la démocratie est en train de s’effondrer sous l’effet d’énormes tensions sociales ». Trotsky avait déjà comparé la démocratie à un circuit-électrique dont les disjoncteurs pourraient sauter lorsque les tensions sociales deviennent trop intenses. C’est précisément ce qui est arrivé avec l’élection de Trump, a-t-il dit.

À la question posée par un membre de l’auditoire pour savoir s’il fallait une révolution socialiste et s’il n’y avait pas une alternative moins radicale pour désamorcer la situation, Schwarz a répondu, « Est-il possible de résoudre les problèmes de l’inégalité sociale et de la guerre sans remettre en question le fondement du système capitaliste, la propriété privée des moyens de production et l’énorme pouvoir du capital financier ? Ces 25 dernières années ont prouvé que ceci était impossible. Ce qu’il faut, c’est un programme socialiste et ce n’est faisable que si vous obtenez le soutien et la mobilisation de la classe ouvrière. Telle est la tâche essentielle à remplir ».

Sven Wurm

Dans ses remarques de conclusion, le porte-parole de l’IYSSE à l’HU, qui a présidé la réunion, Sven Wurm, a lancé un appel aux étudiants : « Il ne nous est pas possible de choisir l’époque dans laquelle nous vivons, nous sommes en train de revenir à une période de guerres et de révolutions et nous devons nous y préparer en conséquence ».

L’objectif principal du travail de l’IYSSE est la lutte contre la propagande de guerre faite dans les universités, a dit Wurm. Il a fait référence à la lettre ouverte que l’IYSSE a envoyée au professeur Thomas Sandkühler qui avait demandé aux étudiants qui suivent ses cours de ne pas participer aux réunions de l’IYSSE. « Dans notre lettre, nous expliquions comment il prend fait et cause pour les points de vue essentiels du professeur Jörg Baberowski en cherchant à étouffer tout débat sur les préparatifs idéologiques en faveur de la guerre et de la dictature qui sont en train de se dérouler à l’HU ».

L’IYSSE ne se laisse pourtant pas intimider et intensifie au contraire son travail. Lundi, lors de la prochaine réunion du parlement étudiant, une motion sera présentée contre la campagne que mène la Bundeswehr (armée allemande) pour recruter les nouveaux arrivants à l’HU.

A l’issue de la réunion, Katja, membre du groupe de l’IYSSE et du parlement étudiant, s’est entretenue avec deux étudiantes en littérature allemande et en philosophie à l’HU, Céleste et Alessia.

« C’est bien que les gens soient mobilisés et secoués pour qu’ils se réveillent », a dit Céleste. Elle a déclaré avoir été « assez stupéfaite de l’élection de Trump, c'est plutôt une mauvaise plaisanterie ».

Alessia a ajouté, « Que peut-on dire de l’humanité lorsqu’après tout ce qui s’est produit dans l’histoire, un tel homme arrive au pouvoir 80 ans plus tard ? Il est incompréhensible que l’AfD [extrême-droite] recueille un aussi grand nombre de votes. Le virage à droite en Europe et partout dans le monde est extrêmement préoccupant, » a-t-elle dit.

En ce qui concerne la réunion, elle a remarqué : « Je trouve ça très bien de faire sortir les gens de leur torpeur et que ce débat ait lieu. Comme on l'a dit aujourd'hui, il ne faut pas banaliser l’élection de Trump. Obama vient de dire qu’il veillera à ce qu’une transition en douceur ait lieu. Mais, ce n’est rien d’autre que de la politique. Trump a dit tout à fait autre chose dans sa campagne électorale. Mis à part ses commentaires racistes, il a aussi avancé des positions extrêmes contre les femmes. Ce ne sont pas seulement des opinions misogynes mais également anti-humanistes.

Au fond, « l’ensemble du système est hors-service, » a poursuivi Alessia. « L’idée fausse quant au système démocratique qui règne aux États-Unis et qui fait que seul un choix entre deux partis est possible et rien d’autre ». Elle a dit n’avoir pas pu prendre « au sérieux » les démocrates bien qu’elle « aurait préféré la victoire de Clinton à celle de Trump ».

Interrogée sur la question de la politique droitière de Clinton comme représentante de Wall Street et du militarisme américain, elle eut une approche plus réfléchie : « Oui, peut-être que là, la politique aurait simplement été faite sous le couvert d’une idéologie démocratique. La présentation de la politique aurait peut-être été différente avec Clinton, mais les faits seraient probablement restés très identiques. »

Le rôle que Clinton avait joué dans la guerre de l’OTAN contre la Libye fut également soulevé. « C’est une catastrophe. Ils sont tout simplement allés en Libye, ont tué Kadhafi et sont repartis », a dit Alessia furieuse. « L’État est totalement désorganisé, il n’y aucune direction claire. Et puis tout le monde s’étonne que des milliers de gens essaient de venir en Europe. Ce sont les retombées du sabotage organisé des années durant dans ces pays. Et maintenant on manifeste de l’énervement ».

Céleste est préoccupée par la menace grandissante d’une troisième guerre mondiale sous Trump. « L’Amérique s’autofinance par la guerre ». Elle a dit qu’à présent avec un homme aussi colérique comme dirigeant du monde, la guerre nucléaire pourrait bien être à l’ordre du jour. Alessia a ajouté : « Trump a toujours dit qu’il fallait éliminer l’ État islamique. Le danger d’une guerre est maintenant beaucoup plus grand que sous Obama. C’est une terrible évolution ».

(Article original paru le 21 novembre 2016)