Une campagne frauduleuse conduite par le syndicat stalinien CGT
(Confédération générale du travail), soi-disant pour régulariser des
travailleurs immigrés sans papiers s'est soldée par des arrêtés d'expulsion
pour 450 d'entre eux, selon un reportage paru dans Les Echos le 31
mars dernier.
La campagne de la CGT était fondée sur une acceptation des restrictions
concernant l'accès à un titre de séjour; ces restrictions empêchent la très
grande majorité des sans-papiers de France de vivre et de travailler
légalement en France. En acceptant la doctrine du gouvernement français de
« régularisation par le travail, » la CGT a entériné la criminalisation par
l'Etat des 400 000 sans-papiers résidant en France.
Cette campagne de la CGT avait été mise au point à l'avance avec les
employeurs, du fait qu'elle ne soutenait que la régularisation de
sans-papiers dont les employeurs étaient prêts à se porter garants. La CGT
avait recruté des sans-papiers ayant du travail sur la base d'un accord
selon lequel s'ils se mettaient en grève avec le soutien du syndicat et de
leurs employeurs, le syndicat négocierait leur dossier de demande de
régularisation.
L'un des documents nécessaires au dossier de régularisation du
travailleur était une attestation officielle du syndicat disant qu'il ou
elle était gréviste. Une circulaire de la CGT aux sans-papiers en date du 3
décembre 2009 déclare que « Les travailleurs sans papiers doivent garder
l’original de leurs CERFAS ( demande d'autorisation pour un salarié étranger)
remplis par l’employeur. Une copie de ces formulaires sera
centralisée au niveau des 11 organisations avec une photocopie de la carte
de gréviste. »
Après deux années de négociations avec le gouvernement et des mouvements
de grève sporadiques impliquant jusque 6 000 travailleurs sans-papiers,
leurs espoirs ont été anéantis. Sur les 3 916 dossiers de demande de
régularisation présentés par la CGT, seuls 200 ont obtenu la régularisation
pour un an.
Un facteur particulièrement pernicieux de la procédure de la CGT est que,
pour pouvoir faire une demande, les travailleurs clandestins doivent révéler
leur identité et leur adresse. De ce fait ils deviennent une proie facile
pour la police qui s'est vu fixer l'objectif 28 000 déportations d'immigrés
clandestins en 2011.
La CGT est intervenue sur la question des sans-papiers pour désamorcer la
compassion populaire à l'égard des sans-papiers et l'opposition à la
politique anti-immigrés du gouvernement. En mai 2006, une manifestation de
20 000 personnes à Paris avait réclamé la régularisation de tous les
sans-papiers et était soutenue par de nombreux jeunes. Ils voyaient ce
combat comme la continuation des mobilisations de masses du début de l'année
contre le CPE (Contrat première embauche) qui avait pour but de retirer aux
jeunes la sécurité de l'emploi.
Lycéens, étudiants et professeurs avaient protesté contre les
arrestations et les déportations de leurs camarades de classe et de leurs
parents sans-papiers.
En 2008, la CGT avait formé une alliance avec les principales
confédérations syndicales et les organisations antiracistes, de soutien aux
immigrés et de défense des droits civiques dans le « Groupe des 11. » L'Etat
avait nommé la CGT unique négociateur officiel avec le gouvernement pour
représenter les dossiers de demande de régularisation des sans-papiers.
Une lettre datée du 1er octobre 2009, envoyée au premier ministre
François Fillon par la CGT au nom du groupe ne s'opposait pas aux conditions
draconiennes de régularisation de l'article 40 de la loi du 20 novembre
2007. Elle se contentait de demander à Fillon de publier des instructions
pour qu'elles soient appliquées équitablement et de «définir des critères
améliorés, simplifiés, appliqués dans l’ensemble du territoire national.
Elle doit garantir une égalité de traitement de chaque salarié(e) quel que
soit son lieu de travail et à l’intérieur d’un même lieu de travail. Elle
doit définir une procédure de régularisation sécurisée et standardisée quel
que soit le département. »
Le groupe parvint à un accord avec le gouvernement le 18 juin 2010,
accord selon lequel les demandes de permis de séjour et de travail des
postulants, si elles étaient soumises avant le 31 mars 2011, seraient
étudiées par des représentants de l'Etat. Le Monde écrit, « En juin,
un accord tacite avait du coup été négocié entre la CGT et le ministère pour
que les dossiers de ces « grévistes » fassent l’objet d’une « bienveillance
particulière ». Mais comme le montre le dénouement de la
campagne, il n'y a pas eu « de bienveillance » à l'égard des travailleurs
sans-papiers.
