Les contrôleurs aériens ont repris le travail samedi matin
dans les aéroports français après que leurs syndicats ont décidé, sur la base
de garanties sans valeur, de ne pas poursuivre leur grève de quatre jours pour
la défense de l’emploi et du statut de fonctionnaires. Le mouvement de
grève très effectif avait supprimé 50 pour cent des vols à Orly et 25 pour cent
à Roissy-Charles de Gaulle en entraînant aussi l’annulation de vols dans
de nombreux aéroports de province. Une grande partie du trafic aérien survolant
le territoire français avait aussi été fortement perturbé.
La décision des syndicats de mettre fin au débrayage au
moment où les contrôleurs étaient sur le point d’être rejoints par les
pilotes d’Air France avait été le résultat vendredi de négociations
conjointes avec la direction et le gouvernement. Le syndicat Force ouvrière
avait déclaré qu’« une ouverture importante » avait été
obtenue.
Les contrôleurs aériens sont opposés au projet de
rationalisation de l’espace aérien européen, tant civil que militaire.
« Le Bloc fonctionnel d’espace aérien d’Europe centrale »
(FABEC), le projet de « ciel unique européen » comprend
l’Allemagne, la France, la Belgique, les Pays-Bas, le Luxembourg et la
Suisse. Les travailleurs craignent à juste titre qu’il entraîne des
suppressions d’emplois à grande échelle et des attaques contre les
conditions de travail.
L’étude de faisabilité réalisée par la direction générale
de l’aviation civile (DGAC) qui compte 12.000 agents, dont
4400 contrôleurs aériens, avait escompté réaliser d’ici 2025 des
économies s’élevant à 7 milliards d’euros grâce à une réduction de
50 pour cent des coûts dans le contrôle aérien. Un aspect de ces économies est
la politique consistant à ne remplacer le départ à la retraite que d’un
fonctionnaire sur deux.
Le gouvernement français n’a avancé que des
garanties verbales sur la sécurité de l’emploi et Jean-Louis Borloo, le
ministre de l’Ecologie, de l’Energie, du Développement durable et
de la Mer, avait proposé la mise en place d’un autre type encore de
comité consultatif en guise de « partenaires sociaux » du
gouvernement et impliquant la coopération des syndicats dans le développement
du FABEC. Et c'est sur cette base totalement sans valeur que le syndicat a
appelé vendredi à la fin de la grève. Le délégué de Force ouvrière, Didier
Pennes, avait décrit la mission du nouveau comité comme « un mandat élargi
pour inclure toutes les sensibilités ».En d’autres termes, les responsables syndicaux font tout
pour s’assurer que leurs intérêts sont protégés.
A peine deux jours plus tôt, après la réunion avec le
gouvernement, l’intersyndicale avait déclaré que la grève serait
poursuivie jusqu’à ce que les garanties nécessaires soient obtenues. Le
porte-parole de l’intersyndicale, Pierre Meybon, avait précisé :
« Nous avons constaté que les garanties par le ministère n’étaient
pas suffisantes, en particulier quant au maintien de la DGAC au sein de la
fonction publique de l’Etat. »
Borloo a nommé à la tête du comité consultatif pour la
collaboration avec les syndicats, Gilles Savary, député socialiste membre du
parlement européen. Sa tâche est d’étouffer toute nouvelle opposition
exercée par les contrôleurs aériens dans la défense de leurs emplois et de
leurs conditions de travail.
Le même scénario s’est produit la semaine dernière
lorsque les syndicats, menés par la CGT, ont interrompu la grève nationale dans
les raffineries du groupe pétrolier Total en laissant les travailleurs du site
de Dunkerque isolés dans leur lutte pour garder leur raffinerie ouverte. Les
syndicats ont obtenu l’organisation d’une « table ronde »
avec le gouvernement et Total pour discuter des ressources énergétiques
nationales pour la prochaine période.
Dans le contexte de la crise d’endettement massif
des gouvernements en Europe et la quasi faillite de nombreuses compagnies
aériennes, le projet d’intégration du contrôle de l’espace aérien
ne pourra se faire qu’aux dépens des emplois des contrôleurs aériens, des
personnels de cabine et des travailleurs du transport aérien en général ainsi
que des passagers en réduisant les coûts pour les compagnies aériennes et aussi
en renforçant la capacité militaire de l’Union européenne.
Les pilotes d’Air France qui sont soutenus par des
syndicats minoritaires poursuivent leur grève pour la défense de leurs emplois
et de leurs conditions de travail. Entre 5 et 10 pour cent des vols sont
affectés. Air-France-KLM a affiché son cinquième déficit trimestriel
consécutif. Ils s’attendent à une perte de 1,3 milliard
d’euros sur l’exercice 2009/10. Les raisons avancées par les
analystes de l’industrie aérienne sont la lourde
facture de carburant et les pertes des moyens et courts courriers. Les syndicats
de pilotes disent qu’Air France réalise chaque année 120 millions
d’euros d’économies sur les équipages des avions ce qui fait partie
de sa guerre des prix contre Easyjet et Ryanair pour l’industrie à bas
coûts. Air France a mis en place un plan de « départ volontaire »
portant sur 1.700 employés en 2010.
En arrêtant la grève, l’intersyndicale des
contrôleurs aériens, qui comprend la CGT (Confédération générale du Travail),
la CGC (Confédération générale des cadres), FO (Force
ouvrière) et l’Unsa (Union nationale des syndicats autonomes),
s’est à présent chargée d’imposer aux contrôleurs aériens la
politique d’austérité du président Nicolas Sarkozy en isolant également
la lutte des pilotes.
Au moment où les grèves étaient les plus effectives, à la
fois chez Total et dans le trafic aérien, les syndicats sont une fois de plus
venus au secours des entreprises et du gouvernement droitier de Sarkozy.
La restructuration du contrôle aérien en Europe est en soi
une démarche progressiste, mais sous le capitalisme les
travailleurs européens devront la payer pour soutenir le profit de
l’industrie aérienne défaillante et les préparatifs militaires de
l’impérialisme européen. Le seul véritable projet rationnel pour le
contrôle du trafic aérien respectant les compétences des travailleurs et la
sécurité publique sera réalisé s’il est appliqué sous le contrôle
démocratique de la classe ouvrière au sein des Etats unis socialistes de
l’Europe comme partie intégrante de l’établissement d’un
gouvernement ouvrier de par le continent.