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La contribution de Michael MoorePar David Walsh Farenheit 9/11, écrit et réalisé par Michael Moore Utilisez cette version pour imprimer La sortie de Farenheit 9/11 de Michael Moore a donné l'opportunité à plusieurs personnes aux États-Unis d'exprimer leur opposition envers la guerre à Irak, les politiques de l'administration Bush et leur dégoût général face à l'establishment politique et médiatique. Plus de trois millions de personnes ont vu le film dès la première fin de semaine de sa sortie dans les salles de cinéma, approuvant en grande partie son message. La sortie du film de Moore en Amérique du Nord fut un véritable événement politique, pas un événement orchestré. Ceci est rare dans un pays où la vie politique officielle a été entièrement écrite pendant des décennies, se déroulant dans les cadres les plus étroits. Pour plusieurs personnes, acheter un billet de cinéma est soudainement devenu un moyen d'exprimer publiquement son désaccord. Contrairement à la mythologie officielle, il s'avère que des millions d'Américains s'opposent passionnément aux politiques criminelles de leur gouvernement. Ce n'est pas une question sans importance. La réponse à Fahrenheit 9/11 met en pleine lumière les médias américains et leurs leaders. Sa grande popularité au box office, sans précédent pour un film documentaire, expose la fausseté des affirmations sur la popularité du « président de guerre » et de son régime. Abraham Lincoln avait raison : on ne peut pas tromper tout le monde tout le temps. Comment les médias ont-ils pu ne pas voir le fait qu'il y avait une large opposition à la guerre? Pourquoi était-ce nié et caché, même après les énormes manifestations de février 2003, jusqu'à ce que le film de Moore, brisant des records de popularité, amène au grand jour ce fait évident de la vie nationale? Comment les médias, incluant les médias « libéraux » ont-ils pu ne pas voir le fait que Bush est une nullité réactionnaire et un eunuque moral dont chacun des mots et chacune des actions profitent à l'élite corporative? La débâcle populaire confirme qu'une radicalisation est en cours aux États-Unis, avec des conséquences à long terme. Les millions de gens qui ont afflué vers les salles de cinéma n'y sont pas allés pour rien. Ils n'ont pas été dupés. Fahrenheit 9/11 est un excellent film, remarquable sur certains aspects et réalisé avec une profonde et grande sincérité. Moore est un réalisateur doué qui a de l'intuition, de l'énergie et du courage. Même en considérant les points faibles du film, qui sont bien présents et importants, il faut les placer dans un certain contexte. Par exemple, si Fahrenheit 9/11 essaie de couvrir trop de terrain, s'il touche à trop de questions sans aller suffisamment en profondeur, est-ce seulement Moore qui est à blâmer? Après tout, si les médias américains, avec toutes leurs ressources et leurs technologies, traitaient les évènements avec un minimum d'honnêteté, y aurait-il ce vide que Moore croit clairement devoir combler seul? Ressentirait-il le besoin de couvrir tout, si les nouvelles médiatiques officielles avaient examiné en détail et exposé quoi que ce soit? Les critiques de droite attaquent Moore pour son supposé « égocentrisme » et sa disposition pour se «donner de l'importance». Ces réactionnaires sont tout simplement en furie de voir que ce réalisateur a eu l'audace de se mesurer avec les pouvoirs en place alors que tant d'autres ont été intimidés ou achetés. Sa position a aidé à faire la démonstration qu'un vaste courant social est supprimé et laisser sans moyen de s'exprimer. L'aile journalistique de l'intelligentsia américaine, en particulier, est largement dominée par la vénalité et la corruption. C'est le camouflage que se sont donnés les médias américains comme principale tâche dans les dernières années. Leur esprit de créativité a été largement dédié à trouver des moyens pour empêcher la population de découvrir la vérité sur leur gouvernement et leur société. Qu'une guerre d'agression, qui a déjà fait des dizaines de milliers de morts, qui aura des conséquences potentiellement catastrophiques encore inconnues puisse être lancée sur la base d'une série de mensonges flagrants sans qu'aucune voix