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Le commandant en chef Obama verse des larmes de crocodile

Par Patrick Martin
9 janvier 2016

Durant une conférence de presse à la Maison-Blanche mardi, Obama a versé des larmes en mentionnant le nombre d'enfants américains qui avaient été victimes de tueries de masse. Les médias américains ont ensuite fait la publicité à grande échelle de cet étalage d'émotions, en partie en raison du contraste marqué avec l'attitude habituellement froide et indifférente du président des États-Unis.

Il y a plusieurs points à noter, à commencer par l'hypocrisie du président quand il se dit bouleversé par la mort de personnes innocentes, alors qu'il est responsable de la mort de dizaines de milliers d'enfants au Moyen-Orient et dans d'autres pays ciblés par les États-Unis.

Le président Obama, et cela est bien documenté, choisit personnellement les cibles à abattre par missile de drone dans une liste qui lui est fournie par la CIA et le Pentagone. Il prend cette décision lors des fameux «Terror Tuesdays» (mardis contre la terreur), le nom donné à ces rencontres par son équipe. Des milliers de civils et des centaines d'enfants ont été massacrés dans ces attaques, qui prennent place surtout au Pakistan, en Afghanistan, au Yémen et à travers l'Afrique du Nord.

Il y a ensuite les victimes des campagnes de bombardements des États-Unis en Irak et en Syrie, et de l'intervention de l'armée américaine en Afghanistan. Le 7 décembre, pour citer un exemple récent, une frappe aérienne des États-Unis sur la ville syrienne d'Al Khan a tué 36 civils, dont 20 enfants – soit le même nombre d'enfants qui sont morts dans la tuerie de masse à l'école primaire Sandy Hook à Newtown, au Connecticut, en décembre 2012. Le commandant en chef des États-Unis n'avait pas versé de larmes à propos de l'incinération des enfants syriens.

Le gouvernement Obama mène aussi des attaques flagrantes contre les enfants aux États-Unis. Durant la dernière semaine, la police de l'immigration et des douanes a commencé à arrêter des mères et des enfants qui fuient la violence en Amérique centrale et qui ont trouvé refuge aux États-Unis. Au moins 121 personnes ont été arrêtées après une descente à leur demeure. Leur déportation au Guatemala, à El Salvador ou au Honduras est imminente.

Des mères et des enfants risqueront d'être violés ou même tués dans leur pays, où la violence est perpétrée par des gangs criminels ou des escadrons de la mort qui ont l'appui des États-Unis. Il est indéniable que ces déportations, qui se chiffreront par milliers et même dizaines de milliers dans une année électorale où la «fermeté» sera exigée à la frontière mexicaine, entraîneront la mort de nombreux enfants. Il ne faudrait pas s'attendre à ce qu'Obama verse des larmes à propos de ces victimes innocentes.

Dans ses remarques mardi, Obama a comparé les tueries de masse à Newtown, Charleston et à Umpqua Community College en Oregon aux victimes de la violence quotidienne dans les grandes villes américaines, où beaucoup de ces victimes, qui sont en nombre beaucoup plus grand, sont des Afro-américains.

Il n'a cependant pas fait référence à la vague de meurtres policiers de jeunes non armés – blancs, hispaniques, afro-américains – qui sont la cause principale de la colère populaire exprimée ces 16 derniers mois depuis l’assassinat de Michael Brown par la police à Ferguson au Missouri. Il n’a pas non plus fait référence à la disculpation totale la semaine dernière de l’exécution policière d’un enfant de douze ans, Tamir Rice, à Cleveland.

C'est un silence complice. Le ministère de la Justice d’Obama a blanchi à maintes reprises des policiers assassins à travers des enquêtes fédérales qui concluent nécessairement qu’aucun droit civique n’a été transgressé, y compris à Cleveland. Ce même genre d’intervention où l’immunité est accordée aux forces policières est en cours à Chicago après une série de meurtres policiers de jeunes non armés enregistrés sur vidéo.

Et même si Obama prétend que c’est l’accès trop facile aux armes puissantes qui explique en grande partie le nombre de décès par armes à feu aux États-Unis, sa propre administration continue d’injecter des milliards de dollars en équipement militaire dans la police municipale et supervise la répression de type militaire des manifestations contre la brutalité policière à Ferguson et Baltimore.

