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Les sociétés et l’UAW continuent leur campagne contre les travailleurs de GM
à Indianapolis
Par Jerry White et Andre Damon
8 septembre 2010
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Ouvriers entrant dans le Lucas Oil Stadium pour assister à
la réunion
La campagne menée par General Motors, l’United Auto Workers et
l’investisseur Justin Norman pour forcer les travailleurs de l’usine
d’emboutissage d ‘Indianapolis à accepter une réduction de 50 pour cent de
leur salaire s’est poursuivie le dimanche 29 août avec un meeting entre
Norman et un petit groupe d’ouvriers de GM et leurs familles.
Norman, un ex-courtier en bourse de 34 ans, insiste pour que les ouvriers
de GM acceptent de faire passer leur salaire horaire de 29 dollars (23
euros) actuellement à 15,50 dollars (12 euros) et en fait la condition d’un
rachat de l’usine, que GM envisage de fermer l’année prochaine. Le 15 août,
les travailleurs de l’usine avaient hué les responsables de l’UAW
International et les avaient forcé à quitter le meeting du syndicat local
parce qu’ils avaient accepté d’abandonner la moitié du salaire et qu’ils
avaient remis en question leur vote interdisant toute négociation avec
Norman.
La rébellion de ces travailleurs a pris l’UAW, le patronat et
l’establishment politique par surprise. Elle a aussi éveillé beaucoup
d’intérêt et de sympathie de la part des travailleurs dans tous le pays.
Depuis, les forces alignées contre les travailleurs ont cherché à se
regrouper et à forger un plan pour obtenir un nouveau vote.
JD Norman
L’UAW et Norman, soutenus par les médias locaux, essaient de colporter la
thèse que seule une « minorité qui parle fort » est opposée à l’accord. Ils
affirment que la majorité des travailleurs ont été « intimidés » par des
opposants que le maintien de l’usine n’intéresserait pas et voulant
seulement garder leurs salaires et leurs privilèges par un transfert dans
d’autres usines.
En fait, toute l’intimidation est venue des sociétés qui se servent de la
menace d’une nouvelle fermeture pour forcer les travailleurs à accepter des
salaires de misère. Norman a dit à des journalistes le 29 août que le
premier ensemble de matrices utilisées à la fabrique des pièces de véhicules
avaient déjà été transportées dans d’autres usines GM et il ajouta qu’il
espérait que l’obtention d’un second vote « ne durerait pas trop longtemps
parce qu’il existait un calendrier de fermeture de l’usine qu’il fallait
respecter. »
Avec l’aide de l’UAW, Norman a cherché à obtenir le soutien d’ouvriers
plus âgés et proches de la retraite et celui d’ouvriers intérimaires pour
qui un salaire horaire de 15,50 dollars représenterait une hausse de 44
cents (34 centimes). Exploitant le fort taux de chômage à Indianapolis - le
taux officiel de chômage approche les 10 pour cent, le taux véritable est
bien plus élevé - il a affirmé qu’il allait convertir les emplois
temporaires en emplois durables et qu’il pourrait même créer des emplois
dans l’avenir.
Le meeting du 29 août donne une idée du peu de soutien dont jouit le plan
de baisse des salaires de Norman. Les organisateurs avaient tout essayé pour
inciter les ouvriers à s’y rendre. Le meeting s’est tenu au Lucas Oil
Stadium, le stade des Indianapolis Colts, le club de football [américain]
professionnel d’Indianapolis, et les travailleurs et leurs familles furent
invités à marcher sur la pelouse du stade, avant et après le meeting. On mit
à leur disposition un assortiment de pâtisseries, de fruits, de chips et
autres choses comestibles. Malgré cela, la majorité des 1500 sièges placés
dans une salle de conférence sous la tribune principale sont restés vides.
Après le meeting, Norman loua le fait qu’on était « venus nombreux »,
bien que seulement une cinquantaine d’ouvriers se soient montrés. L’usine
compte 660 ouvriers en activité.
Malgré le petit nombre d’ouvriers présents, Norman dit à des reporters
qu’il existait « une détermination dans ce groupe à obtenir un second vote,
une sorte de processus démocratique pour que leurs voix soient entendues et
qu’ils puissent décider de leur sort et de leur avenir. » Il poursuivit en
disant : « Nous allons persister jusqu’à ce que ce vote se produise - par
respect pour les salariés ».
Les sociétés et le syndicat n’ont montré que mépris pour la volonté
démocratique des salariés. En mai, les ouvriers de l’usine ont voté à une
majorité de 384 contre 22, contre une réouverture du contrat et ont
explicitement interdit à l’UAW de mener d’autres négociations avec Norman.
Au lieu de cela, les responsables de l’UAW International et de la Région 3
ont poursuivi les pourparlers avec Norman et GM, derrière le dos des
ouvriers.
Norman a particulièrement loué la bureaucratie du syndicat, disant « Nous
avons vraiment de bonnes relations avec l'UAW » et « nous avons travaillé
vraiment dur pour élaborer une proposition avec eux. »
Parlant du taux de chômage élevé qu'il exploitait pour obliger les
ouvriers à accepter des salaires inférieurs, Norman dit, « J’ai la ferme
conviction que nous nous trouvons actuellement dans une situation unique
dans la construction mécanique. Et il s’agit là d’une occasion - peut-être
que ce n’est pas une chose que tout le monde souhaite - mais il y a
certainement un avenir pour cette usine de construction. » Un salaire
horaire de 15.50 $ a-t-il dit, était « un salaire duquel on pouvait vivre »
et il dit encore une fois, « c'est là une super occasion » - sans préciser
pour qui.
