Le fondateur de WikiLeaks, Julian Assange, a
accusé le gouvernement australien de conspirer contre lui et demandé qu'il
révèle ses opérations contre d'autres Australiens impliqués dans ce site
d'alertes. Il a fait ces accusations dans le programme Dateline de la
chaîne SBS, dimanche.
Assange, qui se bat contre les tentatives de
la Suède de le faire extrader depuis l'Angleterre sur la base d'accusations
d'atteintes sexuelles montées de toutes pièces, a déclaré à Dateline que
même si le Premier ministre Julia Gillard avait cessé de qualifier les
activités de WikiLeaks d'« illégales », son gouvernement était toujours
profondément impliqué dans la campagne de Washington contre lui et «
donne[rait] aux États-Unis tout ce qu'ils [voulaient] ».
Le fondateur de WikiLeaks a déclaré qu'en
dépit d'un « fort » soutien populaire pour WikiLeaks en Australie, il craignait
que le gouvernement travailliste ne tente de l'extrader vers les États-Unis,
s'il rentrait en Australie.
Le Parti travailliste, a-t-il ajouté, «
prétends être neutre, » mais « derrière cela, nous savons qu'ils proposent leur
aide aux États-Unis et c'est quelque chose qui doit vraiment être rendu public.
« Gillard et McClelland [le procureur général]
doivent rendre publiques toutes les aides qu'ils ont proposées à des pays
étrangers contre les Australiens engagés dans WikiLeaks, ainsi que le dossier
australien sur WikiLeaks en tant qu'entité, » a-t-il déclaré.
Assange a remarqué : « nous devons nous
rappeler qu'en décembre nous avons eu droit à une enquête complète du
gouvernement sur nous, menée par l'ASIS [Australian Secret Intelligence Service
- renseignements extérieurs australiens], l'ASIO [Australian Security
Intelligence Organisation - renseignements intérieurs], la police fédérale
australienne, ainsi que des services du Premier ministre et du ministère de la
défense [.] il est extraordinaire que [le gouvernement] ait fait tout cela
juste pour démontrer sa bonne volonté envers les États-Unis, simplement parce
que je suis australien et que le gouvernement australien pourrait d'une manière
ou d'une autre se voir reprocher mes activités. »
Assange est la cible d'une campagne
internationale, dirigée par le gouvernement d'Obama, pour faire fermer
WikiLeaks et accuser ses fondateurs d'espionnage parce qu'ils ont publié des
communications diplomatiques et d'autres documents secrets. Des sections des
médias américains et des personnalités politiques de premier plan ont appelé à
l'assassinat d'Assange et à ce que WikiLeaks soit considéré comme une
organisation terroriste en raison de ses révélations sur certains des rouages
de la diplomatie impérialiste américaine ou de ses crimes de guerre et autres
atteintes aux droits de l'homme qui perdurent.
Le gouvernement de Gillard s'est voué corps et
âme à cette campagne. En novembre dernier, le procureur général McClelland
avait juré que le Parti travailliste serait « favorable à n'importe quelle
action possible pour faire respecter la loi » contre Assange et avait laissé
entendre que son passeport pourrait être annulé.
Interrogé par Dateline sur les raisons
de l'hostilité de Gillard et du Parti travailliste envers WikiLeaks, Assange a
été très clair. « Ils sont cooptés, » a-t-il dit. « Le Parti travailliste
australien a été coopté par les États-Unis à des positions clés depuis 1976.
« Depuis l'époque de Gough Whitlam [l'ex
Premier ministre travailliste qui avait perdu son poste en 1975 après un coup
constitutionnel soutenu par les États-Unis], Washington considère que cela ne
devait plus se reproduire. Il ne devrait plus y avoir de Premier ministre
australien indépendant qui se permette d'aller inspecter des bases secrètes
etc. Ils ne voulaient pas que ça puisse se reproduire, et ça ne s'est pas
reproduit, » a-t-il déclaré.
Quand on lui a demandé si WikiLeaks avait
révélé que le parti travailliste était « compromis », Assange a répondu : « Il
a été compromis et l'impossibilité de relever Mark Arbib [ministre du
gouvernement Gillard et ex-secrétaire national du Parti travailliste de
Nouvelle-Galles du Sud] de ses fonctions est un exemple de ce que la
compromission se propage à d'autres dans le Parti travailliste. Il ne s'agit
pas d'un individu isolé. »
Des communications diplomatiques publiées par
WikiLeaks en décembre avaient révélé que Arbib et le sénateur David Feeney,
ainsi que Paul Howes, le dirigeant du syndicat australien AWU, avaient transmis
des informations régulières à l'ambassade américaine sur les discussions à
l'intérieur du gouvernement et les divisions au sein de la direction du Parti travailliste.
En fait, Arbib, qui a demandé à l'ambassade
américaine de le traiter comme une "source protégée", avait aidé à
préparer le coup anti-démocratique qui a fait tomber le Premier ministre Kevin
Rudd en juin dernier. Il avait déclaré aux responsables de l'ambassade que
Gillard était « l'une des politiciennes les plus pragmatiques du Parti
travailliste », complimenté son soutien à Israël, et déclaré qu'il la
considérait comme un possible Premier ministre en octobre 2009, soit huit mois
avant que Rudd soit évincé. Les représentants des États-Unis ont été rassurés
sur le fait que ses origines dans la faction "de gauche" du parti
n'avaient pas la moindre importance politique.
Aucune personnalité du Parti travailliste ou
des syndicats n'a prononcé la moindre critique d'Arbib et de ses associés, sans
même parler d'appeler à leur exclusion du parti, pour ces activités secrètes et
antidémocratiques.
Une communication diplomatique américaine
publiée par WikiLeaks notait sur un ton réjoui qu'en 2008, Gillard était « allé
au-delà de son devoir pour aider l'ambassade ». Depuis sa nomination en tant
que Premier ministre l'année dernière, Gillard a marché dans les pas de
Washington, jurant de maintenir les troupes australiennes en Afghanistan
indéfiniment tout en soutenant les tentatives du gouvernement Obama de contrer
l'influence économique et politique croissante de la Chine en Asie.
En fait, Gillard et ses soutiens politiques
ont un intérêt direct dans la campagne américaine pour faire fermer WikiLeaks
et piéger Assange. Leurs activités visent à supprimer tous les efforts tendant
à révéler la vérité sur les crimes de guerre commis par l'impérialisme
américain et ses alliés en Afghanistan et en Irak, ainsi que leur propre rôle
dans ces sales guerres.
Assange a déclaré à Dateline qu'il était
encouragé par le fait qu'un grand nombre d'Australiens étaient « assez
protecteurs des causes défendues par WikiLeaks ». Il a ajouté que le site Web
publierait des documents supplémentaires sur le gouvernement travailliste dans
un futur proche. Tout en refusant d'en dire plus, il a déclaré que ces
informations couvraient un « large spectre » et contiendraient des révélations
sur « les grandes compagnies et la politique internationale. »