Le discours d’acceptation d’Hillary Clinton : malhonnête et vide
Par David Walsh
1 août 2016
Hillary Clinton a accepté la nomination du Parti démocrate à la présidence au « Wells Fargo Center » à Philadelphie en Pennsylvanie jeudi soir, dans un discours d’une heure à peu près qui était profondément malhonnête, vide et peu convaincant.
Tout sur la dernière partie de la Convention nationale démocratique a sonné faux. Avec Bill Clinton jouant le Buffon parmi le public, la fille, Chelsea Clinton, a présenté sa mère, comme si cette dynastie sordide représentait quelque chose d’important dans l’histoire politique américaine. Les Clinton sont surtout connus pour leur corruption et leur vénalité. Le couple a accumulé 230 millions de dollars de 2001 à 2014 à travers leurs relations, surtout avec les sociétés financières de Wall Street et les grandes compagnies.
Il y avait une tentative évidente en cours jeudi soir d’humaniser et « adoucir » Hillary Clinton. Ses résultats aux sondages – 38,4 pour cent favorables et 55,6 pour cent défavorables – ne sont que légèrement plus élevés que Donald Trump. Ce sont deux candidats très détestés tenus pour suspect, et perçus par des millions de gens comme des représentants d’une élite fortunée.
Chelsea Clinton a décrit sa mère en termes élogieux, comme « merveilleux, réfléchi, hilarant. » On se demande de qui elle pouvait parler. Le degré d’exagération a rendu les commentaires absurdes. La banalisation de la politique américaine a atteint un nouveau niveau. Même certains dans le public de la convention avaient l’air embarrassés.
Une obséquieuse présentation vidéo, inévitablement narrée par l’acteur Morgan Freeman et censée raconter l’histoire de la vie de Hillary Clinton, a continué la fraude. Elle a mentionné les attaques terroristes du 11 septembre 2001 et l’assassinat d’Oussama Ben Laden, mais a omis toute référence aux millions de morts en Irak, en Afghanistan, en Libye et en Syrie pour lesquels Hillary Clinton porte une grande part de responsabilité.
Clinton a réussi à livrer un discours de 56 minutes sans une seule phrase mémorable. Sa mission, bien sûr, aurait confondu un individu beaucoup plus intelligent et capable qu’elle : convaincre le public américain, du moins la section qui la regardait à la télévision, que ce parti des grandes entreprises, couvert de sang, avait les préoccupations de la population à l’esprit.
Elle a fait plusieurs références rituelles à mettre « les questions de justice économique et sociale à l’avant et au centre, où elles ont leur place. » Clinton a assuré Bernie Sanders, qui a répondu de façon obéissante et approbatrice depuis son siège dans la salle, que « Votre cause est notre cause. Notre pays a besoin de vos idées, de l’énergie, et de la passion. C’est la seule façon dont nous pouvons transformer notre programme progressif dans un véritable changement pour l’Amérique. »
À un moment donné, elle a déclaré sans passion, « Il y a trop d’inégalités. Trop peu de mobilité sociale. » Et plus tard, elle a dit qu’elle était en faveur d’« un pays où l’économie fonctionne pour tout le monde, pas uniquement ceux d’en haut, où vous pouvez obtenir un bon emploi, et envoyer vos enfants dans une bonne école, peu importe le code postal où vous vivez. Un pays où tous nos enfants peuvent rêver, et ces rêves sont à portée de la main. » Dans l’auditoire télévisuel, ou même dans la salle à Philadelphie, quelqu’un en a-t-il cru un seul mot ?
« Personne parmi nous ne peut se contenter du statu quo. » Mais Clinton ne représente rien sur cette terre de plus que le statu quo. Elle est la candidate de la grande finance, des militaires (elle l’appelait : « notre trésor national ») et les forces de sécurité, et les couches les plus complaisantes de la classe moyenne supérieure.
« Et voici ce que je crois. Je crois que l’Amérique prospère quand la classe moyenne prospère. Je crois que notre économie ne fonctionne pas comme il devrait parce que notre démocratie ne fonctionne pas comme elle le devrait. » Mais chaque mot, chaque geste criait qu’elle n’en croyait point. Tout était synthétique, artificiel, condescendant. Aucun spectateur réfléchi et socialement vigilant ne sera assez dupe pour être trompé par cette charlatanerie transparente.
Clinton a promis que Wall Street ne sera « jamais, jamais autorisé à détruire l’économie réelle à nouveau » et qu’elle allait financer divers programmes en obligeant « Wall Street, les entreprises et les super-riches » à payer « leur juste part des impôts. » Mais jamais ce porte-parole de l’oligarchie financière ne lèverait le petit doigt contre les riches.
Le discours était fastidieux et dégradant, sans aucun rapport avec la réalité, y compris, bien sûr, le bilan historique de l’Administration Obama qui a présidé à une accélération des niveaux d’inégalité sociale. On ne peut que se sentir diminué en écoutant ce discours.
Clinton a fait des appels prévisibles au patriotisme, au chauvinisme et au nationalisme économique. Elle a promis de « résister à la Chine » et de « soutenir nos alliés de l’OTAN contre toute menace dont qu’ils font face, y compris celle de la Russie », bien que ce qui fasse vraiment peur, les préparatifs avancés pour la guerre contre des rivaux et des ennemis de l’impérialisme américain a été caché dans son discours. Clinton a fait de nombreuses références à la police en la qualifiant de « courageuse. »
Bien sûr, elle ne pouvait manquer non plus de déclarer que sa propre candidature est un événement historique : « Ce soir, nous avons atteint une étape importante dans la marche de notre nation vers une union plus parfaite : la première fois qu’un grand parti a nommé une femme à la présidence ». Elle a continué à prétendre que « lorsque toute barrière tombe en Amérique, pour quiconque, cela ouvre la voie pour tout le monde. Quand il n’y a plus de plafond, le ciel est la limite. »
C’est un mensonge. Il n’y a rien de socialement progressiste du tout dans la nomination de Clinton. Elle ne représente pas une avancée pour la population – ni pour les femmes – dans son ensemble. La croissance de l’inégalité sociale chez les femmes a augmenté plus rapidement que l’inégalité entre les hommes, le pourcentage du total des revenus des femmes allant au un pour cent le plus riche d’entre elles a doublé depuis les années 1980. Clinton est un représentant de cette élite riche dont les conditions de vie n’ont rien en commun avec les dizaines de millions de femmes qui travaillent, souvent pour des salaires désespérément bas, dans la santé, les restaurants, les bureaux, les écoles et les magasins. Son ascension politique n’aura absolument aucun effet sur leurs vies.
Quel que soit leur sexe ou leur couleur, les politiciens bourgeois représentent les intérêts de la classe dirigeante. Clinton aspire à rejoindre les rangs des notables tels que Margaret Thatcher, Golda Meir, Indira Gandhi, Sirimavo Bandaranaike, Isabel Peron, Corazon Aquino, Angela Merkel, Julia Gillard et Dilma Rousseff, des ennemies de la classe ouvrière toutes.
La Convention du Parti démocrate, comme celle des républicains, était un spectacle de réaction. Elle a consacré le mariage de la politique s’appuyant sur la race et le genre avec le militarisme et le nationalisme. Aucun de ces partis n’a rien d’autre à proposer à la masse de la population que l’inégalité, l’autoritarisme et de la guerre.
(Article paru d’abord en anglais le 29 juillet 2016)