Cinq jours après que le sous-comité permanent sur les
enquêtes du Sénat a publié un volumineux rapport détaillant les activités
criminelles des banques et des agences de notation qui ont précipité le krach de
Wall Street en 2008 et la récession mondiale, l'un des coupables mentionnés,
Standard & Poor's Credit Ratings Services, a lancé un ultimatum à la
Maison-Blanche et au Congrès, exigeant qu'un accord soit établi durant la
période précédant les élections de 2012 sur de brutales mesures d'austérité à
imposer.
En abaissant sa perspective de « stable » à
« négative » sur la cote AAA des bons du Trésor américain, S&P
s'est exprimé lundi au nom de toute la mafia financière qui a ses quartiers
généraux sur Wall Street. L'agence de notation a déclaré dans un communiqué de
presse que si un accord n'était pas conclu dans les prochains mois sur une
réduction du déficit fédéral d'au moins 4 billions de dollars durant la
prochaine décennie, « cela pourrait nous amener à abaisser la cote ».
Cela constitue en fait une menace de faire s'écrouler
l'économie des États-Unis et du monde et de miner la position du dollar en tant
que monnaie de réserve mondiale. Ce geste est une expression de la volonté,
organisée internationalement, des grandes banques et des spéculateurs de mettre
en ouvre des attaques dévastatrices contre les conditions de vie de la classe
ouvrière américaine.
Ils emploient aux États-Unis les méthodes d'extorsion
utilisées précédemment pour alimenter les attaques spéculatives sur la dette
souveraine de nombreux pays européens, y compris la Grèce, l'Irlande, le
Portugal et l'Espagne. S&P et ses principaux rivaux, Moody's et Fitch, ont
stratégiquement annoncé des avertissements et des abaissements de notes de
crédit afin de créer un climat de crise, qui a ensuite été utilisé par les
gouvernements pour contrer l'opposition populaire et imposer des mises à pied
et des baisses de salaire de masse, ainsi que démanteler les programmes
sociaux.
John Chambers, directeur de la commission de notation de
S&P, l'a essentiellement avoué, selon un article paru dans le Wall
Street Journal de mardi. « Si les États-Unis arrivent à une entente
semblable à ce qu'ils ont fait en Grande-Bretagne, S&P va ramener la
perspective pour les États-Unis à stable, a dit M. Chambers. »
En mai 2009, S&P avait baissé sa perspective de
notation pour la Grande-Bretagne. Il a renversé cette action 17 mois plus tard
après que le gouvernement de coalition conservateurs-libéraux démocrates
nouvellement élu a annoncé un programme radical de coupes qui allait détruire
le filet social du pays.
Nos lecteurs peuvent juger par eux-mêmes si S&P est
dans une position pour lancer de tels ultimatums. Le rapport du Sénat sur le
krach de Wall Street décrit ainsi le processus de corruption par lequel S&P
attribuait régulièrement des cotes AAA à des titres sans valeur vendu par les
banques : « Les agences de notation ont été payées par les
entreprises de Wall Street qui ont demandé leur cotation et ont profité des
produits financiers cotés... Les agences de notation ont assoupli leurs normes
alors que chacune faisait compétition pour fournir la cote la plus favorable
pour gagner une plus grande part des entreprises et du marché. Le résultat a été une course vers le bas ».
Le sénateur Carl Levin, président du sous-comité, a décrit
le milieu enquêté comme « un désordre financier où régnaient la cupidité,
les conflits d'intérêts et les méfaits ».
En toute justice, les cadres du personnel dirigeant de
S&P qui ont supervisé cette fraude et empoché du même coup des salaires de
plusieurs millions de dollars devraient être en prison. Plutôt, toujours en
poste et n'ayant subi aucune conséquence, ils profitent de la catastrophe
qu'ils ont eux-mêmes causée pour saccager des programmes sociaux fondamentaux
tels que Medicare, Medicaid et la sécurité sociale, desquels dépendent des
dizaines de millions de personnes.
La déclaration faite lundi par S&P affirmait que le
plan budgétaire des républicains pour l'année financière 2012 et celui des
démocrates présenté la semaine dernière créaient les conditions pour réduire le
déficit fédéral de 4 billions de dollars. Les deux partis devaient cependant
arriver à un accord avant l'élection nationale de 2012 a soutenu la société de
notation.
