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La ministre allemande de la Défense annonce l’emploi de l’armée à l’intérieur du pays

Par Johannes Stern
8 août 2016

La Bundeswehr, l’armée allemande, est en train d’être préparée pour être utilisée à l’intérieur du pays. C’est ce qui fut confirmé mercredi dans une interview accordée par la ministre de la Défense Ursula von der Leyen (CDU, Union chrétienne-démocrate) au journal Bild. Des exercices conjoints débuteront dans quelques semaines.

« Oui. À la fin de l’été, nous déciderons lors de la conférence des ministres de l’Intérieur des Länder du genre d’intervention pour laquelle il faudra nous entraîner. En cas d’urgence, la chaîne d’alarme doit être prête, les compétences clairement définies et suffisamment de personnel disponible », a dit von der Leyen. « C’est pourquoi, nous procéderons tout d’abord à un exercice d’état-major qui testera l’interaction entre le gouvernement fédéral et les autorités de police de plusieurs Länder. » Trois Länder fédérés ont « déjà manifesté de l’intérêt. »

La ministre de la Défense n’a laissé aucun doute qu’en « cas d’urgence » la Bundeswehr ne gérerait pas seulement la logistique mais « fournirait aussi un soutien militaire. »

« Dans les cas les plus graves, la police décidera de ce qui est nécessaire pour faire face à une situation terroriste. En principe, la Cour suprême a clairement indiqué que dans des cas extrêmes, le soutien de l’armée peut être demandé. »

Dans un entretien accordée au Süddeutsche Zeitung, le lieutenant général Martin Schelleis a, en tant que chef du service de soutien interarmées (Streitkräftebasis, SKB), donné un aperçu des mesures extensives qui sont préparées dans le dos de la population.

Selon Schelleis, la Bundeswehr peut fournir sur demande « des capacités telles une surveillance mobile de l’espace aérien à basse altitude pour l’identification des aéronefs à grande vitesse », ou donner des conseils en cas de menace nucléaire, biologique ou chimique, « le cas échéant en recourant même à un laboratoire mobile. »

De plus, l’armée pourrait assister la police à l’aide de véhicules blindés. Les officiers de la police militaire de l’armée assurent d’ores et déjà certaines fonctions dans des missions étrangères, « qui ne diffèrent pas fondamentalement de celles assurées en Allemagne », a précisé Schelleis.

« Nos soldats ont acquis à l’occasion de diverses missions à l’étranger une considérable expérience en matière d’organisation de points de contrôle, de gestion des risques d’explosion ou de garde d’immeubles. Ils apportent des connaissances et des qualifications qui pourraient servir dans une situation terroriste », a dit le général.

Les déclarations de Schelleis mettent en lumière les conséquences de grande envergure de l’utilisation de la Bundeswehr sur le sol allemand. En cas d’urgence, la Bundeswehr apporte sur la ligne de front domestique « des connaissances et des qualifications » qu’elle a acquis durant des opérations de guerre au Kosovo, en Afghanistan ou au Mali – l’assujettissement et la répression brutale de la population indigène !

Le déploiement policier-militaire de la Bundeswehr viole de manière tellement évidente la Loi fondamentale [la Constitution allemande] que même des défenseurs d’une stricte politique sécuritaire ont émis des critiques. Dans un article d’opinion paru dans le quotidien économique Handelsblatt, le chef du syndicat de la police fédérale allemande, Rainer Wendt, a prévenu que les prochains « jeux de guerre à l’intérieur du pays » pourraient « supplanter ce qui est la chose la plus précieuse que notre société a à offrir, notre constitution. Les hommes et les femmes qui ont rédigé notre constitution savaient exactement pourquoi ils avaient imposé de strictes limites au déploiement de forces armées à l’intérieur du pays. »

Wendt, qui préconise un considérable renforcement des pouvoirs et de l’équipement de la police, n’aborde pas directement cette question. Mais l’interdiction visant les missions de la Bundeswehr sur le sol allemand ainsi que la séparation de la police et de l’armée ont été inscrites dans la constitution d’après-guerre précisément à cause des expériences faites sous l’Empire du Kaiser, la République de Weimar et la dictature nazie. L’armée allemande et les formations de combat paramilitaires tout comme les services de renseignement et la police, ont servi d’instruments brutaux de domination et d’oppression à l’intérieur du pays.

