Hillary Clinton mène par deux millions de voix au vote populaire américain
Par Patrick Martin
25 novembre 2016
L’avance dans le vote populaire de la candidate présidentielle démocrate Hillary Clinton sur le républicain Donald Trump est maintenant de plus de 2 millions de voix, selon un décompte des résultats rapportés par chaque État et compilés par l’organisme indépendant Cook Political Report.
Clinton a reçu 64 223 958 de voix contre les 62 206 395 de Trump et plusieurs millions de voix restent encore à compter, principalement les bulletins de vote par correspondance en Californie datés du 8 novembre mais reçus par les autorités électorales après cette date. Le dépouillement des votes en Californie est ralenti par la complexité du scrutin, qui comprend un grand nombre de propositions complexes soumises aux référendums.
Sous le système désuet du Collège électoral, qui surévalue la représentation des États ruraux plus petits aux dépens de la Californie et d’autre États fortement urbanisés, Trump a remporté 306 voix électorales contre les 232 de Clinton. Un vote dans le Collège électoral, prévu pour le 19 décembre, accordera officiellement à Trump le droit de prêter le serment d’investiture le 20 janvier prochain.
L’avance de Clinton de 2 millions de voix est beaucoup plus importante que la marge de toute élection présidentielle américaine précédente dans laquelle le perdant du vote populaire a été installé comme président par le collège électoral. Sa marge de victoire dans le vote populaire, près de 2 pour cent, est supérieure à celle de sept candidats passés qui avaient réellement gagné la présidence.
Le caractère antidémocratique de la « victoire » électorale de Trump n’a pas empêché les dirigeants démocrates, d’Obama et Clinton jusqu’aux plus subalternes, de se prosterner devant le « président élu ». Le nouveau leader démocrate du Sénat, Charles Schumer, a fait une brève référence au fait que Trump a perdu le vote populaire, suggérant que cela signifiait qu’il n’avait pas de « mandat », mais il n’en tirait aucune conclusion impliquant les politiques ou le personnel du nouveau gouvernement.
Trump lui-même a soulevé la question mardi lors de sa discussion officielle d’une heure avec les éditeurs, les journalistes et les chroniqueurs du New York Times. Il a noté la critique qu’il n’avait pas gagné le vote populaire, et a alors soutenu qu’il aurait pu le faire s’il avait fait campagne dans les états les plus peuplés tels que la Californie, l’État de New York et le Texas.
Personne au Times n’a repris ce point, ni aucun autre en fait. La transcription de la rencontre laisse paraître une discussion généralement cordiale, ponctuée au moins 15 fois par le rire. Personne n’imaginerait, en lisant la transcription, que le journal avait fustigé Trump non seulement dans ses pages éditoriales et de chroniqueurs, mais aussi dans ses pages d’information, le déclarant impropre à la présidence et une menace pour la démocratie américaine. Les diatribes verbales sont oubliées, remplacées par la prosternation devant le nouveau « commandant en chef ».
En dépit de l’opération de dissimulation médiatique, cependant, la lourde défaite de Trump dans le vote populaire est significative. Cela souligne le fait que son installation à la Maison Blanche n’est pas le produit d’une adoption de sa politique d’ultra-droite par le peuple américain.
Les candidats démocrates ont remporté le vote populaire dans six des sept dernières élections présidentielles, mais dans deux des six victoires populaires, le candidat démocrate, Al Gore en 2000 et maintenant Clinton en 2016, a manqué de voix au Collège électoral.
En 2000, lorsque Gore a remporté l’élection à l’échelle nationale par 540 000 voix, l’élection a été volée par l’intervention de la Cour suprême pour mettre fin au dépouillement des voix légales en Floride. Le jugement tristement célèbre rendu dans Bush contre Gore attribua effectivement les voix électorales de la Floride à Bush et lui rendit la présidence.
Un groupe d’informaticiens et d’avocats en droit électoral ont accusé cette semaine le résultat des élections de 2016 d’être tout aussi douteux. Ils ont présenté un rapport aux principaux démocrates, dont le président de la campagne de Clinton, John Podesta, et l’avocat général Mark Elias, arguant que les totaux des votes dans le Wisconsin, le Michigan et la Pennsylvanie avaient été manipulés en faveur de Trump.
