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Etats-Unis et pouvoirs européens préparent de nouvelles opérations aériennes et terrestres contre la Libye

Par Thomas Gaist
22 décembre 2015

Comme l’indique un article paru dans le Guardian dimanche, les États-Unis et l'OTAN s’apprêtent à mener de nouvelles opérations militaires sur le territoire libyen.

Selon le journal britannique, les puissances occidentales font pression sur la coalition libyenne de « gouvernement d'union » nouvellement formée et réunie la semaine dernière sous la direction nominale du gouvernement maltais, pour qu’elle approuve des frappes contre des cibles de l’Etat islamique dans le pays (EI).

La première tâche du « gouvernement d'union » devait être de lancer « un appel à l'aide direct à l'Occident », a dit l'ambassadeur de l'UE en Libye. Le premier ministre britannique David Cameron a appelé la nouvelle coalition à agir en « gouvernement unifié et représentatif en Libye dans la lutte contre Daech [EI] ». Les régimes du Golfe aussi enverraient des forces à l'appui du « gouvernement d’union » soutenu par les impérialistes a dit le ministre britannique des Affaires étrangères Philip Hammond.

Le porte-parole du Département d'Etat américain John Kirby a promis que Washington soutiendrait la nouvelle coalition avec « un plein appui et de l’aide technique, économique et sécuritaire contre le terrorisme ». Dans sa conférence de presse de fin d’année, le 18 décembre, le président Barack Obama a fait allusion à des plans pour une nouvelle intervention militaire US-OTAN en Libye, affirmant que le pays faisait face à « une très mauvaise situation » suite à l'échec de l'OTAN à « reconstruire vite là-bas un gouvernement » après la guerre de 2011.

Le soi-disant «gouvernement d'union» ne comprend aucun des deux régimes prétendant actuellement exercer la souveraineté sur la Libye. Il ne comprend pas non plus les nombreuses autres factions fortement impliquées dans des combats au sol, où au moins six grandes milices tribales se disputent le contrôle des secteurs stratégiques de la côte. Parmi elles l'Armée nationale libyenne, Ansar al-Sharia, la Milice cyrénaïque anti-islamiste, l’Etat islamique, le Conseil révolutionnaire de la Choura et la coalition Libya Dawn (Aube libyenne) des soi-disant « islamistes modérés » et milices berbères.

Loin d’établir une quelconque unité ou stabilité réelle, le nouveau gouvernement a été concocté pour servir de feuille de vigne juridique à un nouvel assaut militaire des puissances impérialistes contre la Libye; celles-ci cherchent à exploiter le chaos politique produit par la guerre de 2011 pour mener une autre campagne de prédations néocoloniales contre l'Afrique et le Moyen-Orient. La Libye possède les plus grandes réserves de pétrole de l’Afrique.

La semaine dernière, les médias occidentaux ont parlé d’une menace croissante venant de la filiale libyenne de l'Etat islamique. Dimanche ils ont affirmé que les milices de l‘EI étaient sur ​​le point de saisir la ville clé d'Ajdabiya. Certains articles affirmaient qu’une telle victoire donnerait aux milices le contrôle d’​​une bonne partie de la richesse pétrolière du pays.

La nature sinistre de ces préparatifs de guerre est soulignée par le silence complet des médias américains sur ces développements. Une escalade imminente en Libye ouvrant un nouveau front dans une guerre qui englobe déjà l'Irak, la Syrie et le Yémen va être lancée dans le dos du peuple américain sans aucune discussion ou débat public.

La semaine dernière, une mission des forces spéciales américaines en Libye s’est terminée par une débâcle. Les commandos ont fait retraite précipitamment après avoir rencontré une hostilité inattendue des forces locales, selon le Guardian.

Les troupes déployées pour « favoriser les relations », auraient été retirées peu de temps après leur déploiement quand il fut clair que les forces libyennes contrôlant la zone étaient hostiles à la présence américaine. Avant de partir, les soldats américains, en civil, munis de fusils à silencieux et optique de haute technologie, se sont fait prendre en photo devant un aéroport libyen.

Dimanche, l’émission NBC News informait les téléspectateurs que les commandos américains étaient secrètement déployés en Libye « depuis un certain temps », « entrant et sortant » du pays, selon des commentaires de responsables américains anonymes.

On savait déjà que les forces spéciales américaines avaient mené de vastes opérations en Libye avant 2011, les États-Unis et l'OTAN cherchant alors à mobiliser des milices islamistes pour des guerres contre les gouvernements libyen et syrien. Le reportage de NBC, un de ceux peu nombreux produits la semaine dernière avant que l'histoire ne soit enterrée par la presse américaine, souligne le fait que les forces américaines ont continué à mener des opérations secrètes en Libye depuis la fin officielle de la guerre.

Ces preuves d’opérations secrètes américaines en Libye surviennent dans le contexte des préparatifs des puissances impérialistes pour des opérations terrestres et aériennes au nom de la lutte contre les forces djihadistes islamistes. Ce sont les mêmes milices que les agences de renseignement américaines et européennes et leurs alliés régionaux comme l'Arabie saoudite ont financés et armés dans la guerre ayant conduit au renversement et à l’assassinat de Mouammar Kadhafi en Libye et qui furent ensuite déployées contre le président Bachar al-Assad en Syrie.

Les propositions les plus agressives de nouvelles opérations en Libye ont été faites par Londres qui s’est concerté avec l'Italie pour développer une stratégie qui enverrait des forces terrestres considérables pour occuper des parties de l'ancienne colonie italienne. La Grande-Bretagne se prépare à déployer au moins 1000 soldats dans le cadre de plans de formation de nouvelles milices soutenues par l'Occident et d’une jonction avec des éléments politiques pro-occidentaux, selon Al Alam.

Plus tôt ce mois ci, le premier ministre français Manuel Valls a précisé que la France allait renouveler ses propres opérations contre la Libye, déclarant, « [N]ous avons un ennemi, Daech, l’Etat islamique, que nous devons combattre et écraser, en Syrie, en Irak et demain sans doute en Libye ».

La semaine dernière, dans un rapport à l'ONU, le gouvernement britannique a affirmé que l’EI considérait la Libye comme «la meilleure opportunité pour étendre son soi-disant califat » et que le groupe islamiste avait établi de nouvelles zones sécurisées et de transit en Afrique du Nord en réponse à l’escalade des opérations par les puissances occidentales en Syrie et en Irak.

L’armée française effectue déjà des missions de reconnaissance en vue de la nouvelle campagne, y compris sur la ville de Syrte, détruite par la campagne de bombardements de 2011. Les médias faisant des déclarations tonitruantes que des centaines de combattants de l’EI se sont rassemblés à Syrte, la ville semble être une fois de plus dans le collimateur des puissances occidentales.

La « guerre contre l’EI » est devenue le prétexte tout-usage pour un nouveau dépeçage impérialiste du Moyen-Orient et de l’Afrique du Nord.

(Article paru en anglais le 21 décembre 2015)