Alors que les conventions collectives des quelque 500.000 travailleurs
du secteur public québécois arrivent à échéance ce 31 mars, le gouvernement libéral
de Jean Charest refuse de bouger d’un iota sur son « offre » d’une
augmentation salariale de 7% pour les cinq prochaines années. Cela représente, compte
tenu du taux d’inflation annuel de 2%, une nouvelle baisse du salaire
réel. Le gouvernement a aussi laissé entendre qu’il envisageait un
règlement par décret, répétant son opération de 2005 lorsqu’il a imposé
par loi spéciale une convention collective de six ans comprenant un gel
salarial les trois premières années.
La dégradation des conditions de travail des employés du
secteur est directement associée à la détérioration marquée des services
publics. Des années de coupures budgétaires, tant par les Libéraux que le Parti
québécois, ont dévasté les réseaux de la santé, de l’éducation et des
services sociaux.
Des reportages quasi quotidiens font état d’un système
de santé dysfonctionnel : les urgences débordent, des lits sont fermés aux
soins intensifs, des patients meurent faute d’être opérés à temps. Dans
les écoles, on manque de dictionnaires, de livres de référence, parfois même
les craies sont rationnées. Pendant ce temps, les infirmières doivent faire du
temps supplémentaire obligatoire pour pallier au manque de personnel et les
enseignants voient une augmentation du nombre d’élèves par classe.
À mesure qu’ils réduisent le financement des services
publics, les gouvernements refilent la facture à la population. Alors que les
tarifs d’électricité ont augmenté de 20% depuis 2004, le gouvernement
Charest prépare une nouvelle hausse qui pourrait s’élever cette année jusqu’à
265$ en moyenne par famille. Le prix de la carte mensuelle pour les transports
en commun à Montréal a augmenté de 50% dans les dix dernières années. Les frais
de scolarité universitaires vont passer de 1668$ en 2007 à 2168$ en 2012.
En saignant à blanc les services publics, les gouvernements veulent
faire de l’accès aux soins de santé et à l’éducation, non plus un
droit élémentaire garanti à tous, mais une source de profit pour
l’entreprise privé. C’est un processus bien enclenché.
Le nombre d’écoles privées dans la province augmente d’une
dizaine chaque année. Leur budget total est passé de 376 millions $ en 2005 à
452 millions $ aujourd’hui.
On compte maintenant plus de 140 agences privées de
placement dans le seul domaine de la santé. Pour l’année 2007-2008,
l’ensemble des établissements publics ont versé à ces agences plus de 324
millions $.
La sous-traitance gagne en force suite à l’adoption de
la loi 33 par le gouvernement Charest. De grands hôpitaux publics paient de petits
hôpitaux privés spécialisés afin d’y rediriger des patients pour des
soins de type chirurgie ambulatoire ou tests diagnostics à haute technologie.
Des contrats en PPP (partenariats public-privé) d’une
valeur dépassant le milliard de dollars sont en soumission pour la construction
et l’entretien des deux grands hôpitaux universitaires de Montréal (CHUM
et CUSM).
L’assaut combiné sur les employés du secteur public et
les programmes sociaux fait partie d'une campagne de l'élite dirigeante –
non seulement au Québec, mais à travers le Canada et à l’échelle
internationale – visant à faire porter tout le poids de la crise
économique mondiale du capitalisme sur le dos des travailleurs. Un de ses
premiers objectifs est de parachever le démantèlement
de l’État-providence entrepris au début des années 1980.
Des millions de travailleurs au Québec et à travers le
Canada sont confrontés aux mêmes conditions que les employés du secteur
public : baisse du pouvoir d’achat, dégradation des conditions de
travail, détérioration des services publics. Les conditions sont ainsi réunies
pour que la lutte des employés du secteur public québécois devienne le coup
d’envoi d’une vaste contre-offensive de la classe ouvrière.
Cela exige avant tout des travailleurs une rupture avec la
bureaucratie privilégiée qui contrôle les syndicats. Une longue expérience
historique mondiale avec la forme d’organisation syndicale a démontré que
celle-ci est inadéquate pour défendre les conquêtes sociales obtenues dans les
luttes passées, encore moins pour en arracher de nouvelles. Depuis la fin des
années 1970, en réponse au tournant de l’élite dirigeante d’une
politique de compromis social vers une stratégie de guerre de classe, les
syndicats se sont transformés en instruments pour imposer l’austérité
capitaliste. Ce faisant, ils se sont pleinement intégrés aux instances
patronales et gouvernementales (comités tripartites, Fonds de solidarité, etc).
En opposition à ces défenseurs endurcis du capitalisme, les
travailleurs doivent faire renaître leurs traditions de luttes militantes, et
surtout se tourner vers une nouvelle perspective politique : la lutte pour
un gouvernement ouvrier qui utiliserait les vastes ressources disponibles pour satisfaire
les besoins sociaux de tous, et non la soif de profits d’une minorité.
