Le 23
mars, un tribunal allemand a condamné à
la prison à vie l'ancien nazi membre d'un escadron de la mort,
Heinrich Boere, pour des crimes de guerre commis il y a plus de 65
ans.
Boere,
88 ans, était accusé d'avoir abattu de sang-froid trois civils
néerlandais suspectés de soutenir la résistance à l'occupation
nazie en 1944. Les assassinats avaient été exécutés comme
faisant partie d'une campagne répressive menée par son unité,
connue comme les « SS germaniques
aux Pays-Bas. »
Boere a vécu ouvertement
en Allemagne depuis sa fuite des Pays-Bas à la fin de la guerre. En
1949, un tribunal hollandais l'avait condamné à mort par
contumace. Alors que la sentence a été commuée par la suite en
peine de prison à vie, le gouvernement allemand refusait de
l'extrader. Au début des années 1980, une commission allemande
chargée d'enquêter sur les crimes de guerre nazis laissa tomber
l'affaire en concluant que les meurtres étaient « des actes
de guerre acceptables, » justifiables par la loi
internationale en réaction à des actes violents de résistance
contre les occupants allemands.
C'était
la position défendue par Boere lui-même qui n'a pas essayé de
nier les meurtres. Il a invoqué la
soi-disant défense de Nuremberg : Avoir obéi aux ordres. En
2007, il avait dit au magazine allemand Der
Spiegel : « Ils nous
avaient dit être des partisans, des terroristes. Nous pensions
faire ce qu'il fallait. »
La plus
grande partie de la couverture médiatique
du procès et de la condamnation de Boere a servi à souligner qu'il
s'agissait là de l'un des derniers procès de criminels de
guerre en Allemagne étant donné que les auteurs encore en vie des
atrocités du Troisième Reich commençaient à disparaître
rapidement.
Le
Daily News
de New York a publié un éditorial sur le sujet: « Il ne
reste plus beaucoup de crapules nazies pour subir un tel procès,
mais il faudra le faire jusqu'au dernier, et rapidement. » Le
journal a ajouté que « la culpabilité pour des crimes
monstrueux n'est jamais effacée. C'est la tâche de ceux qui
croient en la justice de faire payer les malfaiteurs. »
Bien que Boere mérite
amplement sa peine, et ni le passage du temps ni son âge avancé ne
justifient la clémence, il n'est pas nécessaire de remonter près
de sept décennies en arrière pour découvrir de tels crimes, ni de
faire porter toute l'attention sur des octogénaires face à la
justice.
Ce même journal avait
publié le mois dernier un article intitulé : « Un tir
au but pour les bons gars, des drones descendent le chef taliban
pakistanais. »
En
commentant le 14 janvier l'assassinat télécommandé d'Hakimullah
Mehsud, un dirigeant des Taliban au Pakistan, l'article déclare
que Mehsud était une « une cible particulièrement recherchée
parce qu'il avait affirmé être celui qui avait envoyé
sur les lieuxl'auteur
de l'attentat suicide qui avait infiltré en décembre la base
opérationnelle de la CIA en Afghanistan en tuant cinq officiers de
l'agence et deux entrepreneurs civils. » L'article avait
conclu en invitant ses lecteurs à « applaudir la compétence
des forces américaines qui dirigent les drones à des milliers de
kilomètres de distance. »
Durant
la Deuxième Guerre mondiale, ceux qui avaient résisté à
l'occupation nazie en assassinant des responsables allemands et
des collaborateurs - aux Pays-Bas et dans d'autres pays -
étaient connus comme partisans. Leurs exploits étaient célébrés
par les médias ainsi que dans un grand nombre de films.
Les occupants allemands
avaient qualifié ces mêmes combattants de la résistance de
terroristes, justifiant de ce fait leur exécution extrajudiciaire.
Washington a recouru au
même mode opératoire dans ses guerres et ses occupations en Irak
et en Afghanistan. Tout Afghan ou Irakien résistant à l'occupation
américaine de leur pays est qualifié de « terroriste »
dont l'assassinat est justifié.
Le même genre de crimes
dont Heinrich Boere fut accusé d'avoir commis aux Pays-Bas il y a
65 ans sont quotidiennement perpétrés par l'armée américaine
et la CIA. Des unités des forces spéciales fortement armées sont
chargées de l'assassinat de tous ceux suspectés d'être
impliqués dans la résistance afghane. Elles ont pratiqué les
mêmes agissements meurtriers en Irak. Dans bien des cas, les
victimes sont des hommes, des femmes et des enfants non armés ».
