De hauts représentants des États-Unis et de
l'OTAN ont révélé plus tôt ce mois-ci qu'ils facilitaient les discussions entre
les hauts dirigeants talibans et le gouvernement d'Hamid Karzaï, un régime
soutenu depuis 9 ans par Washington et ses alliés alors qu’ils mènent une
guerre contre insurrectionnelle en Afghanistan.
Sur la base d'informations fournies par
l'administration Obama et l'appareil de sécurité nationale des Etats-Unis, le New
York Times rapporta que les forces des États-Unis et de l'OTAN ont donné un
sauf-conduit à des dirigeants talibans jusqu'à Kaboul, incluant le transport
aérien d'un des dirigeants de l'insurrection.
Peu après, le général David Patraeus, le
commandant américain de forces alliées en Afghanistan, et le secrétaire général
de l'OTAN, Andres Fogh Rasmussen, ont publiquement expliqué le rôle qu’il
avait joué pour permettre aux dirigeants talibans de joindre les pourparlers de
paix.
À la demande de la Maison-Blanche, le Times
retient les noms des représentants talibans impliqués dans les discussions,
mais il est mentionné qu'au moins trois dirigeants du Quetta Shura et un
dirigeant du Peshawar Shura seraient incluent.
Depuis 2008, le régime assiégé de Karzaï
tente d'établir des discussions avec au moins certaines sections des talibans
et une alliance de groupes contre l'occupation, utilisant l'Arabie saoudite
comme intermédiaire. Le fait que Washington ait admis avoir participé à de
telles négociations représente un tournant significatif et est une autre
indication de la crise que confronte l'intervention des États-Unis et de
l’OTAN en Afghanistan.
L'administration Obama a dramatiquement
étendu la guerre en Afghanistan. Il a plus que triplé le nombre de soldats
américains en Afghanistan à plus de 100.000, faisant passer le nombre total de
soldats étrangers déployés à plus de 150.000, il a poussé le Pakistan à mener
des opérations militaires majeures dans sa zone frontalière pachtoune.
Mais les forces des États-Unis de
l’OTAN n'ont pas réussi battre ou même à ralentir l'insurrection. Le
gouvernement corrompu et répressif de Karzaï est vilipendé par le peuple afghan
en tant que régime colonial fantoche dépendant de la puissance de feu massive
des États-Unis et de l'OTAN pour assurer le contrôle des principaux centres
urbains d'Afghanistan. L'opinion populaire aux États-Unis, en Angleterre dans
les autres principaux pays de l'OTAN a brusquement viré contre la guerre, et un
nombre de pays, incluant les Pays-Bas et le Canada se sont retiré ou ont
annoncé un prochain retrait de leurs troupes.
L'élite dirigeante américaine et les
militaires sont déterminés à maintenir leur domination en Afghanistan peu
importe l'étendu de la dévastation subit par la société afghane. Mais
Washington appréhende de plus en plus que l'engagement massif de sa puissance
géopolitique et militaire pour mener la guerre en Afghanistan affaiblisse les
États-Unis face à d'autres problèmes, incluant la Chine et l'Iran. D'où
l'intérêt de voir une entente se concrétiser avec des éléments talibans, dans
lequel un rôle leur serait offert dans un régime afghan reconfiguré, mais
toujours sous la coupe des États-Unis, en échange d'une renonciation à
l'insurrection.
Bien entendu, ce nouveau stratagème mine
complètement l'argument officiel ayant justifié la guerre au départ. L'invasion
et l'occupation de l'Afghanistan a été vendu et justifié par l'ensemble de
l'establishment américain pour la question vitale de la «guerre contre la
terreur». Ce n'est qu'en écrasant les talibans, comme ils nous l'ont raconté,
que la sécurité du peuple américain pouvait être assurée.
Mais maintenant, afin de mieux service les
intérêts des États-Unis en Asie centrale, des sections des talibans sont
apparemment fréquentables. La secrétaire d'État américain, Hillary Clinton, a
récemment déclaré à l'émission «Good Morning America» sur les ondes d'ABC,
qu'elle n'écartait pas la possibilité que Washington et ses clients afghans
n'en viennent à une entente avec ceux que la presse américaine et les
politiciens ont dénoncés ad infinitum comme des fanatiques islamistes et
des terroristes.
«Vous ne faites pas la paix avec vos amis»,
a dit Clinton. Elle ajouta que bien qu'elle croyait «peu probable que la
direction des talibans qui avait refusé de livrer Ben Laden en 2001 se
réconcilie» avec Washington, «on a vu des choses plus étranges dans l'histoire
de la guerre».
