Le Moyen-Orient en 2013
Par Chris Marsden
14 janvier 2013
Les travailleurs et les masses opprimées du Moyen-Orient sont confrontés à la perspective d'une guerre meurtrière sectaire, de la répression d’Etat et d'une plongée continue dans la misère noire. Tout dépend d’un renouvellement du soulèvement qui avait commencé en 2011 mais, cette fois-ci, sur la base d’un programme articulant les intérêts politiques indépendants de la classe ouvrière.
Deux ans après, les illusions naïves qui ont accompagné le « printemps arabe », la conviction que toutes les classes au Moyen-Orient partageaient un désir de démocratie qui était soutenu par les principales puissances, ont été anéanties.
2013 a débuté par le déploiement de six batteries de missiles Patriot le long de la frontière turco-syrienne. Une nouvelle indication on ne peut plus claire que le monde se trouve à deux doigts d’une intervention militaire des Etats-Unis et de leurs alliés de l’OTAN dans la guerre civile sectaire qu’ils ont délibérément organisée.
Les missiles sont accompagnés de près de 1.200 troupes qui viennent s’ajouter aux dizaines de milliers d’autres stationnant déjà au Bahreïn, au Qatar, dans les Emirats arabes unis (EAU), au Koweït, au Liban, en Jordanie et en Israël, ainsi que les forces spéciales et les agents des services secrets se trouvant sur le terrain en Syrie. Dix-sept navires de guerre des Etats-Unis, de Grande-Bretagne et de France croisent déjà au large des côtes syriennes. Les armées occidentales sont là pour épauler une quelconque intervention de la Turquie et des monarchies du golfe au travers desquelles Washington opère.
Même sans une agression ouverte, les puissances occidentales ont commis un crime abominable en parrainant une insurrection sunnite comprenant les Frères musulmans et des mouvements de type al-Qaïda tels que Jabhat al-Nusra. Le prix payé pour cette manigance impérialiste a été des dizaines de milliers de morts et de blessés et la destruction de l’économie et de l’infrastructure syriennes.
Les Nations unies ont été contraintes d’admettre la réalité d’une guerre civile sectaire qui menace des communautés entières d’épuration ethnique à la manière yougoslave au risque de la mort. Mais, cette admission ne sera utilisée que comme argument en faveur d’une intervention. La presse dominante n’agit que comme une caisse de résonance pour la propagande de guerre, préférant ignorer l’alliance des Etats-Unis avec al Qaïda et suivant le cours tortueux consistant à d’abord accuser le régime d'Assad de planifier l’utilisation d’armes chimiques et balistiques, pour ensuite mettre en garde contre le danger de voir ces armes tomber entre les mains des forces d’opposition.
La chute du régime d'Assad n’apporterait aucun répit. Il serait remplacé par un gouvernement brutal qui mènerait une vendetta contre les alaouites, les chrétiens et autres minorités et qui pourrait résulter en un démembrement de l’Etat en cantons ethniques. La Libye est un avertissement, avec le premier ministre Ali Zeidan qui a menacé cette semaine de « recourir à la force pour protéger l’Etat » en dépit de conflits existant entre des bandes rivales quant au contrôle des sources d’approvisionnement vitales en pétrole.
La chute d’Assad est un élément clé des longs efforts entrepris par les Etats-Unis pour s’assurer l’hégémonie au Moyen-Orient et qui ont été considérablement intensifiés en réponse au renversement en 2011 de leurs alliés régionaux clé Ben Ali en Tunisie et Hosni Moubarak en Egypte. La politique américaine lie une intervention militaire agressive telle celle entreprise en Libye, à la conclusion d’une alliance avec les régimes et les mouvements arabes sunnites contre la théocratie chiite en Iran et ses alliés. Le but est de garantir un changement de régime à Damas et à Téhéran, de semer la discorde dans toute la région afin d’empêcher une action conjointe de la classe ouvrière et d’établir l’autorité des Islamistes comme rempart contre la révolution sociale.
A cette fin, Washington défend les références démocratiques de l’opposition syrienne tout en appuyant la répression de l’opposition contre ses alliés au Bahreïn, au Yémen, en Arabie saoudite, et autres. Ce faisant, Washington fait en sorte que ces régimes deviennent politiquement et militairement tributaires des Etats-Unis et prêts à agir comme un seul bloc contre les ambitions régionales de Téhéran, de Moscou et de Beijing.