Cette tradition funeste doit actuellement être relancée. Le nouveau « Livre blanc 2016 sur la politique allemande de sécurité et l’avenir de la Bundeswehr » établit la doctrine de la politique sécuritaire officielle de l’Allemagne. Il affirme dans la partie « Déploiement et rôle de la Bundeswehr en Allemagne » qu’« afin de seconder la police dans la gestion efficace d’une situation d’urgence, les forces armées sont aussi habilitées sous certaines conditions bien particulières à accomplir des tâches relevant de la souveraineté en ayant recours à des pouvoirs d’intervention et de contrainte. »

Le Livre Blanc, tout comme les politiciens allemands, justifient l’utilisation de la Bundeswehr en faisant référence aux récentes attaques terroristes commises en Europe. Dans une interview du Bild, von der Leyen a dit, « Paris nous a tous ouvert les yeux. Je préfère quant à moi le scepticisme à une accusation ultérieure comme quoi nous n’étions pas préparés. »

En réalité, des mesures telles l’imposition de l’état d’urgence comme c’est le cas en France ou le recours à l’armée à l’intérieur du pays n’empêchent en aucun cas de futurs attentats. Une déclaration du PSG concernant le déploiement policier massif à Munich a prévenu :

« Toutes ces mesures n’ont en rien rendu la situation plus sûre, bien au contraire. Ce sont avant tout les guerres menées par les États-Unis sous le prétexte de la « guerre contre le terrorisme » et dans lesquelles l’Allemagne est de plus en plus impliquée, qui ont transformé des pays tels l’Irak, la Libye et la Syrie en un terreau de réseaux terroristes qui n’y existaient pas auparavant. De plus, il y a de nombreux liens entre les agences de renseignement occidentales et les terroristes islamiques qui sont soutenus et financés par les alliés de puissances occidentales tels l’Arabie saoudite, le Qatar et la Turquie. »

Elle poursuit en disant : « La véritable cible du renforcement des pouvoirs de l’État au nom de la ''lutte contre le terrorisme'' est la classe ouvrière et l’ensemble de l’opposition sociale et politique. Dans des conditions où les contradictions sociales sont en train de s’intensifier, où l’Union européenne est en train de s’effondrer et où la prochaine crise financière se profile à l’horizon, la classe dirigeante s’apprête à mener des batailles de classe acharnées. Un militarisme grandissant à l’étranger va de pair avec une militarisation de la politique intérieure. »

Le Livre Blanc prône une politique étrangère et de défense européenne dominée par Berlin afin de défendre dans le monde entier les intérêts géopolitiques et économiques de l’Allemagne. À cette fin, le budget militaire sera presque doublé par rapport à l’actuel coût de près de 39 milliards d’euros. Sous le paragraphe, « L’OTAN et l’Union européenne », le Livre Blanc indique : « Le gouvernement fédéral s’est donné pour tâche et s’emploiera à atteindre à long terme et dans le cadre des ressources disponibles l’objectif de deux pour cent du PIB pour les dépenses de la défense tout en s’efforçant d’arriver à un taux d’investissement de 20 pour cent dans le domaine de la défense. »

Tout comme dans les années 1930, les élites allemandes savent qu’elles doivent établir une dictature afin d’imposer contre la volonté de la population leurs projets massifs de réarmement et de guerre. Telle est la véritable raison des exercices qui sont pratiqués entre la police et les forces armées et du déploiement de l’armée sur le sol allemand.

(Article original paru le 6 août 2016)