Cette demande met en évidence le caractère
antidémocratique du supposé débat sur le budget. Il s'agit en fait d'une
tromperie élaborée qui masque la dictature des banques. L'entente pour
confirmer la destruction de ce qui reste des réformes sociales du 20e siècle
doit être conclue avant les élections pour s'assurer que le vote ne devienne
d'aucune façon un référendum sur l'austérité et que l'électorat n'intervienne
en aucun cas sur la question.
Wall Street et ses serviteurs politiques à Washington sont
bien au fait de l'opposition de masse aux mesures qu'ils proposent. Lundi, la
même journée que S&P a fait son annonce, McClatchy Newspapers a publié les
résultats d'un sondage McClatchy-Marist qui montrait que l'électorat appuie,
dans une proportion de 64 pour cent, une hausse d'impôts sur les salaires de plus
de 250 000 dollars. De plus, 80 pour cent des électeurs, contre 18 pour
cent, s'opposent aux coupes dans Medicare et Medicaid.
S&P est intervenu au nom des banques pour orienter le
faux débat sur le budget encore plus à droite et créer les conditions pour des
coupes encore plus importantes que celles déjà proposées. Interviewé lundi à
Bloomberg Television, David Beers, le patron des notations globales de S&P,
a affirmé que la cible de 4 billions de dollars pour la réduction du déficit
n'était « pas suffisante pour stopper en fin de compte la montée de la dette
américaine ». Cela ne représentait, a-t-il dit, qu'un « point de
départ utile ».
L'establishment médiatique a immédiatement signalé qu'il
avait bien reçu le message. Le Los Angeles Times a dit dans un éditorial
que le « Congrès et la Maison Blanche ne peuvent se permettre d'ignorer ce
coup de semonce ». Le Financial Times de Londres a publié un
éditorial dans lequel il déclarait que le « coup de semonce de S&P
devrait galvaniser les dirigeants américains ».
Les dirigeants démocrates se sont empressés de rassurer
Wall Street et de lui dire qu'ils avaient compris. Mardi, dans une université
de la Virginie, Obama a dit : « Je crois que les démocrates et les
républicains peuvent s'entendre pour accomplir cela. »
Lundi, Steny Hoyer du Maryland, le numéro deux démocrate à
la Chambre des représentants, a dit : « Les perspectives à long terme
révisées d'aujourd'hui montrent qu'une action urgente et bipartite est
nécessaire afin de placer sérieusement le pays sur le chemin de la réduction
des déficits. »
Erskine Bowles, un ancien chef de cabinet de la
Maison-Blanche pour Bill Clinton et coprésident de la commission financière
bipartite de l'année dernière, était encore plus catégorique. S'adressant au Financial
Times, il a dit que S&P a été « absolument correct » en
abaissant sa perspective à long terme sur la dette américaine. « Je dirais
même plus qu'ils sous-estiment l'étendue du problème », a-t-il dit.
Seul un mouvement indépendant de masse et d'opposition
implacable mené par la classe ouvrière peut défaire cette conspiration
criminelle. Le World Socialist Web Site et le Parti de l'égalité
socialiste appellent les travailleurs et les jeunes à rejeter tout le cadre du
supposé débat sur le budget. On doit s'opposer sans compromis à toute coupe
dans les emplois, les salaires, les programmes sociaux et les services. La
classe ouvrière n'est aucunement responsable de la crise du système
capitaliste.
Nous proposons une autre politique. Comme premier
versement, afin de commencer à recouvrer la richesse pillée par l'élite
financière, nous proposons un impôt supplémentaire de 50 pour cent sur tous les
ménages qui détiennent une fortune de plus de 5 millions.
En complément, il doit y avoir une augmentation de l'impôt
sur le revenu sur les ménages qui reçoivent plus de 500 000 dollars par année. Cet impôt serait de 90 pour cent.
Ces mesures ne vont pas seulement générer des centaines de
milliards de dollars pour les emplois, les écoles, les soins de santé, le
logement et les retraites, elles vont s'attaquer à la dilapidation sans borne
des ressources et vont contribuer vigoureusement à la santé morale et
économique de la société.
Ces mesures initiales mènent inévitablement à la
nationalisation des banques et des entreprises majeures ainsi qu'à leur
transformation en société publique sous le contrôle démocratique de la classe
ouvrière. C'est un programme socialiste. Il requiert que la classe ouvrière
rompe politiquement d'avec les deux partis de la grande entreprise et
construise un mouvement de masse servant à lutter pour un gouvernement ouvrier.