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Augmentation rapide des décès par overdose au Canada

Par Riksen Stewart et Roger Jordan
24 juin 2017

Des données troublantes publiées à la fin du mois de mai ont révélé que jusqu’à maintenant en 2017, les décès par overdose à Vancouver se produisent à un rythme de plus d’un cas par jour. Cela n’est seulement que la dernière manifestation d’une crise d’opiacés en forte augmentation à travers le Canada, laquelle est exacerbée par la détérioration des conditions sociales, l’accroissement de l’inégalité sociale et la croissance du chômage.

Le Vancouver Sun a rapporté en début juin qu’au rythme actuel, la ville atteindrait plus de 400 décès par overdose d’opiacé d’ici la fin de l’année. Le maire Gregor Robertson a décrit la crise, principalement causée par l’opiacé synthétique fentanyl, comme un «bain de sang» dont on ne voit pas la fin. Dans la première semaine de mai seulement, les services d'urgence ont répondu à 168 appels reliés à des overdoses à Vancouver.

En 2016, près de 2500 décès ont été causés par des overdoses d’opiacé à travers le Canada. Les deux provinces les plus touchées, la Colombie-Britannique et l’Alberta, ont déclaré l’état d’urgence en santé publique. À travers l’ouest du Canada, en Colombie britannique, en Alberta, au Yukon et dans les Territoires du Nord-Ouest, le taux de décès par opiacé était à plus de 10 par 100.000 personnes.

On prévoit que ces sinistres statistiques seront surpassées en 2017. Avec 120 décès par overdose pour le seul mois de mars, le taux a augmenté de 50% comparativement au même mois en 2016. Durant les quatre premiers mois de l’année, 488 décès par overdose ont été enregistrés à travers la Colombie-Britannique. La province est donc sur la voie de connaître plus de 1400 décès en 2017, comparativement aux 935 décès en 2016, un record à l’époque.

Ces statistiques masquent des histoires de conditions de vie misérables et de pauvreté abjecte. Une investigation de CTV du centre-ville est de Vancouver, lequel a une large population de sans-abris et qui est à quelques pas de distance des banques, des cafés et des restaurants huppés de la ville, ont rapporté avoir trouvé de nombreux toxicomanes qui s'étaient effondrés dans les ruelles du district. Jonathan McArthur, un toxicomane qui a parlé au CTV à l’hôpital, a estimé avoir fait 25 overdoses dans l’année précédente. Il a expliqué qu’il a commencé à consommer de l’héroïne quelques décennies avant pour des douleurs aux dos, mais maintenant ne sait plus si elle contient des produits synthétiques moins chers et potentiellement mortels.

Plus de la moitié des morts accidentelles enregistrées en Colombie-Britannique et en Alberta durant les 10 premiers mois de 2016 était reliée au fentanyl. Le fentanyl est un médicament extrêmement létal: moins d’une demi-cuillère à thé peut tuer 10 personnes. On estime que le fentanyl est entre 50 et 100 fois plus puissant que la morphine. Le carfentanil et le W-18, deux produits synthétiques encore plus puissants, ont commencé à apparaître dans les rues.

Le danger que pose le fentanyl est amplifié par son usage grandissant en combinaison avec d’autres drogues. Santé Canada a récemment déclaré qu’il avait été trouvé dans des échantillons de cocaïne, d’héroïne et de méthamphétamine.

L’ampleur de la crise est aussi illustrée par des reportages montrant que les travailleurs en santé de première ligne peinent psychologiquement à gérer la situation. Un nombre grandissant d'entre eux ont besoin d'aide pour gérer ce dont ils sont témoins.

Les gouvernements provinciaux de la Colombie-Britannique et de l’Alberta ne font rien pour combattre les causes sous-jacentes de l’épidémie de décès reliées aux drogues. Le Nouveau Parti démocratique albertain (NPD), au pouvoir depuis 2015, s’est limité à créer quelques sites d’injection supervisés, aidant, dans les faits, ceux qui souffre d'une dépendance à, comme un toxicomane l’a décrit, jouer à la «roulette russe» avec leur vie. Ils sont également en train d’introduire un programme sous lequel plus de 400 trousses de naloxone seront distribuées à des toxicomanes pour qu’ils puissent l’injecter à des personnes en situation d'overdose.

Le NPD a imposé des budgets d’austérité pour les services publics hautement nécessaires sur les deux dernières années, tout en continuant de garantir une taxe environnementale basse pour les grandes sociétés pétrolières de l’Alberta. Dans des conditions où des dizaines de milliers de personnes ont été licenciées en raison de l’effondrement dans les prix du pétrole au début 2014, le gouvernement a laissé les travailleurs se débrouiller eux-mêmes.