A cette fin, le gouvernement Obama est actuellement en train de livrer à l’Egypte 200 chars M1A1 Abrams et 20 avions de chasse F-16 commandés sous Moubarak. Ce mois-ci, le gouvernement a fourni au Liban 200 véhicules blindés de transport de troupes M113 (APC), en portant le total à 1.200 APC, avec comme objectif déclaré de renforcer la capacité des forces armées de « protéger les frontières et la stabilité interne. »
L’Iran fait pour l’heure l’objet de sanctions qui ont un impact désastreux et déstabilisant, occasionnant une chute de 55 pour cent des importations cruciales de pétrole et un effondrement de la valeur de sa monnaie. Et la menace d'une frappe militaire est constamment réitérée par Israël.
Il n’y a aucun pays au Moyen-Orient où des régimes despotiques ne sont pas confrontés à une opposition grandissante. Et nulle part la classe ouvrière n’a été en mesure d’imposer sa volonté politique plutôt que d’être piégée derrière des groupements représentant des factions concurrentes de l’élite dirigeante, islamistes, nationalistes ou libérales. Si ceci n’est pas remis en question, le cauchemar sectaire qui a été créé en Syrie pourra et sera répété en Irak, en Jordanie, en Libye, au Liban et en Turquie.
L’impulsion fondamentale pour le renversement de Moubarak est venue de la classe ouvrière. C’est au moment où des millions de travailleurs ont engagé la lutte pour mettre fin à des décennies d’oppression sociale et politique que Moubarak a été lâché par le régime. Mais maintenant, près de 25 pour cent de la population égyptienne forte de 80 millions d’habitants se trouvent dans une extrême pauvreté alors que l’inflation grimpe en flèche et que le président Morsi devrait imposer des réductions drastiques de salaire conformément aux directives du Fonds monétaire international.
Rien de tout cela ne préoccupe l’opposition libérale dont le but est de préserver sa propre position dans le nouveau système politique et économique aux côtés des Frères musulmans et de l’armée. La même impulsion fondamentale anime chaque courant d'opposition bourgeois au Moyen-Orient, celui de sauvegarder son propre droit à exploiter les travailleurs et ses propres liens avec les pouvoirs occidentaux et les entreprises et banques transnationales.
La tâche politique essentielle devant laquelle se trouvent les travailleurs et les jeunes gens de la région est de forger un mouvement socialiste unifié contre les régimes dirigeants et leurs adversaires bourgeois ainsi que contre les puissances impérialistes qui les financent tous deux. Le but de la classe ouvrière, en mobilisant les paysans pauvres et les couches opprimées de la classe moyenne, doit être de mettre en place les Etats socialistes unis du Moyen-Orient grâce à la construction de son propre parti indépendant révolutionnaire fondé sur la théorie de la Révolution permanente de Trotsky.
Les travailleurs aux Etats-Unis et en Europe doivent faire tout ce qui est en leur pouvoir pour s’opposer aux objectifs prédateurs de leurs gouvernements et de leurs élites dirigeantes au Moyen-Orient. Pour cela, un nouveau mouvement anti-guerre doit être mis sur pied en opposition directe aux divers partis pseudo-gauches petits-bourgeois qui sont affiliés au Secrétariat unifié et aux Socialistes internationaux qui opèrent actuellement en défenseurs d'un changement de régime inspiré par les impérialistes et dirigé par des agents de la CIA, d’anciennes figures du régime et des Islamistes soutenus par les armes de l’OTAN.
La dénonciation de « l’anti-impérialisme spontané » est devenue incontournable dans ces cercles et les opposants à l’intervention militaire sont critiqués par un certain Pham Binh pour être « en porte à faux avec les intérêts et les exigences explicites d’abord des populations révolutionnaires de la Libye et maintenant de la Syrie » et qui, selon les dires de l’International Socialist Organisation américaine, « accepteront toute l'aide qu’elles seront en mesure d'obtenir. »
Ces tendances ont toutes rejoint le camp de la réaction impérialiste. La responsabilité de mener un mouvement anti-guerre et de donner une voix aux aspirations anti-impérialistes et socialistes de la classe ouvrière incombe au Comité international de la Quatrième Internationale.
(Article original paru le 12 janvier 2013)