La conspiration du gouvernement américain et des syndicats pour saccager les retraites des travailleurs
Par Andre Damon
12 octobre 2015
Le Teamsters Central States, un des plus importants fonds de retraite aux États-Unis, a dévoilé ce mois-ci les détails d’un plan visant à réduire les prestations de retraite pour plus de 400.000 chauffeurs de camions, transporteurs de colis et autres salariés, actifs et retraités. Les salariés ont reçu des lettres les informant que des prestations de retraite pour lesquelles ils ont travaillé pendant des décennies et garanties par la loi avaient tout simplement disparu.
Si cette coupe dans les retraites se monte en moyenne à 23 pour cent des prestations des salariés, elle se traduira pour beaucoup par une division de leur retraite en deux; des dizaines, voire des centaines de milliers de travailleurs âgés seront ainsi réduits à la pauvreté et la misère.
Cette mesure est le produit d’un complot de l’Administration Obama, Wall Street, les grandes entreprises et les syndicats pour sabrer des centaines de milliards de dollars des fonds de retraite multi-employeurs.
En décembre 2014 le Congrès a adopté la Loi sur la réforme des pensions interentreprises 2014, presque sans débat public, et mis en place un mécanisme pour sabrer les retraites d’un million de salariés de fonds de retraite interentreprises « sous-financés ». Cette année, la Maison-Blanche a nommé Kenneth Feinberg, manipulateur de longue date de Wall Street, pour superviser la réduction des prestations, lui donnant le pouvoir unilatéral d’imposer des coupes même si les bénéficiaires votaient contre.
Un régime interentreprises est un régime de retraite créé par un accord entre deux ou plusieurs employeurs et un syndicat, généralement dans la même industrie ou des industries connexes. Ils sont régis par des administrateurs nommés conjointement par les syndicats et la direction. Ces fonds permettent aux salariés d’accumuler des droits, même lorsqu’ils changent d’employeurs dans le même secteur, et étaient nominalement protégés par le gouvernement fédéral d’une défaillance des entreprises.
Mais les fonds ont été systématiquement sous-financés par les grandes entreprises en collaboration directe avec leurs « partenaires » syndicaux. Des fonds ayant des milliards de dollars ont servi non seulement à procurer des sinécures aux permanents des syndicats, mais aussi de monnaie d’échange dans le marchandage de ceux-ci avec les entreprises alors qu’ils s’efforcent de consolider les sources de leurs revenus.
Exemple, le régime de retraite Teamsters Central States. Il a reçu un coup fatal lorsque les fonctionnaires du syndicat des ‘Teamsters’ ont autorisé UPS à quitter le fonds en 2007. Cela eut pour effet de priver le fonds de sa plus large base de salariés actifs. En échange, les Teamsters ont reçu le privilège d’extraire des cotisations syndicales du fret, récemment acquis par UPS.
À la suite de cet accord, et d’autres, semblables, le fonds reçoit maintenant trois fois moins qu’il ne débourse. La réponse des ‘Teamsters’ à cela figure dans le titre d’un document qu’ils ont co-rédigé en 2013 avec de grandes entreprises, « Des solutions, pas des renflouements. » Malgré que la Corporation Fédérale de la Garantie des prestations de retraite a l’obligation légale de protéger les retraites des salariés de ce régime, aucun argent ne devait venir du gouvernement. Ce serait les prestations des salariés qui seraient coupées pour assurer l’existence continue d’un stock de capital que les fonctionnaires syndicaux, très bien payés, considèrent comme leur propriété personnelle.
On peut dire sans exagération que ce vol, parrainé par le gouvernement, fait apparaître la gestion du syndicat des Teamsters d’antan par la mafia comme un modèle de finances scrupuleuses.
Cette campagne de démantèlement des retraites des salariés montre le caractère anti-ouvrier d’organisations qui ont été transformées de syndicats négociant de meilleurs salaires et conditions de travail dans le cadre du capitalisme, en partenaires juniors des grandes entreprises, réduisant les salaires et les avantages sociaux des travailleurs.
Pendant des décennies, les syndicats ont cherché à consolider leur socle de cotisations en baisse en assumant la gestion des prestations de retraite et des frais de santé des travailleurs, devenant dans le processus des acteurs majeurs sur les marchés financiers. Un exemple a été la Mutuelle volontaire des soins de santé des employés (VEBA), établie en 2007 par les constructeurs automobiles pour donner à l’UAW (United Auto Workers) le contrôle direct de la caisse d’allocations de santé, multimilliardaire, des retraités.
Dans le contrat actuel en cours de négociation avec Fiat Chrysler, l’UAW cherche à établir une autre Mutuelle de soins de santé sur le modèle du fonds VEBA pour gérer les prestations de santé des salariés actifs, le syndicat devenant une entreprise d’assurance-maladie. Les travailleurs de l’automobile devraient voir l’attaque du régime de retraite des Teamsters comme un avertissement: L’UAW n’aura aucun scrupule à supprimer en fin de compte les prestations de soins de santé des travailleurs pour son propre gain financier.
La campagne de réduction des prestations de retraite multi-employeurs fait partie de l’assaut national donné aux retraites et qui a suivi la faillite de Detroit. Celle-ci a créé un précédent: on se sert d’une « situation d’urgence financière » pour couper les retraites des travailleurs, protégées par la Constitution. Les syndicats furent des alliés clés du gestionnaire des urgences Kevyn Orr dans l’imposition d’une réduction considérable des retraites des salariés dans le cadre d’une restructuration globale de la ville en faveur des riches.
Dans le sillage de la procédure de faillite de l’an dernier, des États de tout le pays, notamment l’Illinois et la Californie, ont lancé des campagnes de réduction des retraites sans même se donner la peine d’une telle procédure. Dans le même temps, l’assaut sur les retraites multi-employeurs est passé à la vitesse supérieure au plan national.
Sept ans après l’effondrement de Lehman Brothers, l’évaluation faite par le World Socialist Web Site que la classe dirigeante chercherait à utiliser la crise financière pour restructurer les relations de classe et faire en sorte que la classe ouvrière porte le fardeau de la crise capitaliste s’est avérée correcte. Alors que la richesse des 400 personnes les plus riches des États-Unis a doublé depuis 2009, le revenu d’un ménage type a chuté de plus de 5 pour cent, en sus d’une baisse de 7 pour cent entre 2007 et 2010.
Au moment où le Fonds monétaire international prédit pour cette année la plus faible croissance mondiale depuis 2008-2009 et où la dernière bulle financière donne des signes qu’elle se trouve au bord de l’effondrement, la classe dirigeante, en collaboration avec ses alliés syndicaux, accélère sa campagne d’appauvrissement de la classe ouvrière.
(Article paru d'abord en anglais le 10 octobre 2015)