La France et la Russie s'accordent pour annuler la vente des Mistrals
Par Anthony Torres
5 août 2015
La France et la Russie ont trouvé un accord pour résilier le contrat sur la vente par la France de deux portes hélicoptères à la Russie. L'annulation de la vente des Mistrals à la Russie représente une défaite humiliante pour Paris et pour les industriels de l'armement français.
La tentative manquée de vendre les Mistrals à la Russie souligne les profondes contradictions qui minent la politique extérieure française et la montée des tensions militaires avec la Russie. Lorsque Nicolas Sarkozy a signé le contrat de vente avec l'ancien président russe Dmitri Medvedev, Paris cherchait à développer sa collaboration économique avec la Russie afin de contrecarrer Berlin. Paris avait cependant réintégré l'OTAN en 2009, ce qui a ébranlé ses relations avec Moscou.
En 2014, après le putsch dirigé par Washington et Berlin en Ukraine, l'OTAN a déclenché en Europe de l'est une escalade militaire visant la Russie et les alliés de la France ont fait pression pour arrêter la vente des Mistrals. La décision actuelle met fin à de longues luttes intestines dans les milieux politiques et diplomatiques au sujet de ce contrat.
A la fin de la semaine dernière, le conseiller pour la coopération militaire et technique du président russe, Vladimir Kojine a déclaré « les négociations sont déjà achevées, tout a déjà été décidé et les délais, et la somme » que la France doit verser à Moscou en dédommagement de la non-livraison des navires Mistral.
Le premier ministre français, Manuel Valls n’a pas été aussi affirmatif que le conseiller de Poutine mais il n’a pas démenti ses propos : « Nous aurons l'occasion de nous exprimer dans quelques jours, dans quelques semaines, et des décisions dans ce domaine-là seront prises à la fin de l'été ».
En novembre dernier, François Hollande avait décidé le report « jusqu'à nouvel ordre » de la livraison du premier des deux navires de guerre, le Vladivostok en invoquant le rôle de la Russie dans le conflit en Ukraine. Il devait être initialement remis à Moscou à la mi-novembre 2014, tandis que le second, le Sébastopol, devait théoriquement être livré à la Russie à l'automne 2015. Avec la résiliation de la vente des deux portes hélicoptères à la Russie, les emplois sur le port de Saint-Nazaire où ils sont construits sont menacés.
Le quotidien russe Kommersant a cité plusieurs sources anonymes qui évoquaient une somme de 1,6 milliard d’euros que la France devra débourser à la Russie. Cette annulation fait craindre aux industriels de l'armement français une perte de leur crédibilité dans la guerre commerciale qu’ils livrent aux autres pays dans le domaine des ventes d’armes.
La conséquence de l’annulation de la vente des deux navires à la Russie se fait déjà sentir, car l’Inde a renoncé à l’acquisition de Rafales. Xavier Tytelman, un ancien pilote français, a dit : « Il est sûr que le fait que la France ne respecte pas totalement sa parole sur les Mistral aura des impacts géopolitiques sur la fourniture d'armements. Un pays qui achète de l'armement attend de pouvoir obtenir son armement quels que soient les enjeux et les événements géopolitiques qu'il puisse rencontrer ».
Depuis le conflit ukrainien orchestré par les Etats-Unis et l’Allemagne pour affaiblir la Russie en Europe de l’Est et l’encercler militairement, la France est engagée, aux côtés des autres puissances impérialistes, sous la bannière de l’OTAN, dans l’escalade d’une guerre avec la Russie. L’annulation de la vente des portes hélicoptères met en évidence la dégradation des relations franco-russes.
La France participe à des manœuvres militaires organisées par l’OTAN à travers l’Europe, dont le but est de préparer un affrontement militaire avec la Russie dans les pays baltes ou d'autres pays d'Europe de l'Est. La France soutient les sanctions économiques contre la Russie. En mai dernier, Paris a envoyé 8 Mirages-2000 pour la manœuvre ‘Artic Challenge Exercice’ où étaient organisés des exercices de patrouille et des simulations d’attaques aériennes.
Du 5 au 15 juin, l’OTAN a réalisé un exercice aéronaval rassemblant plus de 5000 soldats et près de 50 navires venant des flottes de 17 Etats. Ces exercices étaient destinés à renforcer les capacités de défense anti-sous-marine et aérienne, d'interception de navires suspects et de débarquement d’amphibies.
Alors que se tenait le Forum Economique de St Pétersbourg, la justice française a gelé des actifs russes en France, en application d'une décision de la Cour permanente d'arbitrage de La Haye.
La décision d’annuler la ventes du Vladivostok et du Sébastopol fut encouragé par des sections de l’armée qui craignaient de renforcer un pays potentiellement ennemi. Ces navires sont réputés performants et l’amiral russe Vladimir Vyssotsk a déclaré au quotidien Nezavisimaya Gazeta : « Avec des navires de type Mistral durant le conflit en Ossétie du Sud, l’armée russe aurait pu accomplir toutes ses missions en 40 minutes au lieu de 26 heures. ».
La France a aussi subi des pressions de la part de ses alliés dont l’Allemagne et les Etats-Unis, qui demandaient à la France de ne pas livrer les porte-avions. La vente de ces navires à la Russie par un pays membre de l’OTAN avait été critiquée par des responsables américains.
S’exprimant devant le Congrès début mai, la principale responsable des Affaires européennes au ministère des Affaires étrangères, Victoria Nuland avait dit que l’administration Obama avait « exprimé ses inquiétudes de façon consistante au sujet de cette vente ».