Geert Wilders et son Parti pour la liberté (PVV) ont renforcé leur
position suite aux élections municipales qui ont eu lieu mercredi dernier
aux Pays-Bas. En obtenant 21,6 pour cent des suffrages à Almere, une ville
dortoir près d’Amsterdam, le PVV a émergé en tant que parti le plus fort. Le
PVV ne s’était présenté aux élections que dans deux villes, Almere et La
Haye.
Wilders a fondé le PVV en 2006, en poursuivant en quelque sorte la
tradition du populiste de droite Pim Fortuyn. Tout comme Theo van Gogh, le
cinéaste assassiné en 2004, Wilders a d’abord été connu par un film
anti-islam. Diffusé sous le titre arabe « Fitna », un mot qui traduit
littéralement signifie « discorde » ou « querelle », le film insinue que le
Coran mène les lecteurs directement au terrorisme. Il est tellement
provocateur que Wilders doit comparaître en justice pour incitation à la
haine et à la violence.
Durant la récente campagne électorale, Wilders a établi un lien entre les
attaques hostiles contre les réfugiés islamiques et les promesses
électorales pour des dépenses sociales accrues et pour la défense des droits
des homosexuels de l’autre. Ses exigences politiques incluent l’interdiction
de construire des minarets ainsi que de fortes amendes pour le port du
foulard. De manière générale il calomnie les réfugiés en les traitant de
« terroristes. » Il attise la haine contre « l’islamisation du pays » et
« la racaille criminelle : des terroristes venus du Maroc et des Antilles. »
Lors d’une participation à une réunion électorale à Almere, il a réclamé que
cette « nuisance obstinée » soit reléguée dans des conteneurs aux confins de
la ville.
Wilders associe ces propos racistes à des attaques contre la politique
sociale du gouvernement, notamment celle des sociaux-démocrates en réclamant
le retrait des troupes néerlandaises d’Afghanistan. Il a décrit le
gouvernement de Jan Peter Balkenende – une coalition entre l’Appel
chrétien-démocrate (CDA), le Parti du Travail des Pays-Bas (PvdA) et la
petite Union chrétienne (CU) – comme « un cabinet de forte imposition et de
bonus élevés pour les banquiers. » Il rejette le projet de la coalition
d’allonger l’âge de départ à la retraite de 65 à 67 ans et réclame une
réduction des taux d’imposition et des taxes redevables par la population.
L’élection communale sert en général de test aux élections parlementaires
avancées à la date du 9 juin. Celles-ci avaient été fixées après que la
coalition gouvernementale s'est effondrée sur la question du déploiement
militaire néerlandais en Afghanistan. Immédiatement après l’annonce des
résultats de l’élection municipale, Wilders a réclamé un poste dans le
prochain gouvernemental avec les mots : « Aujourd’hui Almere et La Haye,
demain tout le pays. »
Lors d’une conférence de presse, le premier ministre Balkenende (CDA)
s’est abstenu d’exclure en principe une alliance avec le politicien raciste.
Une vaste section des médias considère aussi comme possible une
participation de Wilders au gouvernement et même souhaitable. Le journal
allemand Süddeutsche Zeitung affirme que Wilders devrait être
« incorporé » au prochain gouvernement pour le « démystifier ». Et ce en
dépit du fait, comme le reconnaît le journal, qu'il n'a « mis à part la
haine de l’islam, presque rien à offrir. »
A ceci s’ajoute le fait que le succès électoral de Wilders n’est
nullement aussi impressionnant que le soutiennent les médias. Même dans le
bastion du parti, à Almere, seul un bulletin de vote sur huit a été déposé
pour le PVV pour un taux de participation de 56 pour cent. Il n’est
également pas évident que ce résultat puisse être appliqué au reste du pays.
Le PVV avait obtenu jusque 27 pour cent des votes lors des élections
européennes de 2009. Et pourtant la participation électorale n’avait alors
été que 30 pour cent.
Almere est caractéristique des villes satellite qui gravitent autour des
grande cités. Au milieu des années 1970, une première vague d’habitants
d’Amsterdam s’étaient établis sur ces terres gagnées sur la mer. La ville a
grandi plus vite que n’importe quelle autre aux Pays-Bas pour atteindre une
population de près de 190.000 habitants. Dans 20 ans, quelque 350.000
personnes y vivront. Les habitants sont issus de 140 pays différents mais la
proportion d’habitants issus de l’immigration est plus faible que dans les
autres villes. Par contre le taux de pauvreté est plus élevé qu’ailleurs.
Environ 15 pour cent des habitants vivent au bord du seuil de pauvreté et
dépendent pour leur survie de l’aide alimentaire. En matière d’assistance et
de gestion des dettes, la ville arrive en troisième position.