Pour ce qui est du contenu réel des décrets d’Obama, il n’aura aucun effet sur le nombre grandissant de morts dans les écoles américaines, les campus, les lieux de travail, les domiciles et dans les quartiers. Les actions proposées comprennent des vérifications élargies des antécédents des acheteurs d’armes à feu ainsi que la promotion de crans de sécurité et d’autres moyens techniques visant à empêcher des accidents mortels.

Obama a aussi proposé une hausse symbolique des dépenses dans les programmes de santé mentale ainsi qu’une surveillance accrue des patients souffrant de maladies mentales. Cette expansion de la surveillance étatique a été dénoncée par les organisations de défense en santé mentale.

Ni le contrôle sur la possession d’armes à feu ni les programmes de santé mentale n’offrent une solution sérieuse au nombre croissant de victimes de violence civile aux États-Unis, où plus de 30.000 victimes meurent sous les balles chaque année – la moitié d’entre eux de blessures auto-infligées.

Obama n’a offert aucune explication quant à la fréquence croissante des fusillades de masse, l’aspect le plus publicisé de l’augmentation du nombre de victimes. Une récente étude a révélé qu’au cours des 30 dernières années, l'intervalle de temps entre des tueries de masse est passé de 200 à seulement 64 jours.

Vendredi dernier marquait le cinquième anniversaire du meurtre de six personnes et de la blessure presque mortelle de la députée de l’Arizona, Gabrielle Gifford. Cet incident a été supplanté par le massacre dans une salle de cinéma à Aurora au Colorado; la tuerie d’élèves de première année à Sandy Hook; des meurtres de masse à UC Santa Barbara et au Umpqua Community College; et les massacres à l’église de Charleston en Caroline du Sud et à la clinique de fertilité à Colorado Springs.

Le World Socialist Web Site a indiqué à maintes reprises que la cause fondamentale de tels phénomènes, peu importe leur particularité individuelle, réside dans l’environnement qui les produit, à savoir l’inégalité, la répression, l’aliénation et la glorification de l’individualisme. Le plus important – et c’est quelque chose d’unique à la société américaine – est le fait que les États-Unis sont engagés depuis vingt-cinq dans une série quasi-ininterrompue de guerres à travers le monde. Personne sous l’âge de 30 ans ne peut se rappeler un temps où le gouvernement américain n’était pas en train de tuer des gens quelque part dans le monde.

Le gouvernement Obama, comme ses prédécesseurs, a constamment travaillé à créer un climat de peur dans le but de justifier, au nom de la «guerre au terrorisme», des guerres d’agression à l’étranger et la militarisation de la vie sociale à l’intérieur des États-Unis. Des dizaines de milliers de jeunes ont été psychologiquement marqués par leur participation à des guerres néocoloniales meurtrières. Voilà le contexte toxique qui produit les éruptions de violence sur le sol américain.

À un certain point dans son discours de mardi, Obama a déclaré: «Les États-Unis d’Amérique ne sont pas le seul pays sur terre où il y a des gens violents ou dangereux. Nous ne sommes pas fondamentalement plus enclins à la violence. Mais nous sommes le seul pays avancé sur terre qui voit ce genre de violence de masse avec une telle fréquence. Cela n’arrive dans aucun autre pays avancé, loin de là.»

Il est certainement vrai que le peuple américain «n’est pas fondamentalement plus enclin à la violence». Mais qu’en est-il de la classe dirigeante américaine, ce «nous» pour qui Obama parle en réalité?

Cette élite parasitique est embourbée dans la corruption, plus que jamais assoiffée d'argent, terrifiée par toute opposition à sa domination mondiale, que ce soit de la part de classes dirigeantes rivales et surtout des grandes masses de la population ouvrière américaine.

Les victimes des guerres de l’impérialisme américain – au Moyen-Orient, dans les Balkans, en Afghanistan et en Afrique du Nord – se comptent en millions. À ce nombre, il faut ajouter les victimes du militarisme à l’intérieur même des États-Unis. La société américaine est empoisonnée par la violence militaire.

(Article paru d'abord en anglais le 7 janvier 2016)