En fait, la CGT a isolé et trahi la lutte des sans-papiers, en conformité
avec sa perspective syndicaliste et pro-capitaliste consistant à négocier
les salaires et les conditions de travail sur une base nationale. Ceci donne
à la bureaucratie syndicale un intérêt primordial dans la profitabilité de
l'économie nationale. Les tensions de classes et les rivalités commerciales
énormes produites par la crise économique mondiale ont fait des syndicats
les exécuteurs de « l'intérêt national » de la bourgeoisie, en supervisant
l'austérité.
Ces derniers temps, cela a pris la forme de coupes répétées dans les
retraites et les services sociaux, négociées entre le président Nicolas
Sarkozy et la CGT. Dans le même temps, Sarkozy a eu de plus en plus recours
à des attaques néofascistes contre les immigrés pour diviser la classe
ouvrière, menant la guerre contre les travailleurs à l'intérieur du pays et
menant une guerre impérialiste en Afghanistan, et à présent en Libye et en
Côte d'Ivoire.
Le Parti communiste (PCF) stalinien et la CGT mènent depuis longtemps une
politique chauvine en faveur de la restriction de l'immigration depuis les
années 1970 et prétendent combattre le chômage par le protectionnisme
national censé donner du punch au capitalisme français. En 1970, ils avaient
lancé une campagne « Acheter français et produire français. » Ce qui veut
dire qu'ils consolidaient une alliance avec les employeurs français contre
les entreprises étrangères et leurs travailleurs.
L'accord de la CGT avec le gouvernement en 2008 l'avait mis en conflit
avec des groupes de sans-papiers, notamment avec le Collectif de
sans-papiers 75 (CSP75) de Paris.
Représentant 2 000 sans-papiers de la région parisienne, le CSP75 s'était
opposé à la relation exclusive de la CGT avec le gouvernement. Il avait
occupé un local de la CGT, la Bourse du Travail, en mai 2008. La déclaration
de CSP75 expliquait: « La CSP75 ne peut se satisfaire de l'exclusivité qui
aurait été accordée à la CGT à déposer les dossiers collectivement dans les
préfectures d'Ile de France. »
Le groupe des 11, dont les organisations d'aide aux immigrés CIMADE, RESF
(Réseau d'éducation sans frontière), la LDH (Ligue des droits de l'homme) et
Droit devant, soutenus par le Parti socialiste, le Parti communiste, la LCR
(qui devait devenir le Nouveau parti anticapitaliste, NPA) d'Olivier
Besancenot et Lutte ouvrière (LO), condamnèrent tous l'occupation du CSP75.
Ces organisations ont toutes soutenu la CGT dans une campagne de plus en
plus virulente, étroitement coordonnée avec l'Etat et les forces de police
contre les travailleurs. Elles n'ont pas protesté quand des membres de CSP75
tenant un stand à la Fête du journal du PCF l'Humanité avaient été attaqués
le 12 septembre 2008 par des gros bras de la CGT. Les représentants de la
CGT leur avaient dit: «On fera tout pour bloquer vos dossiers. »
Le 24 juin 2009, un commando envoyé par la CGT avait attaqué et expulsé
les sans-papiers de la Bourse du travail. L'attaque avait été coordonnée
avec les CRS qui avaient aidé l'expulsion forcée et encerclé les plus de 600
sans-papiers sur le trottoir devant le bâtiment. L'expulsion avait reçu
l'aval de la Mairie de Paris et de son maire socialiste, Bertrand Delanoë.
Le NPA a, à chaque fois, soutenu les actions de la CGT contre les
sans-papiers. Elle n'a non seulement pas protesté face à l'expulsion brutale
mais a fait une déclaration la justifiant: « Dans l’ensemble, les militants
du NPA considérent qu’une telle occupation, qui entravait le fonctionnement
du mouvement syndical, ne pouvait pas leur permettre de construire un
rapport de force avec le gouvernement et la préfecture afin d’obtenir leur
régularisation. »
Avec cette déclaration, en conformité avec les vues de l'ensemble de l'establishment
politique de l'ex-gauche, le NPA a exprimé sa position on ne peut plus
clairement: il ne tolèrera aucune interférence de la classe ouvrière dans la
suppression par les syndicats de la lutte des classes et dans sa
collaboration avec les agences de l'Etat.