importante ne s'élève contre elle dans les médias américains, voilà un crime pour lequel les géants médiatiques ainsi que les lecteurs et lectrices de nouvelles et les journalistes millionnaires devront répondre. Et même certaines des difficultés politiques de Moore, son refus de se séparer du Parti démocrate, sa propension au populisme et son obsession à voir le grand coupable en Bush personnellement méritent d'être examinées dans leur contexte. De larges couches du milieu libéral de gauche aux États-Unis ont tout simplement jeté la serviette dans les dernières années, s'enrichissant, allant toujours plus à droite et démontrant une indifférence grandissante sur le sort réservé à de larges couches de la population. En ce sens, Moore est une sorte de personnalité isolée. Il conserve une sensibilité et une authentique sympathie pour la condition des opprimés. Les élections de 2000 et après Moore (Roger & Me, Bowling for Columbine) commence son film avec un avant-propos dédié au vol des élections de 2000 par la clique de Bush et le refus du candidat démocrate Al Gore et de son parti de résister à ce vol. Bush, malgré l'opposition, prend la tête du gouvernement et s'en va, sans tarder, en vacances. Après avoir montrer la tête des nouveaux dirigeants du gouvernement tels qu'on pouvait les voir en public, l'écran devient noir et on entend les bruits des attentats terroristes du 11 septembre 2001. Ensuite, on aperçoit les visages horrifiés de ceux qui regardaient d'en bas. Suit une séquence remarquable sur George W. Bush. Après avoir été informé de la deuxième attaque aérienne sur le World Trade Center, le président des États-Unis continue à lire un livre pour enfants pendant sept autres minutes, ayant l'air d'un homme qui ne sait pas quoi faire. Moore explique, avec justesse, que suite aux événements du 11 septembre, l'administration Bush a délibérément tenté de créer l'impression dans l'opinion publique que le régime de Saddam Hussein a été impliqué dans les attentats terroristes, même s'il n'y avait aucun lien et que l'Irak n'a jamais attaqué les États-Unis. Une longue séquence du film traite ensuite des liens étroits entre la famille Bush et l'élite dirigeante saoudienne. Ces liens sont réels et importants et l'argument général selon lequel la politique étrangère américaine est guidée par des intérêts matériels-le pétrole, les profits et la cupidité-est sûrement une antidote efficace aux radotages sur la « libération » de l'Irak et sur l'implantation de la « démocratie » au Moyen-Orient, mais Moore fait sa plus grosse erreur dans cette séquence. Fahrenheit 9/11 trace le portrait des Saoudiens comme des grands manipulateurs et même comme les maîtres de l'administration Bush. C'est tout simplement faux. La supposition que de « riches arabes » sont en train de prendre le contrôle du pays ou qu'ils ont une influence considérable n'aidera pas à faire augmenter le niveau de conscience politique et culturelle parmi la population américaine. L'impérialisme américain est impitoyable, criminel et vorace. La monarchie saoudienne est une marionnette des intérêts américains et non un acteur indépendant, peu importe l'étendue de sa richesse. Le réalisateur a adopté la voie de la moindre résistance, succombant à la tentation de l'explication facile, plutôt que de fournir une analyse plus profonde. Ce n'est pas le seul raccourci pris dans Fahrenheit 9/11. Après avoir donné sa propre version de ce qui sous-tendait les attentats du 11 septembre, incluant des séquences révélatrices montrant des représentants du régime taliban visitant les États-Unis dans le cadre d'une tentative pour signer un contrat de pipeline, Moore enchaîne presque immédiatement en exposant les efforts du gouvernement Bush pour se servir des décès tragiques à New York et à Washington à ses propres fins politiques sinistres. Le Patriot Act, votée par le Congrès américain, a introduit plusieurs mesures répressives longtemps demandées par l'extrême-droite et les agences de coercition. Jim McDermott, le démocrate représentant l'État de Washington au Congrès, a noté que le 11 septembre a été «la chance de faire quelque chose» et que l'administration Bush s'en est servi à son avantage, déployant une attaque sans précédent sur les droits