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Le gouvernement néo-démocrate de la Colombie-Britannique trahit sa promesse d’augmenter le salaire minimum à 15 $

Par Roger Jordan
15 septembre 2017

Après moins de deux mois au pouvoir, le gouvernement du Nouveau Parti démocratique (NPD) de la Colombie-Britannique a rejeté son engagement électoral d’augmenter le salaire minimum dans la province à 15 $ au cours des quatre prochaines années, c’est-à-dire d’ici 2021.

Le fait que le NPD n'ait pas promulgué cette maigre réforme – qui aurait toujours laissé les travailleurs au salaire minimum bien en deçà du seuil de pauvreté –­ expose les prétentions entièrement frauduleuses colportées par les syndicats et les groupes de la pseudo-gauche comme La Riposte (Fightback) et International Socialists (IS) que l’arrivée d’un gouvernement néo-démocrate à Victoria représente un pas en avant pour les travailleurs.

Le ministre du Travail, Harry Bains a fait l’annonce de sa rétraction après que le gouvernement ait été critiqué par le Parti vert pour avoir fixé un échéancier de quatre ans pour augmenter le salaire minimum. Le NPD, qui détient 41 des 87 sièges à l’Assemblée législative de la Colombie-Britannique, dépend du soutien de trois députés Verts pour gouverner. Andrew Weaver, le chef des Verts, a insisté sur le fait qu’une soi-disant commission pour un juste salaire, la Fair Wages Commission – qui comptera indubitablement une majorité de représentants du monde des affaires – sera pleinement autorisée à déterminer un échéancier pour l’augmentation éventuelle du salaire minimum.

Bains est rapidement rentré dans le rang, déclarant au Vancouver Sun moins de deux semaines après avoir engagé publiquement le gouvernement dans son échéancier de quatre ans : «Je pense que M. Weaver a soulevé un très bon point. Et nous allons travailler avec lui. Il dit que nous ne devrions pas être trop prescriptifs en ce qui a trait à la Fair Wages Commission et je suis d’accord avec lui. Je pense que nous devrions donner l’autorité et le mandat à la commission de décider quand et comment nous atteindrons un salaire minimum de 15 $.» Comme pour renchérir sur ce point, Bains a ajouté que l’échéancier pourrait bien être «selon ce que la commission juge bon».

Le fait que le NPD soit incapable de mettre en œuvre une réforme aussi minime illustre clairement le caractère anti-classe ouvrière et pro-grande entreprise de ce parti. Après 16 ans de règne libéral et de compressions des services publics et des dépenses sociales, le premier ministre John Horgan a déclaré à maintes reprises qu’un gouvernement néo-démocrate appliquerait le cadre budgétaire répressif des libéraux, tel que contenu dans leur dernier budget, en présentant notamment «un budget équilibré» pendant au moins les deux prochaines années.

Le NPD a déjà abandonné d’autres parties de son programme électoral. Son premier discours du Trône, prononcé vendredi dernier, n’a fait aucune mention d’un système de garde d’enfants promis à l’échelle de la province à 10 $ par jour, disant plutôt que le gouvernement travaillerait pour offrir un programme de garderie «accessible et abordable».

La promesse d’accorder une allocation de 400 $ aux locataires, durement touchés par les augmentations massives de loyer dans le Grand Vancouver et Victoria, était également toute aussi absente. En août, Horgan a de même adouci le ton de façon significative dans son opposition à l’expansion écologiquement destructrice de l’oléoduc Kinder-Morgan.

Il n’est pas surprenant que l’élite du monde des affaires ait accueilli chaleureusement la volte-face du NPD sur le salaire minimum. Ian Tostenson, responsable de la BC Restaurant and Food Services Association, un organisme représentant les employeurs du secteur de la restauration où les travailleurs à bas salaire sont exploités sans pitié, était enthousiaste : «C’est un bon signe que le gouvernement dise qu’il faut faire preuve de souplesse quant à la façon dont nous y arriverons. Je pense qu’ils veulent vraiment arriver à un processus où ils peuvent travailler avec l’industrie.»

