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La rhétorique anti-Poutine du Parti démocrate prépare une escalade de la guerre en Syrie

Par Andre Damon
3 août 2016

Vendredi soir, le New York Times a publié à la une un article intitulé «Des espions russes auraient piraté des systèmes utilisés par la campagne Clinton», alléguant que des pirates associés au gouvernement russe auraient infiltré des systèmes informatiques utilisés par la campagne d’Hillary Clinton.

Cet article inflammatoire est le plus récent d’une série d'articles et d'éditoriaux parus au cours des derniers jours dans le Times et d'autres journaux affirmant que le président russe Vladimir Poutine est impliqué dans une tentative d'influencer les élections de 2016.

L’article de vendredi, tout comme ceux qui l'ont précédé, ne contenait pas une seul fait pour appuyer les accusations explosives contenues dans le titre.

Ce n'est qu'à la fin de l'article que le lecteur apprend que toutes les affirmations sont basées sur des références à une source qui tient à demeurer anonyme. Rien n’indique que cette soi-disant source ait fournit des informations au Times qui viendraient appuyer ses affirmations. Personne ne sait qui elle est, à supposer même qu’elle existe. Le Times pourrait même avoir inventé ces informations de toutes pièces.

Plus tôt cette semaine, le Times déclarait que les services de renseignement américains avaient «fortement confiance» que «le gouvernement russe était à l'origine du vol des courriels et documents de la Convention nationale démocrate (CND)», sur la base d'affirmations similaires de sources anonymes. Les courriels de la CND ont été publiés par WikiLeaks.

Cette campagne est conforme à la définition classique de l'amalgame: une série d'affirmations sans lien entre elles sur des événements flous faites généralement dans le but d'attaquer une ou plusieurs cibles.

La présente campagne de la CND qui tente de présenter les documents publiés par WikiLeaks démontrant la fraude électorale généralisée commise par la CND vise la candidature de Donald Trump de la droite en le présentant, dans les mots du chroniqueur du Times Paul Krugman, comme un «candidat sibérien» redevable à Poutine.

Il est déjà assez grave que le Times tente d'attiser les sentiments anti-russes afin d’influencer les résultat d'une élection, mais sa campagne va encore plus loin. Le Times, ainsi qu'une section de la classe dirigeante pour laquelle il parle, tente d'exploiter l'environnement électoral extrêmement tendu pour attiser une colère populaire contre la Russie, et ainsi fournir une base populaire plus large pour une intervention américaine totale au Moyen-Orient.

La présente campagne de propagande anti-Poutine survient à la suite d'un nombre de développements qui ont attisé les tensions entre les États-Unis et la Russie. En premier lieu, la tentative de coup d’État en Turquie du mois dernier, qui était manifestement appuyée par les États-Unis, a été contrée à la dernière minute par des renseignements fournis au président Recep Tayyip Erdo&;an par la Russie.

Dans les semaines précédant le coup d’État, Erdo&;an s'était rapproché du gouvernement Poutine, allant jusqu'à s'excuser le 27 juin pour avoir abattu un bombardier Su-24 en novembre dernier, décrivant la Russie comme «un ami et partenaire stratégique».

Dans la même période que les ouvertures à la Russie, la Turquie a reculé dans son appui pour les «rebelles» qui se battent contre le gouvernement syrien du président Bashar Al-Assad, et dont beaucoup d’entre eux sont affiliés à l'État islamique.

«La Turquie a sévi contre les combattants étrangers qui passent par la Turquie», se plaignait John Brennan, le directeur de la CIA, sur Yahoo News deux jours après qu'Erdo&;an s’est excusé à la Russie.

La fermeture de la Turquie en tant que voie de passage pour les combattants islamistes vers la Syrie, en plus des opérations russes contre les force de l'EI et les rebelles appuyés par les États-Unis, a entraîné une série de reculs pour les forces islamistes appuyées par la CIA en Syrie. Alep, la plus grande ville syrienne, est sur le point d'être libérée des forces rebelles et l’EI par le gouvernement syrien.

En 2013, l'administration Obama a décidé de retirer sa menace d'intervenir encore plus directement en Syrie face aux divisions au sein de la classe dirigeante et l'opposition populaire de masse envers le déclenchement d'une autre guerre.

Maintenant cependant, sans une augmentation rapide et massive de la présence militaire américaine, toute l'insurrection appuyée par la CIA risque une défaite majeure. Il s'agirait d'un recul politique important pour les plans américains de domination du Moyen-Orient.

Comme l'écrivait le Times la semaine dernière, «la chute de l'est d'Alep aux mains de forces gouvernementales représenterait un point tournant majeur dans la guerre et solidifierait la place de la Russie en tant que puissance étrangère la plus importante dans le conflit.»

Il est remarquable que dans les derniers jours les médias américains ont proclamé que la chute d'Alep constituerait un catastrophe humanitaire, tout en restant muet sur les bombardements américains récents dans des villes à proximité qui ont coûté la vie à des centaines de civils.

La plate-forme du Parti démocrate inclut une dénonciation amère de la Russie, accusée d'«appuyer le régime d'Assad en Syrie, qui attaque si brutalement ses propres citoyens». La plate-forme déclare qu'une administration Clinton «n'hésitera pas à confronter l'agression russe». Il s'agit là d'un type de rhétorique qui était associé à la faction Goldwater d'extrême droite du parti républicain en pleine guerre froide. Elle est maintenant utilisée par le Parti démocrate, et ceci doit être compris comme une indication que ses politiciens préparent une escalade majeure des opérations militaires des États-Unis.

Dans le lexique de la politique américaine, on parle d'une «surprise d'octobre»: la provocation délibérée d'une crise de politique étrangère pour rallier la population autour du drapeau, et galvaniser l'appui du public pour une intervention militaire, en plus d'assurer la victoire du candidat préféré du parti au pouvoir.

Ces événements préparent peut-être la création d'une surprise d'octobre, si elle ne prend pas place en septembre… ou même en août.

Pendant que la question de la guerre était délibérément passée sous silence, à peine mentionnée aux conventions des deux partis, l'augmentation des dénonciations de plus en plus virulentes de la Russie indique qu’une escalade de la participation militaire directe en Syrie se prépare, ce qui pourrait entraîner une guerre avec la Russie, une puissance nucléaire.

(Article paru d'abord en anglais le 1er août 2016)