démocratiques, avec la participation entière des démocrates au Congrès. Moore énumère quelques unes des actions les plus extravagantes du FBI dirigées contre des citoyens entièrement respectueux des lois. Fahrenheit 9/11 montre à l'écran les conséquences du lancement d'une guerre d'agression contre l'Irak en mars 2003 : les corps de jeunes enfants irakiens (juxtaposés par l'insupportable Donald Rumsfeld vantant « le soin, le caractère humanitaire, qui existe dans la conduite de cette guerre »), des familles dévastées, des mères et des enfants terrifiés dans une maison envahie par les troupes américaines pendant la nuit. Le film expose brièvement la litanie des mensonges de l'administration Bush sur les armes de destruction massive et les supposés liens entre l'Irak et al-Qaïda. Il condamne aussi le Parti démocrate pour avoir endossé la guerre et les médias de masse américains pour avoir retransmis les mensonges du gouvernement sans critiques ou questionnements. Les parties les plus puissantes du film sont sans aucun doute celles tournées à Flint dans le Michigan, la ville natale de Moore. Le réalisateur revient à ce qu'il connaît le mieux. Ici le film prend un autre caractère et s'élève au dessus de la plupart des commentaires de la classe moyenne «de gauche». Les questions sociales critiques font surface de façon claire et persuasive. Nous apprenons que Flint, autrefois hôte de milliers d'emplois chez le géant de l'automobile General Motors, a maintenant un taux de chômage de 50 pour cent. Un jeune homme explique que les images télévisées d'une ville irakienne bombardée lui rappellent son voisinage. Les séquences de maisons entourées de planches et des environs dévastées et frappées par la misère le confirment. Fahrenheit 9/11 montre que ceux qui ont joint l'armée américaine de «volontaires» sont, en fait, des conscrits économiques, forcés par des situations désespérées à mettre leur vie en péril dans l'espoir de recevoir une éducation ou de la formation en vue d'un emploi. Moore demande à un groupe de jeunes noirs combien ont de la parenté dans l'armée. Presque tout le monde leva la main. Dans une des séquences les plus révélatrices, deux recruteurs de la marine vont cyniquement arpenter un centre d'achat dans une partie pauvre de la ville à la recherche de recrues potentielles ou de n'importe qui pourra être convaincu, par la tromperie si nécessaire, de laisser son nom et son adresse. Moore accorde quelques minutes à l'état moral et mental des troupes envoyées en Irak. Son portrait est suffisamment complexe : nous voyons des soldats terrorisants des civils irakiens, humiliants des prisonniers et présentants des comportements psychotiques («C'est l'exitation ultime», dit un des soldats, lorsque vous écoutez une chanson heavy metal pendant un raid). Tout cela est la conséquence inévitable d'une guerre coloniale brutale et brutalisante. Nous voyons également ceux qui réfléchissent sur leurs propres situations et leurs propres actions, ayant honte et se sentant coupables. Un jeune soldat dit devant la caméra : «Une partie de votre âme est détruite lorsque vous prenez une autre vie.» Un autre dit «Si Rumsfeld était ici, je demanderais sa démission.» Des scènes horribles provenant du centre médical Walter Reed à Washington, où l'on soigne des vétérans américains de guerre en Irak, surtout des jeunes hommes à peine sorti de l'adolescence, à qui il manque les jambes, les main ou les bras, sont entrecoupées par des images d'un Bush rayonnant s'adressant à une salle remplie de «grosses légumes» lors d'un événement tenu pour lever des fonds, suscitant une explosion de rires et d'applaudissements avec une déclaration comme «Ceci est un rassemblement des biens nantis et des très bien nantis. Certains vous appellent l'élite, mais moi, je vous appelle ma base.» Une conférence sur les profits à être obtenus du conflit en Irak réunit des entrepreneurs, petits et gros. «Il y a des milliards et des milliards à faire», se font-ils rappelé du haut du podium. La guerre, fait remarquer un des participants, est «bonne pour les affaires, mauvaise pour le peuple». Fahrenheit 9/11 nous fait voir une réalité saisissante. Dans sa recherche sur les conditions économiques à Flint, Moore interroge Lila Lipscomb