Comment le NPA a participé à la campagne anti-burqa
Par Anthony Torres et Alex Lantier
11 septembre 2010
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Les mesures anti-démocratiques annoncées par le président Nicolas Sarkozy
au cours des dernières semaines - contre les Roms, les parents de jeunes, et
la nationalité d'immigrés naturalisés français - soulignent l'importance de
la campagne lancée en juin 2009 pour interdire la burqa. Lancée par Sarkozy
avec l'aval du Parti Socialiste (PS) et du Parti Communiste Français (PCF),
cette campagne a amorcé un tournant violent par le gouvernement, contre les
libertés religieuses et l'Etat de droit.
Tous les partis politiques français, notamment les partis de « gauche »,
portent une lourde responsabilité pour cette ruée anti-démocratique, qu'ils
ont soutenue de diverses façons. Le NPA y a participé également, à sa façon.
Dans son rôle d'opposition médiatique et officielle, le NPA se devait de
faire quelques critiques superficielles de la loi, tout en acceptant
les prémices fondamentales de la campagne anti-burqa. Ainsi, il n'y aurait
aucune opposition de principe à la politique raciste et sécuritaire de
Sarkozy.
Le discours de Sarkozy sur la burqa et sur l'identité nationale fut
prononcé en juin 2009. Il aura fallu attendre la fin de l'année pour que le
site web du NPA traite le sujet, dans seulement deux articles - et cela pour
déclarer que le NPA ne participerait pas au débat.
Dans l'article du NPA « Identité nationale » : le sarkozysme
nauséabond du jeudi 10 décembre 2009, le NPA expliquait qu'il ne
participerait pas au débat sur l'identité nationale et sur la burqa
: « Au-delà de la manœuvre électoraliste, le 'grand débat sur l'identité
nationale' témoigne d'un racisme décomplexé, d'une xénophobie d'État ; Pas
question pour nous de participer à la mascarade du 'débat'. »
Cette déclaration absurde en dit long sur le NPA, parti indifférent aux
droits démocratiques des travailleurs. Ayant constaté que l'Etat
encourageait le racisme - un tournant politique dangereux vers la droite,
dont l'ampleur s'est révélée depuis - le NPA a estimé qu'il n'avait pas à
intervenir dans la campagne, qu'il traitait frivolement de « mascarade ».
L'autre l'article du NPA en 2009 sur la burqa, intitulé Internationaliste
et fier de l'être, prétendait s'opposer à la campagne sur « l'identité
nationale » déclarée par Sarkozy. Le NPA écrivait qu'avec la loi anti-burqa,
le gouvernement « instrumentalise les quelques centaines de femmes
concernées en les diabolisant, il les enferme chez elles alors qu'il
faudrait au contraire leur permettre de se tourner vers l'extérieur, ce qui
signifie des moyens pour des centres sociaux, des formations gratuites… »
Le prétendu « internationalisme » du NPA était totalement creux. En fait,
celui-ci se bornait à faire certaines vagues recommandations sur la
politique sociale de l'Etat bourgeois français - que les partis de la
« gauche » bourgeoise, le PS et le PCF, bien rompus à l'austérité sociale,
n'ont jamais eu l'intention d'adopter.
Pour masquer son manque d'opposition à la campagne sécuritaire du
gouvernement, le NPA a adopté une posture féministe. Le 19 mai 2010, dans un
article intitulé Voile intégral : une loi démagogique et inefficace,
le NPA remarquait : « La burqa et le niqab sont au cœur d'un projet
fondamentaliste et intégriste contradictoire en tous points avec nos
valeurs. Mais c'est d'abord en luttant toutes ensemble pour le droit à
disposer de leur corps que les femmes s'émancipent ».
Cette formule s'accordait en fait largement avec les positions du
gouvernement, qui justifiait ses mesures anti-burqa en insistant sur le
droit des femmes de disposer de leur liberté individuelle. Le NPA y ajoutait
simplement une recommandation que les femmes devraient lutter « toutes
ensemble », phrase fétiche du NPA caractérisée principalement par son manque
de contenu concret de classe.