Même si le salaire minimum était porté à 15 $ demain, ce serait insuffisant pour remédier à la pauvreté généralisée qui sévit en Colombie-Britannique, province affichant le taux de pauvreté le plus élevé de tout le Canada, avec plus de 12%. À Vancouver, le salaire vital, c’est-à-dire le salaire minimum requis pour un travailleur pour ne pas vivre en dessous du seuil de pauvreté, s’élève à plus de 20 $.

Les partisans du NPD de la pseudo-gauche, qui répètent sans cesse qu’il faut pousser le parti «à gauche» et prétendent même qu’il peut servir d’instrument de lutte pour le socialisme, ont réagi à l’abandon par le gouvernement de la Colombie-Britannique de son échéancier pour porter le salaire minimum à 15 $ avec un silence embarrassé. IS, qui a applaudi l’échéancier de quatre ans du NPD annoncé à la mi-août comme «une victoire indéniable pour le combat plus vaste pour porter le salaire minimum à 15 $ au Canada et aux États-Unis», n’a publié aucun article pour expliquer comment et pourquoi une telle «victoire» pouvait si rapidement disparaitre en fumée. Au lieu de cela, IS poursuit ses efforts désespérés pour défendre le NPD dont les mensonges sont exposés en demandant à ses membres de s’impliquer dans la prochaine course à la direction du NPD fédéral.

La BC Federation of Labour (fédération des travailleurs de la Colombie-Britannique) qui a injecté de vastes ressources dans des publicités électorales s’en prenant à la chef libérale Christy Clark et promouvant le NPD, a trouvé le temps de publier une déclaration sur le discours du Trône du NPD dans laquelle elle annonce vaguement qu’elle voulait voir l’augmentation du salaire minimum «dès que possible». La rétraction par le NPD de sa promesse électorale n’a pas empêché les bureaucrates syndicaux d’applaudir le gouvernement pour avoir mis de l’avant une «nouvelle approche qui met les gens en premier».

Cette «nouvelle approche» accueillie avec tant d’enthousiasme par les syndicats et les organisations de la pseudo-gauche est en fait l’intégration de leur personnel de premier plan dans divers comités et commissions gouvernementaux, et même dans certains cas dans l’appareil gouvernemental même.

Horgan a précisé lors de sa première réunion le mois dernier avec le premier ministre Justin Trudeau qu’il s’était engagé à coopérer étroitement avec le gouvernement fédéral libéral représentant des intérêts du monde des affaires, les deux partis jouissant tous deux de liens étroits avec la bureaucratie syndicale (voir «Canada: BC’s new NDP Premier pledges to work closely with Trudeau»).

L’expérience amère qui a déjà été vécue ailleurs au Canada a bien démontré que la vie des travailleurs ne verra aucune amélioration sous un gouvernement néo-démocrate. Le NPD servira plutôt d’instrument de la bourgeoisie pour mettre en œuvre le programme d’austérité et de guerre de la classe dominante. À chaque fois que les sociaux-démocrates ont pris le pouvoir quelque part au Canada au cours des quatre dernières décennies, ils sont entrés en conflit avec la classe ouvrière, s’en prenant notamment aux services publics, imposant l’austérité salariale et brisant les grèves. Dans la province voisine de l’Alberta où le NPD gouverne depuis 2015, le Parti fait porter tout le poids de la crise économique causée par l’effondrement du prix du pétrole sur le dos des travailleurs, tout en conservant les taux d’imposition faibles pour les grandes entreprises et les riches pour lesquels la province est reconnue depuis longtemps.

L’historique du NPD au pouvoir révèle que même les demandes les plus immédiates des travailleurs pour résister à l’assaut constant contre leurs emplois, leurs conditions de vie et leurs droits sociaux ne peuvent être satisfaites que par la lutte contre tous les partis pro-capitalistes et leurs défenseurs. Les travailleurs ne peuvent se protéger de la crise capitaliste et encore moins renverser des années de concessions et de compressions en se contentant d’exercer des pressions sur les politiciens néo-démocrates ou les bureaucrates syndicaux. Ils doivent se battre pour des augmentations de salaire, la sécurité d’emploi, l’augmentation considérable des dépenses publiques et l’accès à des services sociaux et culturels dans le cadre d’une lutte plus vaste pour mettre au pouvoir un gouvernement ouvrier qui adoptera des politiques socialistes.

(Article paru en anglais le 11 septembre 2017)