Le chômage a doublé en Alberta de 4% en 2014 à 8% en 2017. La province a également vu une augmentation de 53% dans les visites en salle d’urgence pour des empoisonnements aux opioïdes de 2014-2015 à 2017, avec 27 cas par 100.000 habitants (3 personnes par jour). En comparaison, l’Ontario a 17 cas par 100.000 personnes.

Le chômage officiel en Colombie-Britannique est légèrement inférieur à 5,8%, mais la disparité de revenu est parmi les plus élevées au pays avec un taux de pauvreté au-delà de 13%. Parmi les jeunes âgés de 15 à 25 ans, le taux de chômage est de 13%.

L’entente récemment conclue entre le NPD et le Parti vert en Colombie-Britannique pour former un gouvernement minoritaire ne fait rien pour renverser la moindre coupe aux services sociaux imposée durant les 16 ans du règne du Parti libéral. Les quelques promesses symboliques, tel que de créer un ministère de la santé mentale et un projet pilote pour traiter les overdoses, ne commenceront même pas à altérer les conditions sociales désastreuses dans lesquelles vivent les gens dans certaines des zones les plus affectées.

Au niveau fédéral, les gouvernements successifs ont imposé des budgets d’austérité et ont adopté des baisses d'impôt pour les super riches, ce qui entraîné une baisse marquée du financement pour les services sociaux. Les gouvernements libéraux et conservateurs ont mis en oeuvre des coupes ou des augmentations sous le niveau de l’inflation aux transferts provinciaux en soins de santé. Alors que les conservateurs de Stephen Harper ont augmenté le transfert en santé de 6% annuellement, lequel représente encore une coupe étant donné le coût en augmentation perpétuelle des soins de santé, les libéraux de Justin Trudeau imposent une «augmentation» annuelle d’un maigre 3-4%.

L’épidémie de toxicomanie a explosé sous des conditions d’inégalité sociale, de pauvreté et de chômage et un sentiment général de désespoir qui afflige une vaste section de la population, combiné à un système économique et politique qui est indifférent aux besoins de ceux qui sont les plus sévèrement touchés par la crise sociale.

La toxicomanie est un problème qui confronte tous les types de gens, indépendamment de leur couleur de peau, leur genre, leur nationalité ou même leurs revenus. Toutefois, les conséquences les plus dévastatrices de la dépendance sont ressenties par la classe ouvrière et les pauvres. Dans l’ouest du Canada, cela inclut un pourcentage disproportionnellement élevé des membres des Premières Nations, qui vivent soit dans des réserves appauvries ou qui ont été forcés de meilleures conditions dans les grands centres urbains. Cela inclut également un nombre disproportionnellement élevé de personnes souffrant de problèmes de santé mentale, qui ne reçoivent pas l'aide dont elles auraient besoin.

Le système de soins santé universel du Canada ne couvre pas le coût des drogues de prescriptions ou des programmes de réhabilitation en toxicomanie. Les travailleurs qui sont blessés ou qui souffrent d'une condition médicale qui requiert des antidouleurs sur une période prolongée ne peuvent souvent pas se permettre les prescriptions de médicaments standards et alors se tournent vers des drogues de rue beaucoup moins chères, mais qui entraînent une forte dépendance.

Les personnes dépendantes aux drogues peuvent aller se faire vérifier dans un hôpital ou dans un centre de désintoxication pour enlever les drogues de leur système, mais sans réhabilitation, ils risquent fort de reprendre l'usage de drogue dès leur sortie de l’hôpital.

Le gouvernement de l’Alberta a fermé des lits dans les établissements publics en santé mentale qui traitent les dépendances aux drogues. En mars, un groupe de psychiatres a envoyé une lettre ouverte au gouvernement décrivant le geste comme étant catastrophique.

Le gouvernement de l’Alberta refuse également d’utiliser 35.167 pieds carrés (la grandeur de 22 patinoires de la LNH) d’espace vide dans les principaux hôpitaux de Calgary pour l’utiliser comme centre de désintoxication et de réhabilitation. Les fermetures de lit vont fort probablement être utilisées par le secteur privé.

Les centres de réhabilitation en toxicomanie du secteur privé sont des compagnies très lucratives, où les plus nantis peuvent dépenser des dizaines de milliers de dollars dans des programmes de réhabilitation. Un article paru dans le Financial Post en 2014 a noté que Rob Ford, l’ancien maire populiste de droite de la ville de Toronto, avait dépensé 100.000$ pour un programme de réhabilitation en toxicomanie. Bien que ce montant soit élevé, les frais moyens de traitement pour un séjour de 30 jours dans un centre de réhabilitation au Canada sont approximativement de 14.000$. Quand les coûts pour la perte de salaire et le transport vers le centre sont pris en compte, ce montant est encore plus élevé. Ces coûts sont loin d’être à la portée des familles de la classe ouvrière.

(Article paru en anglais le 17 juin 2017)