Bien que le taux de criminalité soit plus faible qu’ailleurs, le PVV
exploite cette question pour gagner des voix. Toon van Dijk, la deuxième
figure en vue du PVV à Almere, avait dû admettre que, « la ville était
relativement sûre. » En continuant il écrit, « et nous souhaitons qu’elle le
reste. » De nombreux électeurs potentiels du PVV vivent dans cette ville. Le
journal allemand Frankfurter Rundschau a cité le sociologue Frits
Spangenberg disant, « Ses électeurs sont blancs, de sexe masculin, plutôt
privés de formation universitaire, mais se considérant faire partie de la
classe moyenne. »
Le succès de Wilders lors des élections municipales était en premier lieu
dû à deux facteurs. D’abord, il existe un gouffre profond entre tous les
partis politiques traditionnels et la grande majorité de la population et
que le PVV a réussi à percer en faisant appel à la crainte et à la démagogie
sociale. Et ensuite, le PVV est un parti créé par les médias et délibérément
promu et soutenu par l’élite dirigeante.
Les plus grands perdants de l’élection municipale ont été le CDA de
Balkenende et le PvdA social-démocrate ainsi que le Parti socialiste (PS)
qui avait participé aux dernières élections en tant qu’alternative de
« gauche » au PvdA.
Si l’on reportait les résultats de l’élection municipale sur les
prochaines élections parlementaires, le CDA resterait le parti le plus fort
en ne gardant que 29 de ses 41 sièges sur les 150 que compte le parlement.
Le PvdA passerait de 33 à 27 sièges. Le PVV de Wilders avec 24 sièges serait
le troisième plus fort parti. Pour le moment il n’est représenté que par 9
députés au parlement.
Le parti populaire néerlandais pour la liberté et la démocratie (VVD)
libéral de droite – qui pendant des années a formé le gouvernement en
alliance avec le CDA et dont Geert Wilders avait initialement émergé –
resterait avec 21 sièges le quatrième parti le plus fort. Le Parti
socialiste avec actuellement 25 sièges, la troisième force du pays,
n’occuperait plus que 11 sièges.
Les pertes encourues par le CDA et le PvdA résultent directement de leur
politique droitière –coupes sociales pour la population et réductions des
impôts pour les riches et les grosses entreprises, une politique
anti-immigration et l’intervention de l’armée néerlandaise en Afghanistan.
La participation à la guerre en Afghanistan est extrêmement impopulaire
dans la population néerlandaise. La majorité des gens préconisent un retrait
immédiat des troupes. Une étude menée par la soi-disant Commission David a
montré que la guerre en Irak était illégale en vertu de la loi
internationale. Finalement le sentiment anti guerre est devenu tellement
fort que le PvdA a décidé qu’il n’était plus possible de prolonger le mandat
hollandais en Afghanistan entraînant aini la chute précoce du gouvernement.
Pour ce qui est de la politique de tous les gouvernements – qu’ils soient
conservateurs ou sociaux-démocrates – ils ont durant des décennies essayé de
démanteler l’Etat social en imposant des coupes sombres dans les dépenses
publiques. Depuis les années 1980, le soi-disant « Polder Model » (Modèle
des Polders) a conduit à des attaques féroces contre le niveau de vie de la
classe ouvrière. Les dépenses publiques ont été réduites petit à petit par
les gouvernements en étroite collaboration avec les syndicats, les salaires
gelés et les emplois détruits. Rien que cette année, 90 millions d’euros
doivent être économisés dans les domaines de l’éducation et de la santé.
Par ailleurs, un enrichissement débridé a eu lieu en haut de l’échelle
sociale. Les gros groupes et les riches ne paient presque pas d’impôts et
des bonus de plus en plus élevés sont offerts aux cadres supérieurs.
L’inégalité sociale continue d’augmenter. A la suite de la crise économique
internationale, la coalition CDA/PvdA a également octroyé aux banques de
généreux cadeaux s’élevant à des milliards d’euros.
Lors des dernières élections parlementaires, c’est surtout le Parti
socialiste qui a tiré profit du mécontentement populaire. Issu d’un groupe
maoïste insignifiant, il avait durant la deuxième moitié des années 1990 pu
bénéficier d’un certain soutien en raison de son opposition verbale aux
attaques perpétrées contre les dépenses publiques. Il est devenu un parti
creuset pour toutes sortes d’organisations petites bourgeoises et
d’individus : ceux qui prêchent l’évangélisme, les syndicalistes, les
féministes, les membres d’Attac, les ex-radicaux, etc. Lors des élections
parlementaires de 2006, il avait été en mesure de tripler son nombre de
votes et de remporter 25 sièges.
Mais le Parti socialiste n’a aucune réponse à la crise. Il rejette une
mobilisation indépendante de la classe ouvrière et se voit avant tout comme
une caution de « gauche » pour les syndicats et le gouvernement PvdA/CDA.
Plus la polarisation de la société avance, plus il se rapproche du
gouvernement.
