La dette de la zone euro continue à augmenter
Par Stefan Steinberg
25 juillet 2013
Les dernières données publiées par l'agence de statistiques Eurostat montrent que la dette dans la zone euro continue à augmenter, après trois années d'austérité intensive.
Les données publiées lundi montrent que la charge de la dette des 17 pays de la zone euro a atteint un record absolu à la fin du premier trimestre de cette année.
D'après le bureau des statistiques de l'Union européenne (UE), la dette gouvernementale par rapport au PIB (produit intérieur brut ) annuel de la zone euro a atteint 92,2 pour cent au premier trimestre 2013 ; contre 90,6 pour cent au précédent trimestre et 88,2 à la même période de l'année dernière.
La Grèce, premier pays de la zone euro à avoir subi un traitement d'austérité profonde après la crise de 2008, Athènes a récemment fait voter son septième budget d'austérité, a le niveau de dette le plus élevé de la zone euro, à savoir 160,5 pour cent du PIB. C'est une augmentation, comparé au précédent trimestre où il était à 156,9 pour cent, et au niveau de l'année dernière où il était à 136,5 pour cent.
Le deuxième taux d'endettement le plus élevé de la zone euro est l'Italie, à 130,3 pour cent.
L'endettement total a également augmenté dans toute l'UE, avec 21 Etats européens enregistrant une augmentation de leur taux d'endettement par rapport au PIB à la fin du premier trimestre 2013 comparé au quatrième trimestre 2012. Seulement 6 ont enregistré une baisse.
Les augmentations les plus importantes du taux d'endettement sur le trimestre ont été enregistrées dans deux Etats soumis au renflouement et aux mesures d'austérité de l'UE, l'Irlande (plus 7,7 pour cent) et l'Espagne (plus 4 pour cent), avec la Belgique en troisième position (plus 4,7 pour cent).
Ces données confirment que les mesures d'austérité dictées par la troïka (Fonds monétaire international, Commission européenne et Banque centrale européenne (BCE) ) depuis 2009 n'ont rien à voir avec le but affiché de nettoyer les finances et les budgets des économies européennes. Il s'agit en fait de tailler dans les emplois et les services sociaux, ce qui entraîne du chômage et de la pauvreté pour des dizaines de millions de gens dans toute l'Europe ; c'est une politique délibérée pour réorganiser fondamentalement les relations de classes. Une conséquence majeure est d'augmenter la richesse et la puissance des banques.
Les profits des banques s'envolent une fois de plus, et les principales bourses européennes s'approchent à nouveau de leurs niveaux records de 2007-2008. La principale source des nouvelles fortunes amassées par les banques est le crédit quasiment gratuit mis à leur disposition par les principales banques centrales, dont la BCE.
Une indication supplémentaire de la récession qui se creuse en Europe vient des récentes statistiques qui montrent que les banques prêtent de moins en moins aux entreprises. Les banques qui prêtent au secteur privé de la zone euro ont diminué de 1,1 pour cent dans les trois mois précédant mai, soit une baisse moyenne de plus de 3 pour cent. Alors que les budgets nationaux en Europe se réduisent à cause de la baisse des recettes fiscales, les compagnies sont privées des crédits dont elles ont besoin pour investir dans leur développement et la production future.
Au lieu de cela, les banques trouvent qu'il est plus rentable d'emprunter de l'argent peu cher à la BCE. Puis elles utilisent ces fonds pour acheter et vendre des obligations des gouvernements, qui leur rapportent dans certains cas des taux d'intérêt à 6 ou 7 pour cent.
Son rôle dans cette opération permet également à la BCE d'espérer réaliser des profits juteux. Un article du Financial Times de jeudi intitulé « Les renflouements peuvent générer du profit pour les banques centrales » révèle que la BCE peut anticiper des gains nets de 70 à 80 milliards d'euros pour ses investissements en Europe du Sud jusqu'à présent. Elle s'attend à un profit de 9 milliards rien que pour ses investissements dans la dette grecque.
L'augmentation des tendances à la récession en Europe a été largement ignorée par les médias en Allemagne, principale économie européenne. Avec une élection générale prévue pour septembre, aucun des grands partis n'est prêt à soulever la question des conséquences économiques et politiques explosives pour la population allemande d'une résurgence de la crise de l'euro.
D'autres sources médiatiques ne sont pas aussi réticentes. Un récent article du journal financier CNBC intitulé « Est-ce qu'une tempête parfaite se prépare dans la zone euro ? » note que la crise économique en Europe est exacerbée par les crises politiques dans plusieurs pays-clé, qui « pourraient entraîner un nouvel épisode d'instabilité sur le continent, juste après les élections allemandes de Septembre. »
L'article fait ensuite la liste des pays européens qui sont touchés par des troubles politiques et qui sont confrontés à une opposition de plus en plus forte de la part des masses populaires.
Le sort du gouvernement espagnol est incertain, avec l'émergence des révélations selon lesquelles le premier ministre conservateur Mariano Rajoy et son Parti populaire trempaient jusqu'au cou dans des malversations financières tout en imposant des mesures d'austérité brutales au reste du pays.
Au Portugal, le gouvernement ne tient qu'à un fil après l'échec des négociations entre la coalition au pouvoir et le Parti socialiste pour parvenir à un « contrat pour sauver la nation », c'est-à-dire, appliquer encore plus d'austérité.
Le gouvernement grec a également une majorité très mince et doit faire face à une opposition de plus en plus forte contre ses plans de licencier des milliers d'employés du secteur public. L'aggravation de l'endettement du pays signifie qu'il va probablement demander un financement supplémentaire à l'UE avant la fin de l'année. Chypre est également confrontée à des problèmes de plus en plus graves pour rembourser les prêts qu'elle a déjà reçus de la troïka.
Un économiste européen de renom, Marchel Alexadrovitch, a déclaré à CNBC que la situation en Europe est « artificiellement calme. » Il a dit qu'il « s'inquiétait surtout du risque que les gouvernements s'effondrent en Italie et en Espagne. » La coalition au pouvoir, récemment formée, en Italie, réunissant le Parti démocrate d'Enrico Letta et le parti Peuple de la liberté de Silvio Berlusconi, est également paralysée par les conflits et subit une forte pression des banques pour qu'elle applique davantage d'austérité.
Ces pays produisent collectivement plus de 50 pour cent du PIB de la zone euro. Une intensification de la crise économique et/ou politique dans n'importe lequel d'entre eux entraînerait une nouvelle augmentation des taux d'intérêt des obligations, ce qui en retour risquerait d'avoir un effet domino négatif sur tous les pays d'Europe du Sud.
(Article original paru le 24 juillet 2013)