Il aurait été impossible pour le NPA de traiter des questions de classe
soulevées par le lancement de la campagne raciste du gouvernement - les
relations du gouvernement français avec les pays islamiques, notamment avec
l'Afghanistan occupé par les troupes de l'OTAN et où beaucoup de femmes
portent la burqa ; ou encore la destruction massive des acquis sociaux
planifiée par les élites dirigeantes européennes pendant la crise
économique, qu'ils tentent de cacher et de mener à bien, en encourageant le
racisme anti-musulman pour diviser les travailleurs.
Sur toutes ces questions plus essentielles, le NPA s'était aligné sur les
positions de l'impérialisme.
Le démarrage de la campagne anti-burqa coïncidait avec la Révolution
verte en Iran, une tentative soutenue par l'impérialisme américain et
français de renverser l'élection du Président Mahmoud Ahmadinejad en juin
2009. En soutenant les manifestations « vertes », le NPA s'est rangé du côté
de Washington et du Quai d'Orsay, et contre la majorité de l'électorat
iranien.
Par les alliances électorales qu'il se préparait à négocier avec le PS et
le PCF - les partis au gouvernement quand la France a envoyé ses troupes
participer à l'occupation de l'Afghanistan en 2001 - le NPA indiquait en
sourdine qu'il n'avait pas d'objection de principe à la guerre afghane.
En fait, la tendance internationale pabliste représentée en France par le
NPA soutient la guerre. L'exemple le plus frappant est celui des
collaborateurs italiens du NPA, actuellement regroupés dans Sinistra
Critica, qui ont accordé un vote de confiance en 2007 au gouvernement de
Romano Prodi, auquel participait les pablistes italiens. Le gouvernement
Prodi avait voté des crédits pour la guerre en Afghanistan et au Liban.
En même temps, le NPA finissait une campagne de soutien aux
manifestations intersyndicales sur le plan de relance économique à adopter
après la faillite de Lehman Brothers en septembre 2008 et le krach boursier.
En s'associant au PS, au PCF, et à d'autres partis de la gauche bourgeoise,
il donnait un soutien implicite au plan de relance proposé comme alternative
par Martine Aubry, secrétaire du PS.
Les conséquences pour les travailleurs ont été désastreuses. L'Elysée
s'est appuyé sur les syndicats et les partis de la « gauche »
bourgeoise pour canaliser la colère des travailleurs et faire passer le
principe d'un plan de relance aidant les banques aux dépens de la classe
ouvrière.
Quant aux luttes ouvrières, alors concentrées dans le secteur automobile
dévasté par les restructurations décidées par l'Etat et le Fonds
d'investissement stratégique mis en place dans le plan de relance - le NPA
s'est abstenu d'y participer. Le porte-parole Olivier Besancenot a
expliqué : « Le NPA pourrait réunir des représentants d'une quinzaine
d'entreprises en France aujourd'hui touchées par des plans de licenciements
et sortir de son chapeau 'un appel NPA'. Ce n'est pas sa manière de
faire. »
A l'automne 2009, alors que le NPA refusait de participer au débat sur la
burqa et l'identité nationale, il essayait de négocier une alliance, dans le
cadre des élections régionales de mars 2010, avec plusieurs partis qui
avaient lancé le débat anti-burqa. Le NPA négociait région par région avec
le Front de gauche, qui regroupe le PCF et d'anciens membres du PS dans le
Parti de Gauche (PG) de Jean-Luc Mélenchon. Pourtant, le PCF, par
l'intermédiaire d'André Gerin, ainsi que le PS avaient participé à la
commission pour une loi contre la burqa, servant de caution de « gauche » à
la loi.
Le NPA a finalement présenté ses propres listes dans quinze régions,
faisant campagne avec le Front de gauche dans trois régions et conjointement
avec le PG dans trois des cinq régions où le PS et le PCF faisaient liste
commune.