Lors
d'une telle opération, le 27 décembre, les forces spéciales
américaines avaient attaqué une maison
dans la province de Kunar, jetant huit étudiants afghans, âgés de
11 à 17 ans, hors de leurs lits, les menottant et leur tirant une
balle dans la tête. Un agriculteur et un jeune paysan furent
également tués lors du raid. Les responsables militaires avaient
justifié les assassinats sur fond de suspicion que la maison
servait à la fabrication d'engins explosifs.
Lors
d'une attaque identique le mois dernier dans la province de
Ghazni, un commerçant de 61 ans, sa femme et son fils avaient été
abattus par l'armée américaine parce que la famille avait
hébergé des combattants talibans la veille. Boere et ses
collègues de la SS auraient été des experts dans ce genre
d'opérations.
Et puis
il y a les attaques aux missiles guidés
tirés depuis des drones aériens contre des ennemis présumés de
l'occupation américaine de l'autre côté de la frontière au
Pakistan.
« Depuis
2009, au total 666 personnes suspectées
de terrorisme dont au moins 20 personnes plus âgées ont été
tuées par des missiles tirés depuis des aéronefs sans pilote et
survolant le Pakistan, » a rapporté le Washington
Post du 21 mars. Ici, l'expression
« suspectés de terrorisme» est employée - d'une manière
non discernable de celle des nazis - pour décrire les combattants
résistant à l'occupation étrangère en Afghanistan.
L'article
du Post
cite des chiffres rassemblés par la New American Foundation, un
groupe de réflexion soutenu par le patronat et qui conclut que 32
pour cent, un sur trois, de ceux qui sont tués lors d'attaques de
drones sont des victimes civiles sans armes. Les responsables du
gouvernement pakistanais ont rapporté que la grande majorité des
personnes tuées sont des civils.
En décrétant la sentence
en Allemagne, le juge a décrit la fusillade de partisans présumés
de la résistance hollandaise à l'occupation nazie, perpétrée
par Heinrich Boere, comme étant « un acte de malveillance et
de lâcheté pratiquement incomparable - allant au-delà de la
décence de tout soldat. »
Que
peut-on dire de ceux qui ont tué des hommes, des femmes et des
enfants sans défense - et ceux suspectés de résistance à
l'occupation américaine - en appuyant sur un bouton assis
devant leur écran à une distance de 7.000 miles. L'on ne peut
qu'imaginer ce qu'Adolf Hitler aurait pu faire avec une telle
technologie.
Le
thème principal de l'article du Washington
Post est le rôle joué par le
directeur de la CIA, Leon Panetta, dans la gestion de ces meurtres
et ces assassinats de masse. Il se concentre sur une frappe de drone
en particulier qui avait tué en août dernier le dirigeant taliban
Baitullah Mehsud. Les officiers de la CIA ont dit à Panetta que
Mehsud, dont les mouvements étaient suivis à la trace par un drone
équipé d'une caméra, n'était pas seul mais avec sa femme. Il
leur a ordonné de déclencher le tir qui les a tué tous les deux.
Ce qui est décrit c'est
une politique de meurtre de sang-froid dans lequel le soi-disant
« dégât collatéral » -- l'assassinat de civils
innocents, n'est pas un accident, mais un acte calculé délibéré.
A
une époque antérieure, lorsque la CIA avait récolté son attribut
de « Murder Inc. » (Cie des Assassinats), des efforts
étaient entrepris à Washington pour garder secret de tels actes
sanguinaires. A présent, les responsables américains dont Obama,
se vantent ouvertement de « liquider » leurs ennemis en
provoquant peu ou pas de controverse dans l'establishment
politique et les médias.
Une
telle atmosphère politique et morale des
plus viles est une manifestation sans équivoque d'une crise
profonde de l'impérialisme américain et que l'élite
dirigeante américaine cherche à résoudre au moyen de la guerre à
l'étranger et d'un assaut général contre la classe ouvrière
à l'intérieur du pays.
La
réalité est qu'Obama, Panetta et
Gates, au même titre que Bush, Cheney, Rumsfeld &Cie avant eux,
sont coupables de crimes de guerre. Les atrocités individuelles,
les assassinats, les actes de torture et la punition collective sont
les sous-produits des guerres d'agression qui sont menées, le
crime principal pour lesquels les dirigeants nazis survivants ont
été poursuivis à Nuremberg.