La vérité c'est que la «guerre contre la
terreur» comme les allégations «d'armes de destruction massive» en Irak, était
un prétexte, une ruse de propagande invoquée pour justifier la poursuite de
l'agenda prédateur de l'impérialiste américain. La classe dirigeante des
États-Unis a saisi les événements encore inexpliqués du 11 septembre 2001 pour
opérer à Washington un changement de stratégie géopolitique et militaire
planifiée depuis longtemps. Lancer la guerre en Afghanistan et en Irak avec
dans le but de prendre dans un étau de fer et de sang le contrôle de la plus
importante région exportatrice de pétrole et ainsi arrêter le glissement
historique de la position mondiale du capitalisme américain.
En occupant l'Afghanistan, Washington
cherchait à s'assurer une tête de pont en Asie centrale, qui contient la
deuxième plus importante réserve exportable de pétrole au monde, juste derrière
le Moyen-Orient. De plus, l'Afghanistan a des frontières communes avec la Chine
et l'Iran et se trouve près de la Russie, trois pays dont les ambitions sont
depuis longtemps considérées avec suspicion et hostilité par les États-Unis.
En favorisant les discussions avec les
talibans et des groupes les soutenant, comme les miliciens dirigés par les
Hekmatyars, Washington renoue avec de vieilles connaissances. Les dirigeants
des talibans, tout aussi bien que ceux d'al-Qaïda, incluant Ben Laden, étaient
les alliés des États-Unis, des «atouts» de la CIA dans la guerre que les
moudjahidines, des fondamentalistes islamistes, livrèrent contre l'Union
soviétique durant les années 1980.
Cette guerre, comme s'en enorgueillit
Zbigniew Brzezinski, le conseiller à la sécurité nationale de Jimmy Carter, a
été fomenté par les États-Unis à la fin des années 1970. Avec pour objectif
d'amener les Soviétiques à envahir l'Afghanistan, les États-Unis instiguèrent
l'opposition tribale et islamiste au gouvernement pro-soviétique de Kaboul,
piégeant l’URSS en la forçant dans une guerre de guérilla comme les
Américains l’avaient subie au Vietnam, et transformant ce pays d'Asie
centrale en charnier de la Guerre froide.
Une décennie après le retrait des
Soviétiques d'Afghanistan, Washington en vint à reconsidérer ses anciens alliés
moudjahidines comme des obstacles à ses visées de domination sur l'Asie
centrale et lança son projet colonialiste en Afghanistan.
Le second prétexte invoqué par les
États-Unis et ses alliés pour justifier la guerre en Afghanistan — la
démocratie — est lui aussi exposé pour être un mensonge. Le gouvernement
Karzaï est un régime de seigneurs de guerre corrompus, plusieurs étant de
fervents islamistes fondamentalistes. Comme les élections présidentielles de
l'an dernier, les élections parlementaires de septembre dernier ont été minées
par la fraude électorale et autres pratiques antidémocratiques, incluant
l'exclusion arbitraire de candidats perçus pour être hostiles à Karzaï et ses
alliés.
La révélation selon laquelle Kaboul serait
impliqué dans des pourparlers des paix avec des dirigeants talibans laisse
supposer un possible virage tactique de la part des États-Unis. Cependant,
personne ne devrait se faire d'illusion quant aux objectifs brutaux des
États-Unis. Les pourparlers sont vus en complémentarité à la «montée», une
augmentation massive de la violence exercée par les forces d'occupation
dirigées par les États-Unis.
Depuis que le général Petraus a pris le
commandement des opérations afghanes en juillet dernier, le nombre d'attaques
aériennes a triplé, atteignant 700 en septembre. Et il est rapporté que des
unités spéciales d'escadrons de la mort mènent 10 missions par jour.
Comme pour en Irak, où Petraus développa
une stratégie similaire, les militaires américains cherchent à détruire et à
tuer le plus possible les groupes insurrectionnels tout en cherchant à diviser
la résistance armée en offrant des avantages financiers à ceux prêts à accepter
la domination américaine.
Dès le départ, il y a neuf ans ce mois-ci,
la guerre afghane a été une entreprise criminelle. Que l'administration Obama
ait massivement étendu cette guerre témoigne de son rôle fondamental, qui a été
de pousser la politique réactionnaire de l'élite dirigeante américaine sur
toute la ligne : militarisme, attaque contre les droits démocratiques en
sol américain, le pillage de l'État afin de préserver la richesse de
l'aristocratie financière, et l'offensive contre le niveau de vie et des droits
de la classe ouvrière.