La formation de coalitions, non seulement avec le PvdA mais aussi avec le
CDA, se discute ouvertement au sein du PS. Agnes Kant, présidente du groupe
parlementaire du PS a dit qu’aucun parti, y compris celui de Wilders, ne
devrait être écarté d’emblée de telles considérations.
Le nationalisme avait été dès le départ un élément central de l’ancien
parti maoïste. Dans un document de 1989 intitulé « Les travailleurs immigrés
et le capital », le PS avait déclaré que les « travailleurs immigrés »
devaient s’intégrer à la société et à la culture néerlandaises. Il exigeait
qu’ils « apportent une contribution appréciable à la lutte que la classe
ouvrière doit mener contre le système capitaliste, » et quiconque ne serait
pas prêt à le faire devrait quitter le pays.
Lorsqu’après les attentats terroristes du 11 septembre à New York et
après le meurtre de Pim Fortuyn, le gouvernement avait instigué une
atmosphère de pogrome contre les Musulmans le PS avait introduit la loi au
parlement obligeant les dirigeants spirituels islamiques à suivre un cours
d’intégration à la culture néerlandaise, sous peine de perdre leur statut de
résident légal.
En d’autres termes, le SP se trouvait dans le camp de l’establishment
politique en ce qui concerne la politique sociale, militaire et de
l’immigration. C’est pourquoi il est à présent puni aux élections
municipales. Il a perdu son soutien électoral presque aussi vite qu’il
l’avait acquis.
Mis à part le parti de Wilder, le petit parti « progressiste » libéral de
gauche des Democraten 1966 (D66) a également pu tirer profit des élections,
il avait orienté sa campagne électorale contre Wilders et le PVV. Au cas où
il serait en mesure de répéter ce résultat aux élections parlementaires, il
multiplierait le nombre de ses sièges par cinq, de 3 à 15.
Le parti de Wilders est en grande partie une création des médias. Il est
intentionnellement soutenu par certaines sections de l’establishment.
Il n’a pas d’adhérents. Geert Wilders détermine la politique, nomme les
candidats et se charge des relations publiques. Le site internet hollandais
Dutch News écrit, « Son seul but est de servir de plateforme à Geert
Wilders et à sa marque de fabrique – anti islam, nationalisme populiste. »
Sa concentration exclusive sur la personne de Wilders doit empêcher que
l’organisation raciste et extrêmement populiste n’éclate comme ce fut le cas
pour le parti (LPF) de Pim Fortuyn. L’Etat permet à Wilders de pratiquer ses
activités aux frais de la collectivité. Il réside dans un endroit secret et
est protégé par la police 24 heures sur 24.
L’atmosphère xénophobe et anti islam dont dépend Wilders est également
délibérément propagée par les cercles politiques dirigeants. Le CDA et le
PvdA ont longtemps compté sur le racisme et la xénophobie pour absorber et
canaliser en toute sécurité les tensions sociales. En 2002, Balkenende avait
fait entrer au gouvernement la Liste Pim Fortuyn (LPF) qui, comme le PVV,
incitait à la haine contre l’islamisation des Pays-Bas et contre les
« criminels » en provenance d’Afrique du Nord et des Iles caraïbes.
Le LPF s’était rapidement effondré après une querelle pour des postes
dans le parti et le gouvernement et le résultat fut un fort virage à droite
de l’ensemble du paysage politique. Lors des élections parlementaires de
2004, Wouter Bos du PvdA social-démocrate avait réclamé l’adoption d’une
attitude plus rigoureuse à l’égard des immigrés qui refusaient de s’adapter
à la société néerlandaise. Il avait exigé que quiconque échouait au cours de
langue obligatoire soit puni, par exemple par une réduction de ses
allocations sociales.
Depuis lors, les demandeurs d’asile ne sont acceptés dans le pays que
s’ils sont capables d’avancer 6.600 euros pour le financement d’un cours de
langue et d’intégration. Leur droit d’être accompagné de leur femme et
d’autres membres de leur famille a également été largement restreint. Le
refoulement des immigrés est effectué par des unités de l’armée spécialement
constituées.
Pim Fortuyn avait été pendant longtemps un membre du CDA et plus tard du
VVD libéral de droite avant de mettre sur pied son propre parti. Il en est
de même pour Wilders qui a d’abord appartenu au VVD pendant de nombreuses
années avant de fonder son propre parti en 2006.
Le succès électoral de Wilders à Almere est le résultat d’un plan
minutieusement élaboré et exécuté par Wilders lui-même, par d’autres partis
politiques et par les médias. L’idée était d’initier une nouvelle tendance
orientée vers la politique droitière. Wilders a dit que la victoire à Almere
était le « tremplin vers le succès » et il voulait devenir lors des
élections parlementaires du 9 juin la force politique la plus forte.
Les travailleurs et les jeunes aux Pays-Bas devraient être avertis. La
classe dirigeante est en train de préparer Wilders et son PVV afin de
combler le vide politique qui s’est développé ces dernières années, et pour
imposer des attaques féroces contre la classe ouvrière en général.