L’attaque aérienne de l’OTAN contre la Libye a tué à Misrata des combattants « rebelles »
Par Patrick O’Connor
3 mai 2011
Une frappe aérienne de l’OTAN aurait tué mercredi soir 12 combattants anti Kadhafi et sévèrement blessés trois autres dans la ville portuaire contestée de Misrata. L’incident impliquant des « tirs de leur propre camp » – le deuxième du genre depuis le 19 mars, début de la campagne de bombardement – souligne une fois de plus le caractère fallacieux des différents communiqués publiés par Washington et Bruxelles affirmant que leurs raids aériens de « précision » visent à protéger le peuple libyen.
En réalité, les puissances impérialistes alliées sont engagées dans une campagne de « changement de régime » de plus en plus irresponsable et impliquant à présent des tentatives d’assassinat contre Kadhafi et un bombardement ciblé de l’infrastructure publique qui entraînera inévitablement davantage de victimes civiles.
L’OTAN a publié un communiqué qui n’a ni confirmé ni infirmé l’incident mais qui a cyniquement fait état d’un « profond regret pour toute perte de vie humaine. » En citant des médecins locaux de Misrata et un des survivants, le journal The Guardian a rapporté que le bombardement avait eu lieu aux environs de 17 heures près du port de Misrata. Une unité formée de 15 membres « rebelles » s’était rassemblée près d’une usine de sel dans trois « wagons de combat improvisés » sur chacun desquels était peinte, conformément aux instructions de l’OTAN, une marque d’identification spéciale. Malgré ceci, c’est après que les hommes eurent fini de prendre le thé en compagnie d’une équipe d’ambulanciers qu’une bombe de l’OTAN les a frappés. Douze hommes, âgés de 20 à 40 ans, ont été immédiatement tués.
D’autres ont été transportés à l’hôpital. L’un des hommes, Ahmed Swesi âgé de 20 ans, a perdu quatre doigts et a eu un bras et une jambe fracassés. Il a aussi été touché par des éclats d’obus à l’estomac et au visage.
Le « conseil de transition » de Misrata, qui est allié à la direction de l’opposition basée à Benghazi, a tenté de dissimuler l’incident. Les tireurs anti-Kadhafi n'ont pas laissé les journalistes s’approcher du site du bombardement. Cette réaction soulève la question de savoir s’il y a eu d’autres frappes aériennes impliquant des victimes civiles et que les soi-disant rebelles ont étouffées pour éviter d’embarrasser leurs partenaires de l’OTAN.
Khalifa al-Zwawi – un juge qui préside le soi-disant conseil de transition à Misrata – a dit que c'était la fautes des victimes. Il a insisté en disant que les coordonnées de l’emplacement où les combattants auraient dû se trouver avaient été fournies à l’OTAN et que les hommes avaient dû « s'éloigner des limites qu’on leur avait données. » Ces remarques soulignent le mépris que la direction des « rebelles » témoigne à l’égard de ses propres partisans.
Le Conseil national de transition (CNT) à Benghazi est composé de ministres du régime de Kadhafi qui ont récemment fait défection, de forces islamistes, dont des terroristes liés à Al Qaïda, et nombre d’agents de longue date de la CIA. Il fonctionne comme une force par procuration oeuvrant pour les Etats-Unis et les puissances impérialistes européennes qui cherchent à renverser Kadhafi afin de mettre en place un gouvernement fantoche dans le but de promouvoir leurs intérêts géopolitiques et commerciaux.
Gene Cretz, l’ambassadeur américain en Libye, a dit mercredi que l’équipe diplomatique américaine envoyée à Benghazi avait conclu que le CNT était « un groupe sérieux » et « un organe politique qui mérite notre soutien. » Cretz n’a pas tenté d’expliquer les critères en fonction desquels cette évaluation avait été faite. Il a toutefois fait peu d’effort pour dissimuler le rôle joué par les dirigeants du CNT en tant que laquais pro américains, disant qu’ils « continuent de dire des choses justes » et qu’ils « s’adressent à la communauté internationale de manière très sophistiquée. »
L’ambassadeur a aussi expliqué que le gouvernement Obama se demandait encore s'il allait accorder ou non la reconnaissance diplomatique au CNT comme l’ont fait la France et l’Italie mais a souligné que le fait de ne pas l’avoir déjà fait « ne nous a pas empêché de faire tout notre possible pour soutenir le CNT. »
L’OTAN se prépare à dépêcher une « personne diplomatique à contacter » auprès du gouvernement autoproclamé de Benghazi. Un porte-parole de l’OTAN a dit que la décision « améliorerait et mettrait en valeur les contacts politiques » à travers « des échanges politiques informels » avec le CNT. En réalité, la décision fait suite au déploiement à Benghazi de « conseillers » militaires britanniques et français et souligne le statut de mandataire de la direction « rebelle ».
La France et la Grande-Bretagne poursuivent leurs préparatifs pour le déploiement de forces au sol. Le ministre britannique de la Défense, Liam Fox, a dit mercredi que des troupes pourraient être déployées à la frontière entre le Tunisie et la Libye sous le prétexte de protéger des civils en fuite. L’on évalue à 30.000 le nombre de personnes qui ont franchi la frontière pour échapper aux combats. Fox a dit, en s’adressant à un comité restreint parlementaire de la défense, que des forces britanniques pourraient être nécessaires pour mettre en place des « zones de sécurité » pour protéger des réfugiés contre des attaques des forces de Kadhafi.
Il n’y a aucun élément de preuve que ces forces sont en fait en train d’attaquer des civils. Il y a eu des affrontements continus entre des combattants pro et anti-Kadhafi à la frontière occidentale de la Libye. Des combattants « rebelles » ont été chassés hier d'un avant-poste clé à la frontière près de la ville libyenne de Wazen. Le Wall Street Journal a décrit la perte du carrefour comme « coupant la seule voie d’accès pavée des rebelles au monde extérieur. » Le gouvernement britannique est sans aucun doute préoccupé par les implications militaires de cet avantage du régime Kadhafi – toute force terrestre étrangère déployée dans cette zone serait sans aucun doute instruite de mener le combat pour reconquérir le terrain perdu.
Dans son témoignage devant le comité parlementaire, Liam Fox a souligné que la guerre continuerait indéfiniment. Il a admis que le bombardement pourrait se poursuivre pendant des mois. « Il est essentiel que la communauté internationale donne un signal clair au régime libyen que notre détermination n’est pas limitée dans le temps, » a-t-il déclaré en ajoutant que « nous ne serons pas limités par des livres sterling, des shillings et des pence. »
Les puissances américaine et européennes sont engagées dans des efforts de plus en plus désespérés pour maintenir le prétexte « humanitaire » de leur attaque contre la Libye.
Hier, au cours d’une réunion du Conseil de sécurité de l’ONU à New York, l’envoyée de l’ONU, Susan Rice, aurait accusé le régime Kadhafi de fournir du Viagra à ses forces dans le cadre d’une campagne systématique de violence sexuelle. Aucune preuve de nature à conforter ces allégations n’a été apportée. Un porte-parole de Human Rights Watch [organisation de défense des droits de l’Homme] – qui s’est vantée de soutenir la campagne de bombardement de l’OTAN – a reconnu avoir enquêté sur les accusations et n’avoir trouvé que « quelques actes crédibles de violence sexuelle ou de viol mais qu'il n'existe pas à ce stade de preuve suggérant qu’ils sont de nature systématique ou qu’ils font partie d’une politique officielle. »
(Article original paru le 29 avril 2011)