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La France vend vingt-quatre avions de chasse Rafale à la dictature égyptienne

Par Antoine Lerougetel
17 février 2015

Le président français François Hollande avait annoncé la vente de 24 chasseurs Rafale au régime sanguinaire du dictateur égyptien, le général Abdel Fattah Al-Sissi le 12 février, à son retour des pourparlers de Minsk relatifs à la guerre civile ukrainienne. Si l'on prend en compte les autres projets de vente d’armes, cela fera de la dictature égyptienne le plus important client de la France pour ce qui est de l'industrie d’armement en 2015.

L'accord d'achat a été signé lundi 16 février au Caire. L’acquisition des Rafales est financé par le biais d’emprunts auprès d'un pool de banques françaises, garantis par l'Etat français. Le contrat, mentionné pour la première fois pendant la visite au Caire du ministre de la Défense Jean-Yves Le Drian en septembre dernier, comprend également la vente d'une frégate multimission et de missiles.

Hollande a dit, « L'Egypte voulait un avion de grande qualité... compte tenu des menaces qui existent autour de ce pays ». Selon un expert cité par Le Monde, un des arguments de vente des armes françaises par rapport aux armes américaines est que la France n'impose pas de restrictions sur les cibles contre lesquelles les armes sont utilisées. L'Egypte a lancé récemment des opérations militaires contre les forces islamistes en Libye et contre les insurgés en Egypte même, dans la péninsule du Sinaï.

Lundi, des avions de combat égyptiens ont bombardé des positions du groupe État islamique en Libye, après que la branche libyenne du groupe djihadiste a revendiqué la décapitation de vingt et un chrétiens coptes dans une vidéo. Ceci montre que Al-Sissi utilisera les Rafales partout en Afrique où l'impérialisme occidental voudrait mener ses guerres par procuration.

L'annonce du contrat a été salué avec euphorie par les médias et l'establishment politique français. Le Monde s'est enthousiasmé: « Ne boudons pas notre plaisir ». C'est la première fois que le gouvernement français réussit enfin à vendre le Rafale à l'étranger

Ce contrat de vente d'armes représente une caution publique de la part du gouvernement Hollande aux opérations militaires du régime Al-Sissi et à sa répression sanglante de l'opposition politique égyptienne après le soulèvement révolutionnaire de la classe ouvrière qui a renversé le dictateur Hosni Moubarak en 2011.

Depuis le coup militaire d’Al-Sissi en Juillet 2013, son régime a massacré au moins 3.000 personnes, dont au moins 1000 membres des Frères musulmans, le parti de l’ex-président Mohamed Morsi, renversé par le coup d’Etat. Al-Sissi a imposé de lourdes interdictions contre les manifestations publiques et arrêté des dizaines de milliers de personnes détenues à présent dans des prisons secrètes et des centres de torture. De plus, Al-Sissi est en train de réduire drastiquement les subventions sur les produits de première nécessité tels que le carburant et le pain, ce qui appauvrit directement la classe ouvrière.

Le soutien du régime Al-Sissi aux interventions impérialistes au Moyen-Orient et son hostilité virulente à l’égard de la classe ouvrière lui ont valu un large soutien dans la classe dirigeante française. A l'invitation de Hollande, des représentants d’Al-Sissi ont participé aux manifestations officielles « Je suis Charlie » à Paris après l'attentat perpétré par des islamistes armés contre la rédaction de l'hebdomadaire Charlie Hebdo.

La signature du contrat avec Al-Sissi fait partie d’alliances en train de se nouer entre des gouvernements africains, dont l'Algérie, et l'impérialisme français et occidental contre le groupe Etat Islamique (EI) afin de maintenir et d’accroître le contrôle sur les ressources géostratégiques de l'Afrique du Nord et du Sahel. En août dernier, l'Egypte et les Emirats arabes unis (E.A.U.) avaient participé à des frappes aériennes contre des milices islamistes en Libye, pays riche en pétrole. Ces milices représentent une menace pour le gouvernement libyen, soutenu par l'Occident et pour la région tout entière.

Le gouvernement américain fournit la moité des avions de guerre utilisés par l'armée de l'air des E.A.U. et la France fournit le reste.

Al-Sissi participe aussi à l'étranglement de Gaza. Le régime détruit et bloque des tunnels qui vont de l'Egypte jusqu'à l'enclave palestinienne et qui permettent à celle-ci d'avoir accès à un ravitaillement vital.

Le contrat des Rafales repose sur l'entente que le régime Al-Sissi continuera de réprimer la classe ouvrière et de s'aligner sur la politique étrangère du gouvernement Hollande. Un article de Reuters fait remarquer, « Des diplomates disent que le contrat convient tant au Caire qu'à Paris géopolitiquement, comme les deux sont particulièrement engagés dans la lutte contre les groupes djihadistes en Afrique du Nord. Sissi cherche à améliorer l'équipement militaire égyptien par crainte que les milices en Libye voisine ne prennent le contrôle du pays et menacent directement l'Egypte. »

« L'Egypte a besoin rapidement d'avions », a dit Patricia Adam, présidente de la Commission de la défense nationale et des forces armées de l'Assemblée nationale. « Il suffit de regarder ce qui se passe aux frontières de l'Egypte. Ils sont particulièrement inquiets de ce qui se passe en Libye. » Des milices islamistes basées en Libye fournissent des forces pour déstabiliser le Mali, où des milliers de soldats français sont déployés pour assurer le contrôle de la France sur son ex-domaine colonial du Sahel, riche en uranium.

En mettant le Rafale sur le marché, l'industrie française de l'armement cherche aussi à profiter du bilan de l’avion de chasse au cours de combats de plus en plus nombreux à mesure que la France s'engage dans des guerres en Afrique et au Moyen-Orient. Le Rafale qui est opérationnel dans l’armée de l’air française depuis 2004 a été déployé en Afghanistan (2007-2012), en Libye (2011), au Mali (depuis 2013) et en Irak contre le groupe EI (depuis septembre).

Des négociations en vue de ventes potentielles du Rafale sont en cours avec plusieurs gouvernements, dont l'Inde, le Qatar et la Malaisie. Mais avant ce contrat avec l'Egypte, l'armée française était l'unique client du Rafale. Les contrats pour des avions de ce type étaient plutôt allés aux Etats-Unis, au Royaume-Uni et à la Suède.

Ayant échoué à conclure des ventes avec plusieurs acheteurs étrangers potentiels et confronté à des coupes dans le budget militaire de la France, Paris était confronté à la possibilité d'un effondrement de la production du Rafale, actuellement l'avion multirôle principal de l’armée française.

Les prévisions d'achat de 320 Rafale par l'armée française étaient passées à 225 en 2013 et la cadence minimale de production de 11 avions par an, nécessaire pour maintenir la chaîne de production, était menacée. La vente égyptienne a sans aucun doute été agressivement démarchée par la société aérospatiale Dassault, mais également par l'entreprise d'électronique de défense Thales et le motoriste aéronautique Safran. Le programme de développement de 40 ans du Rafale a coûté €49,5 milliards à l'Etat.

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