Les 56 votes électoraux de ces trois États industriels peuplés ont tous été attribués à Trump, qui a remporté chaque État par une marge étroite : 27 000 voix dans le Wisconsin, 9000 voix dans le Michigan, et 70 000 voix en Pennsylvanie. Si ces voix avaient été en faveur de Clinton, elle aurait gagné le collège électoral par 288 contre 250.
L’argument, présenté par Alex Halderman, le directeur du Centre pour la sécurité informatique et la société de l’Université de Michigan, soulève des questions mais n’affirme rien. Il repose sur la constatation que Clinton a reçu de façon disproportionnée moins de voix dans les comtés qui ont utilisé des machines de vote électroniques par rapport aux comtés qui ont utilisé des bulletins de vote papier et des scanners optiques. Dans le Wisconsin, le seul État analysé en détail, Clinton peut avoir perdu jusqu’à 30 000 voix, plus que la marge de victoire de Trump.
Les analystes n’ont pas affirmé avoir une preuve définitive, mais ont exhorté le Parti démocrate à déposer des objections dans les trois États pour forcer le réexamen du décompte et, si possible, de nouveaux décomptes complets. Les délais pour agir vont bientôt expirer : le vendredi 25 novembre pour la Pennsylvanie ; le lundi 28 novembre pour le Wisconsin ; et le mercredi 30 novembre pour le Michigan.
Il existe depuis longtemps des soupçons quant à la manipulation des données provenant des machines à voter électroniques, en partie à cause de cas anecdotiques d’erreurs, lorsque les électeurs disent avoir voté pour un candidat mais que la machine l’a enregistré comme un vote pour un autre, et en partie parce que les machines sont fabriquées par des sociétés dirigées par des PDG ayant des liens étroits avec le Parti républicain.
Cependant, les réclamations actuelles pourraient bien servir à blanchir les mauvaises performances du Parti démocrate dans les principaux quartiers ouvriers, en particulier parmi les travailleurs appartenant à des minorités dans les quartiers défavorisés de Milwaukee, Detroit, Pittsburgh et d’autres centres urbains.
Il y a des problèmes supplémentaires avec les accusations de manipulation électronique. Le Michigan effectue le vote entièrement au moyen de bulletins papier avec des scanners optiques, ce qui rend cette manipulation difficile. Par contre, la Pennsylvanie, dispose d’un système de vote entièrement électronique, sans bulletins papier. Toutefois, le gouvernement de l’État est sous l’administration du Parti démocrate, et serait donc peu disposé à truquer les élections en faveur de Trump.
De plus, il y a eu des tentatives de lier les accusations de manipulation électorale à la chasse aux sorcières contre la Russie par la campagne de Clinton et le Parti démocrate pendant les mois précédant les élections, quand les démocrates ont affirmé que le gouvernement russe était responsable d’avoir piraté des e-mails du président de la campagne de Clinton, Podesta, et du Comité national démocrate. Aucune preuve n’a été présentée quant au rôle de la Russie dans la publication de ces courriels, qui se sont révélés politiquement embarrassants, et les avertissements selon lesquels Moscou prévoyait de perturber le fonctionnement des bureaux de vote le jour du scrutin se sont révélés être une fausse alerte.
Le principal obstacle à toute enquête sérieuse sur un éventuel truquage des machines à voter ou des décomptes des voix dans ces États est cependant l’attitude de la direction du Parti démocrate, surtout la Maison-Blanche d’Obama, qui a donné l’accolade à Trump et promis une « transition en douceur » à ce qui sera sans aucun doute le gouvernement le plus réactionnaire, militariste et dictatorial dans l’histoire américaine. Le magazine New York, qui a en premier rapporté les allégations de manipulation du vote dans le Wisconsin, le Michigan et la Pennsylvanie, a noté la position du gouvernement Obama, en écrivant que, « ce qui complique tout dans cette histoire, selon un conseiller de Clinton de premier plan, est que la Maison Blanche, axée sur un transfert de pouvoir en douceur, ne veut pas que Clinton conteste le résultat des élections ».
(article paru en anglais le 24 novembre 2016)