Quand le World Socialist Web Site a demandé à Norman combien il avait
gagné l'année dernière, il a refusé de répondre et s'est éloigné.
L'UAW conspire dans les coulisses pour obtenir un nouveau vote. Après que
tout le monde ait pu voir comment ils sont passés outre à la décision des
membres du syndicat local - ainsi qu’à l'interdiction, inscrite dans la
constitution de UAW, faite à des responsables nationaux de négocier un
contrat sans l'approbation du secrétaire du syndicat local - le président de
l’UAW International, le directeur de la Région 3 Maurice Davison et d'autres
inventent à présent un prétexte « légal » et « constitutionnel » pour
organiser un nouveau vote des ouvriers du syndicat local et pour les
intimider afin qu’ils acceptent d’abandonner leurs acquis.
Cela découlait clairement des commentaires fait par Glenn Sheeks après la
réunion, un défenseur de l’accord avec Norman qui est représentant syndical
au Local 23. Sheeks dit que son rôle était « de faire le lien entre la
société et le syndicat. »
Sheeks a dit qu'il partageait l'opinion de Norman, qu'il y avait « une
majorité silencieuse » en faveur de l'accord, mais qu'ils avaient été
intimidés par « une minorité bruyante. » Cette dernière, dit ce représentant
du syndicat local, ressemblait « à des voyous d’immeubles » qui, sans aucune
raison apparente, voulaient simplement que l'usine ferme.
Il a dit, « nous pouvons obtenir [le vote], mais nous devons passer par
les instances appropriées. » L'UAW, dit-il, a des règles et si la procédure
appropriée a été suivie, y compris la distribution de bulletins de vote pour
« éviter l'intimidation », « je suis assez sûr qu'il sera positif. »
En réponse aux journalistes de la presse locale qui lui demandaient
quelle était l'étape suivante, Sheeks poursuivit ainsi, « Nous devons faire
toutes les démarches dans le bon ordre. Nous avons un nouveau président, Bob
King. Il doit appeler à la tenue d’un vote extraordinaire - il doit donner
son autorisation - la chose doit aller ensuite chez notre directeur
régional, Mo Davison. Davison doit inclure notre secrétaire, Greg Clark,
notre président Ray Kennedy, le comité de direction et le comité d’usine.
Quand tous seront d'accord, alors nous pourrons avoir un vote » a-t-il dit,
ajoutant que cela pourrait être accompli « dans une semaine ou deux. »
En attendant, les politiciens au niveau local et à celui de l’Etat,
depuis le gouverneur républicain de l'Indiana Mitch Daniels jusqu’au député
démocrate d’Indianapolis au Congrès, André Carson, font monter la pression
sur les dirigeants du Local 23 pour l’organisation d’un nouveau vote.
Des partisans du Parti de l'égalité socialiste ont distribué une
déclaration faisant remarquer « la conspiration à trois » de l'UAW, GM et
Norman et avertissant du danger de laisser l'initiative entre leurs mains.
Cette déclaration appelait à l'unification des ouvriers au-delà des
différences d'ancienneté et de contrats (emplois permanents ou intérimaires)
dans une lutte commune contre les baisses de salaires et contre la fermeture
de l’usine.
« Permettre la fermeture de l’usine n’est pas une alternative. Cela
renforcera la dévastation dans cette ville et dans cette région, sapera les
salaires et les conditions de travail des générations futures et créera un
précédent qui sera ensuite suivi dans les usines de tous le pays » est-il
dit dans cette déclaration.
« La véritable alternative est un combat pour unir tous les ouvriers de
l'usine tant contre la baisse du salaire que contre la fermeture de l'usine.
Cela doit être préparé maintenant par l'élection d'un comité d'action de
base totalement indépendant de l'UAW - afin de créer la base pour
l’occupation de l'usine et la mobilisation d'ouvriers de l'industrie
automobile et de la classe ouvrière dans son ensemble, à Indianapolis, dans
l'Indiana et dans tout le pays. »
Un ouvrier qui travaille dans l'automobile depuis 15 ans et est venu
écouter la proposition de Norman malgré son opposition au contrat a dit au
WSWS « Je ne peux pas subvenir à mes besoins les plus élémentaires avec 15 $
de l’heure. Quand j'ai commencé comme ouvrier de l'automobile il y a 15 ans,
je gagnais 12.50 $ et tout coûtait deux fois moins cher que maintenant.
« Certains des gars qui travaillent dans cette usine ont 30 ans de boîte
et veulent juste partir en retraite, donc ils considèrent ce contrat. Mais
le gars qui vous a obtenu ce que vous avez ? L'a-t-il fait en pensant
seulement à lui ? Nous devons nous battre pour la génération suivante. »
« Cela dépasse le cadre de cette usine, » a-t-il ajouté. « Il s’agit là
d’une question nationale. Si cette usine ferme, où cela va-t-il
s’arrêter ? »
(Article original publié le 31 août 2010)
Voir aussi :
La lutte des travailleurs de General Motors à Indianapolis soulève des
questions cruciales (31 août 2010)
Les travailleurs de l’automobile d’Indianapolis adoptent une attitude
courageuse (23 août 2010)