de Career Alliance, une agence de formation de la main d'uvre. Une « démocrate conservatrice » auto-proclamée et une patriote convaincue, Lipscomb a un fils dans l'armée en Irak. Lorsque nous la voyons pour la première fois, elle soutient pleinement la guerre. Avant de revoir Lipscomb, la tragédie avait frappé. Son fils avait été tué en service en Irak. De façon honnête et sans hésitation, Lipscomb commence à revoir son ancien patriotisme sa foi irréfléchie envers l'administration, de plus en plus au courant de la malhonnêteté du gouvernement d'avoir emmener le pays en guerre. En dehors de la Maison-Blanche, elle affronte un partisan de la guerre qui accusait Moore d'avoir monter de toutes pièces la rencontre de Lipscomb avec une Irakienne protestant contre la guerre. Dans la partie finale, Lipscomb lit la dernière lettre de son fils, dénonçant la guerre, «Qu'est-ce qui ne va pas avec Bush, qui essaie d'être comme son père? J'espère vraiment qu'ils ne vont pas le réélire.» Son mari demande avec éloquence : «[Il est mort] pour quoi? Pour quoi?» La scène est très émotive. Dans sa dernière narration, Moore revient sur les questions sociales avec puissance, réitérant le point sur les fils et les filles de la classe ouvrière qui doivent combattre dans une guerre qui ne bénéficie qu'aux riches. Il conclut avec une citation de l'auteur britannique de gauche George Orwell: «La guerre n'est pas là pour être gagnée, mais pour être continuelle La hiérarchie de la société est seulement possible sur la base de la pauvreté et de l'ignorance. En principe, l'effort de guerre est toujours planifié en vue de garder la société sur le bord de la famine. La guerre est lancée par l'élite dirigeante contre ses propres sujets et son objet n'est pas la victoire mais de conserver les véritables structures de la société intactes. » Fahrenheit 9/11, pour résumer, se termine avec une sévère condamnation du système capitaliste, même si ce terme n'est pas utilisé, et de la manière dont il régule les tensions sociales au moyen, entre autres, de la guerre impérialiste. C'est un propos remarquable pour un film grand public et, en fait, pour tout film contemporain. Un box office national de $100 millions, un chiffre signifie environ 15 millions de spectateurs aux États-Unis, ou approximativement une personne sur quinze de plus de quatorze ans. On ne se demande plus pourquoi certains droitistes enragés font pression pour que les cinémas présentant le film soient bloqués. À son meilleur, le film de Moore donne expression et ne peut qu'approfondir la colère sociale grandissante aux États-Unis qui doit trouver une expression politique, même si ce n'est peut-être pas celle que le réalisateur préconise. L'art et la politique Dans ses entrevues, Michael Moore a souvent mis l'accent sur le fait qu'il est d'abord et avant tout un artiste et un réalisateur. Ceci est généralement interprété comme une remarque évasive. Peut-être que c'est une tentative pour éviter d'être accusé de prendre une position partisane sur la campagne électorale en cours et par le fait même compromettre son objectif d'attirer un large public pour son film, mais le réalisateur de documentaires, involontairement ou non, a touché à une question importante. Comme politicien et commentateur, Moore a été lamentablement inconsistant. Par exemple, il vacille entre ses sévères dénonciations des démocrates pour leur manque de fermeté et ses appels aux partisans traditionnels du parti pour qu'ils le «reprennent». Son soutien plus tôt cette année à la candidature de l'ancien général Wesley Clark, le commandant en chef des forces de l'OTAN lors de l'assaut brutal contre la Serbie, pour la nomination à la présidence du parti démocrate était entièrement déplorable; c'était Moore à son plus faible, à son plus pragmatique et à ses comportements les moins réfléchis. Cependant, en tant qu'artiste honnête, Moore est appelé à aller plus loin que les limites de sa conscience politique. La réalisation d'images a cette qualité. Ce n'est pas un film qui procure de l'aide ou avec lequel le leadership du parti démocrate est confortable. En examinant en profondeur l'histoire des quatre dernières années, Moore révèle que les démocrates ont été les grands complices de la stratégie