Ayant ainsi démontré le peu de distance séparant le NPA du reste de la
« gauche », le NPA s'est alors permis un geste pour simuler une opposition à
la campagne anti-musulmane de Sarkozy. Il a présenté une candidate musulmane
Ilham Moussaïd, du département du Vaucluse dans le Sud de la France, qui
portait le hidjab. Cette décision provoqua des débats intenses au sein du
parti, et aussi une campagne médiatique haineuse contre le droit de Moussaïd
de se présenter en tant que candidat.
Ce qui est plus important à souligner, c'est que la candidature de
Moussaïd n'avait rien d'une défense des droits des femmes portant la burqa
en France. En fait, au cours de sa campagne, Moussaïd a surtout répété des
thèmes féministes dont le gouvernement se servait pour donner une façade
pseudo-progressiste à sa campagne réactionnaire contre la burqa. [voir
aussi:
Le
NPA et la candidate voilée du Vaucluse]
En fait, le NPA a attaqué de façon hystérique les femmes portant la burqa.
Josette Trat, sociologue à l'université de Paris et membre du NPA, a écrit
des femmes portant la burqa : « On peut être choqué, révolté, lorsqu'on
croise ces oiseaux de mort. On peut être convaincu (et nous le sommes) que
le voile intégral porte atteinte à la dignité humaine, à l'égalité entre
femmes et hommes et qu'il ne faut pas le banaliser ». Toutefois, Trat
jugeait à l'époque qu'une loi interdisant le port de la burqa serait
« liberticide ».
Surtout après les élections régionales, dont les résultats furent
décevants pour le NPA, les critiques ont fusé à l'intérieur du parti contre
Moussaïd, qui a été exclue du parti au mois d'avril.
Ayant défendu les positions de la classe dirigeante sur toutes les
questions politiques fondamentales, et même sur la dénonciation de leur
propre candidate, le NPA a dû recourir à des enfantillages cyniques pour
maintenir sa posture « internationaliste ».
Dans Identité nationale (2) : cinq belles réponses à une vilaine
question, le NPA a encouragé ses lecteurs à « niquer la France ». Il
continuait : « Niquer la France et le faire tous ensemble, c'est en somme
rappeler que l'antipatriotisme ne doit pas être le privilège d'un Brassens
ou d'un Renaud, et qu'il est urgent de reconquérir une liberté de ton, une
autonomie de pensée et un droit égal à l'irrévérence, en se solidarisant
avec celles et ceux qui, alors qu'ils sont les premières cibles de la chasse
aux sorcières, ont le courage de l'hérésie ».
Ceci n'est qu'un mensonge prétentieux. Loin d'être guidé par
l'antipatriotisme, l'internationalisme, ou même une hypothétique liberté de
pensée, le NPA a réglé son orientation politique sur les besoins de la
bourgeoisie française.
En fait, le personnel dirigeant du NPA n'a aucune opposition de principe
à l'idée d'interdire la burqa. Dans une interview parue le 2 mai 2010, le Parisien a
demandé au porte-parole Olivier Besancenot si « une amende de 150 € pour
punir le port du voile dans l'espace public » était « juste ».
Besancenot a répondu : « Le problème n'est pas l'amende, mais
l'utilisation politicienne qui en est faite. La burqa opprime les femmes,
mais toute loi serait inefficace et injuste. Qui seraient les grands
gagnants ? Les plus extrémistes à droite et les intégristes religieux »
(souligné par les auteurs).
Cette position est incohérente et réactionnaire, prétendant séparer une
loi des forces politiques qui la soutiennent et qui en bénéficient. Par sa
réponse, Besancenot indique qu'il n'a pas d'objection de principe à une loi
néo-fasciste, mais seulement une objection tactique : elle bénéficierait au
FN, non pas au NPA ou à la « gauche » bourgeoise. Ceci en dit long sur
l'orientation politique de son parti, et la dérive anti-démocratique de tous
les partis établis en France.