Le premier ministre grec Georges Papandreou a rencontré le président Obama à
la Maison Blanche mardi. La réunion faisait partie d’une visite de trois
jours à Washington pour obtenir le soutien politique pour le gouvernement
social-démocrate (PASOK) de Papandreou et le plan d’attaques radicales
contre les emplois et le niveau de vie des travailleurs grecs.
La réunion dans le bureau ovale, dont la presse avait été tenue à l’écart
et qui a été suivie d’une conférence de presse, s'est déroulée après que
Papandreou a prononcé un discours lundi à la Brookings Institution et
rencontré plus tard dans la journée la Secrétaire d’Etat américaine Hillary
Clinton. Papandreou a aussi rencontré des membres influents du Congrès et
devrait avoir des discussions avec le Secrétaire au Trésor américain,
Timothy Geithner.
La visite de Papandreou à Washington est l’apogée d’une tournée dans
quatre pays ayant débuté à Berlin avec des pourparlers avec la chancelière
allemande Angela Merkel, une réunion au Luxembourg avec le président de l’Eurogroup,
Jean-Claude Juncker et une réunion dimanche avec le président français,
Nicolas Sarkozy à Paris.
Dans chaque capitale, Papandreou a fait campagne pour son plan de rigueur
pour rassurer les marchés financiers internationaux et rechercher le soutien
des principales puissances pour les mesures répressives qu’il pourrait
prendre pour réprimer des troubles sociaux.
Pendant ce temps, les ministres qui accompagnaient Papandreou
rencontraient des présidents exécutifs de groupes et des banquiers afin de
les inciter à investir en Grèce en leur offrant comme motivation des
réductions supplémentaires des salaires imposés aux travailleurs grecs et
qui se situent déjà bien en-dessous de la norme européenne.
Papandreou a insisté sur le fait qu’il ne demandait pas d’aide financière
de Washington pour prévenir une défaillance du gouvernement grec. Dans ses
déclarations publiques, il a cependant lancé un appel aux Etats-Unis à
s’associer à l’Europe pour interdire la spéculation sur les produits dérivés
et les marchés de dérivés de crédit (credit default swaps, CDS) qui a
entraîné la hausse des coûts du crédit de la Grèce et la baisse de l’Euro.
Lors de la conférence de presse conjointe lundi avec Clinton, Papandreou
a mis en garde que la spéculation contre les obligations émises par le
gouvernement grec risquait de saper la capacité du gouvernement à rembourser
quelque 20 milliards de dollars de dette arrivant à échéance ce printemps.
Il a affirmé que la Grèce aurait besoin du soutien financier de l’Europe et
des Etats-Unis « si nous voyons que la spéculation ne nous permet pas
d’emprunter à des taux qui ne soient pas prohibitifs. » Il a poursuivi en
disant. « Nous ne réclamons pas des plans de sauvetage. Nous disons
seulement […] qu’après avoir pris ces mesures concernant le marché nous
devrions être en mesure d’obtenir des marchés ce dont les autres bénéficient
aussi, à savoir des taux d’emprunt normaux. »
Clinton s’est déclaré sans ambiguïté en faveur du plan d’austérité pour
la Grèce en disant, « Nous soutenons la Grèce et les mesures économiques de
rigueur qu’elle prend […] » Elle fut moins catégorique eu égard à des
discussions lors du prochain sommet du G20 sur la restriction de la
spéculation sur les CDF et autres produits dérivés.
Selon des rapports de presse, Papandreou projette de soulever la question
de l’interdiction de la spéculation contre la Grèce et l’euro comme premier
sujet de l’ordre du jour de ses discussions avec Obama. Mardi, avant la
tenue de la réunion entre Obama et Papandreou au bureau ovale, la
chancelière allemande Merkel a publié un communiqué réclamant une action
rapide pour la régulation de la spéculation sur les CDS contre les pays de
la zone euro.
Les autorités de régulation américaines et européennes auraient initié
des investigations des activités des banques et des fonds spéculatifs
pariant sur la défaillance de la Grèce et la rendant ainsi encore plus
vraisemblable. Toutefois, il est peu probable que le gouvernement Obama,
après avoir consenti à renflouer les banques, à protéger les fortunes de
l’élite financière et à empêcher toute réforme véritable des marchés
financiers, consente à introduire toute mesure sérieuse pour interdire la
spéculation sur les dérivés.
Le discours prononcé mardi par Papandreou à la Brookings Institution qui
est tournée vers le Parti démocrate a mis en évidence la perspective
profondément réactionnaire du PASOK. Il a commencé par qualifier de pierre
angulaire dans les relations entre les Etats-Unis et la Grèce et les
relations entre les Etats-Unis et l’Europe l’allocution prononcée le 12 mars
1947 par le président Harry Truman devant une session commune du congrès et
où Truman avait exigé des centaines de millions de dollars d’aide économique
et militaire pour sauver le gouvernement droitier de la Grèce d’un mouvement
révolutionnaire armé des travailleurs et des pays.
L’intervention de Truman dans la guerre civile grecque entre 1946-1949
avait marqué le lancement officiel de la Guerre froide. L’allocution du 12
mars fut connue sous le nom de Truman Doctrine. L’intervention des
Etats-Unis, organisée avec le concours crucial du régime stalinien de Moscou
qui refusa d’assister les travailleurs grecs, renversa la situation et
entraîné l’écrasement de la révolte. Jusqu’à 100.000 travailleurs et paysans
furent emprisonnés, exilés ou tués lors de la répression sauvage qui suivit
la défaite du soulèvement
La défaite de 1949 sema les graines du coup militaire de 1967 et de sept
ans de dictature de la junte grecque.
Papandreou a présenté cette contre-révolution comme un précédent
exemplaire pour renouveler la collaboration entre la Grèce et les Etats-Unis
face à une nouvelle crise. Il a vanté la rigueur des mesures d’austérité
qu’il était en train d’appliquer en déclarant que « le parlement a adopté
les mesures d’austérité les plus dures de l’histoire moderne de la Grèce. »
En qualifiant les mesures de « choix douloureux entraînant un lourd coût
politique et social, » il a dit clairement qu’elles n’étaient que le début.
« J’ai dit à la population grecque, » a-t-il précisé, « que 2010 doit être
et sera une année de réformes draconiennes dans tous les domaines
gouvernementaux : changement de notre système d'impôts, de notre systèmes de
sécurité sociale, de notre administration publique, de notre système
éducatif et de notre modèle de développement. »
Il a mis en garde contre « des troubles sociaux graves, » en disant que
le risque d’émeutes sociales était en train d’être exacerbé par des
spéculateurs à qui, a-t-il insisté, il fallait passer la bride. Il a ajouté
que la spéculation tirait l’euro vers le bas en augmentant de ce fait le
prix des exportations américaines et le déficit commercial américain.
Les implications non exprimées du discours de Papandreou étaient que les
Etats-Unis tout comme l’Europe entraient dans une période de dangers
révolutionnaires et que les méthodes employées de 1946-1949 en Grèce
pourraient servir à nouveau.