bipartisane (en fait, il y avait consensus au sein de l'élite dirigeante) dont le but est d'établir une hégémonie globale des États-Unis. En examinant honnêtement Flint et d'autres communautés de la sorte, Moore est forcé d'admettre ou d'insinuer qu'il n'y a pas de futur pour les jeunes de la classe ouvrière dans l'ordre économique et social actuel. Plus encore, il argumente de façon convaincante que la guerre impérialiste se sert de la pauvreté pour trouver sa chair à canon et, en même temps, sert de soupape de sécurité pour supprimer la lutte de classes à l'intérieur du pays. Les implications de ces conceptions sont révolutionnaires. Bien sûr, en créant un produit qui traite directement des questions politiques et historiques, l'artiste, même le plus honnête, ne peut pas complètement passer par-dessus ses limites. Les questions non résolues trouveront inévitablement leurs chemins dans leurs produits artistiques. Et c'est ce qui arrive avec le film de Moore. Dans Fahrenheit 9/11, une tension existe entre le ton sensé et réfléchi des séquences tournées à Flint et les moments plus superficiels, trop complaisants et même avec une atmosphère simpliste. Une tension existe entre une sympathie profonde pour la classe ouvrière aux États-Unis et une orientation opportuniste envers l'aile «libérale» misérablement compromise des démocrates, un des deux partis de la grande entreprise aux États-Unis. Une tension existe entre des convictions socialistes, hostiles à toutes formes de chauvinisme ethnique ou national, et la démagogie populiste américaine, teintée de préjugé raciste. Une des difficultés de Fahrenheit 9/11 est que d'un point de vue méthodologique et esthétique, il finit où il aurait dû commencé. Ce n'est pas l'importance exagérée accordée à l'Arabie saoudite et à la fortune de la famille Bush qui est la plus révélatrice, mais les scènes aux États-Unis, au Michigan. Les horreurs en Irak ne sont pas essentiellement le produit de la cupidité et de la stupidité personnelles de Bush, bien que cela joue réellement un rôle; elles expriment les contradictions sociales de toute la société américaine. En dernière analyse, ce qui manque au film de Moore est une analyse plus réfléchie et plus approfondie du type de société dans laquelle une chose aussi monstrueuse que la guerre en Irak a pu possiblement prendre racine. Le personnel politique qui à la charge de mentir et de trouver des raisons pour justifier une guerre impérialiste à un certain point de l'histoire est d'importance secondaire. Que ce soit Bush, Gore ou John Kerry qui soit président, la poussée pour une domination mondiale américaine va continuer. La démonisation personnelle de Bush peut devenir un moyen pour éviter la question cruciale, la banqueroute historique et structurelle du capitalisme américain, question à la quelle le film de Moore est assez honnête pour faire référence. Le dilemme du réalisateur de film n'est pas seulement le sien. Moore a vécu les expériences amères de la population ouvrière de Flint, qui se sont répétées à travers les États-Unis dans les années 1970 et 1980 : les coupures massives dans la main d'uvre, l'abandon des travailleurs à leurs propres sorts par les syndicats, une économie dévastée, des conséquences sociales et morales. Les limites de cette expérience et de ses propres limites sont façonnées par les problèmes politiques confrontant la classe ouvrière américaine elle-même, incluant la nature des syndicats, la nature du Parti démocrate et le rôle historique du libéralisme. Vers où Moore ira-t-il? Selon nous, son évolution en tant qu'artiste dépendra en grande partie de son développement intellectuel et politique. En premier lieu, cela voudra dire qu'il devra admettre ouvertement ses convictions socialistes. Une critique franche et profonde du capitalisme américain est inévitable si le réalisateur ne se limite pas à se répéter ou à faire moins et voir son travail utilisé à des fins opposées à ses convictions les plus profondes. Moore a de façon évidente lu et pensé
beaucoup et il a par le fait même fait un progrès
crucial avec ce film. Il est allé très loin. On
ne peut qu'espérer qu'il résolve les tensions dans
ses pensées et dans son art.
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