Pour justifier les concessions majeures qu’il exige
des employés du secteur public, le gouvernement Charest agite
l’épouvantail du déficit provincial (4,7 milliards de dollars pour
l’année 2009-2010). Près de 2,5 milliards de ce manque à gagner, plus de
la moitié du total, proviennent de coupures de taxes profitant aux entreprises
et aux riches.
Le gouvernement a en effet renoncé à près de 2 milliards de
revenus en éliminant la taxe sur le capital et en accordant à l’ensemble
des entreprises ce congé de taxe autrefois réservé uniquement à celles qui
investissaient. Pour ce qui est de la baisse de l’impôt sur le revenu, elle
favorise de manière disproportionnée les mieux nantis, qui ont vu leur taux
d’imposition tomber de 30% à 21% depuis la fin des années 1990.
Depuis le début de la crise financière mondiale en 2008, les
opérations de sauvetage lancées par les gouvernements à travers le monde ont
acheminé des centaines de milliards de fonds publics vers ceux-là mêmes qui ont
mené l’économie mondiale au bord du précipice par leurs pratiques
spéculatives criminelles : les hauts dirigeants des banques
d’investissement.
Les gouvernements, qui représentent le grand capital
financier, refilent maintenant cette facture astronomique aux travailleurs. Le
cas de la Grèce en est un parfait exemple: les marchés financiers ont exigé des
mesures draconiennes et le gouvernement a acquiescé en annonçant le gel des
pensions, l’augmentation de l’âge de la retraite, une réduction de
10% des salaires dans le secteur public, et des hausses régressives de taxes
sur l’essence, l’alcool et les cigarettes.
C’est le genre de mesures que l’élite dirigeante
québécoise réclame à hauts cris depuis des années. Économistes de droite et
politiciens péquistes et libéraux à la retraite se relayent pour publier des manifestes
et des rapports prônant le démantèlement de l’État-providence
et des baisses de taxes en faveur des plus riches.
La bureaucratie syndicale pro-capitaliste est partie
prenante de l’assaut en cours sur les travailleurs. Son rôle est
d’étouffer les luttes des travailleurs, l’exemple le plus récent
étant son torpillage du puissant mouvement d’opposition populaire
anti-Charest de décembre 2003.
Les centrales syndicales n’ont pas levé le petit doigt
en 2005 face à la loi spéciale des libéraux imposant un gel salarial dans le
secteur public. Et elles s’apprêtent aujourd’hui à capituler une
fois de plus devant les ultimatums du gouvernement québécois, y compris la
menace d’une nouvelle loi spéciale.
Les seules actions envisagée en retour sont « des
ralentissements de travail, des moyens de pression sur la remise des notes, des
grèves du zèle ou des trucs de ce type », selon Louis Roy, premier
vice-président de la CSN. « Si jamais il y a grève du Front commun [des
syndicats du secteur public], ce ne sera pas avant la fin septembre », a
conclu ce dernier, en évoquant les « écueils dans la loi », tels que
la « période de médiation » ou les « services essentiels dans
les hôpitaux ». Ce sont les arguments classiques du bureaucrate syndical
qui cherche à se justifier d’être à plat ventre devant le gouvernement et
le patronat.
Le rôle traitre de la bureaucratie syndicale trouve sa plus
haute expression dans son alliance politique avec le Parti québécois (PQ), un
parti de la grande entreprise. Cette alliance a mené en 1996, sous le
gouvernement péquiste de Lucien Bouchard, à l’élimination de dizaines de
milliers d’emplois dans les réseaux de la santé et de l’éducation,
à l’initiative des syndicats eux-mêmes. Dans le contexte actuel, Pauline
Marois, qui dirige maintenant le PQ, s’est rangée du côté du gouvernement
Charest contre les syndiqués du secteur public en jugeant « un peu élevées »
leurs demandes de 11,25% d’augmentations salariales sur trois ans.
Pour défendre leurs conditions de travail, ainsi que des
services sociaux de qualité, les travailleurs du secteur public doivent se
tourner vers une nouvelle perspective politique : la lutte commune avec
leurs frères et sœurs de classe à travers le Canada contre le système
capitaliste en faillite.
Les vastes ressources économiques disponibles doivent servir
à satisfaire les besoins sociaux criants, et non pas à enrichir une minorité.
Le premier pas sur cette voie est la constitution de comités de lutte,
totalement indépendants de la bureaucratie syndicale, et luttant pour mobiliser
les employés du secteur public et l’ensemble des travailleurs pour la
défense de leurs acquis.
Nous invitons tous ceux qui sont d’accord avec cette
perspective à entrer en contact avec le Parti de l’égalité socialiste.