La Fondation Rosa Luxembourg (RLS), qui maintient des liens
étroits avec le Parti de Gauche allemand, a annulé en catimini une réunion
publique où devait intervenir l'universitaire américain expert de la politique
et de l'histoire israélienne, Norman Finkelstein. Cette réunion devait avoir
lieu le 26 février au siège de la fondation à Berlin.
Le professeur Finkelstein, universitaire américain d'origine
juive, est connu pour ses critiques tranchantes de la politique
israélienne. Fils de survivants de l'Holocauste, Finkelstein fait partie
du nombre grandissant d'universitaires juifs qui ont réalisé un apport
appréciable à l'étude de l'histoire d'Israël. Il est la cible d'une
opposition intarissable de la part de forces pro-israéliennes et de droite.
En particulier, Finkelstein a été la cible d'attaques
personnelles pour son opposition à l'utilisation de l'accusation
d'antisémitisme comme moyen de faire taire les critiques des violations des
droits de l'Homme et du droit international commises par Israël.
Ce professeur de sciences politiques de 55 ans est surtout
connu pour un livre publié en 2000, L'industrie de l'Holocauste, qui
affirme que l'Holocauste a été exploité dans un but – soutien à l'Etat d'Israël
et demande de réparations pécuniaires - qui n'a rien à voir avec la vérité
historique ou la révélation de la politique génocidaire des nazis.
Finkelstein a également critiqué dans ses écrits le livre de
Daniel Goldhagen, Hitler's Willing Executionners, lequel tente de
démontrer que l'Holocauste était la conséquence d'un antisémitisme inhérent au
peuple allemand dans son ensemble.
En 2007, Finkelstein s'est vu retirer son poste à
l'Université DePaul de Chicago, où il enseignait depuis 6 ans, et ce malgré le
soutien reçu de la part de son département, de ses étudiants et de la faculté
de cette université à laquelle il appartenait, à la suite de pressions de la
part d'opposants à ses idées, et en premier lieu des sionistes en vue.
Un an plus tard, en 2008, Finkelstein s'est vu refuser
l'entrée sur le territoire d'Israël. Il a été interdit d'entrée en Israël pour
une durée de 10 ans, prétendument pour des « raisons de sécurité. »
Finkelstein était censé prendre la parole à deux réunions à
Berlin au sujet de la situation actuelle au Moyen-Orient. L'intitulé des deux
réunions, annoncées fin janvier, était « Israël, la Palestine et le rapport
Goldstone sur la guerre à Gaza. » (Le rapport Goldstone a été commandé par les
Nations unies et concluait qu'Israël s'était rendu coupable de crimes de guerre
au cours de son assaut contre Gaza durant l'hiver 2008-2009).
La première rencontre était prévue dans les locaux de la
Fondation Luxembourg l'après-midi du 26 février, la seconde, le lendemain à
l'Église Trinitatis de Berlin.
Finkelstein a été invité à prendre la parole à la seconde
réunion par la Fondation Heinrich Böll, un groupe de réflexion du parti Vert
allemand dont le nom vient du fameux auteur allemand et membre fondateur du
parti Vert. L'un des co-organisateurs de la réunion de Berlin était le groupe
Voix Juive pour un Accord Juste au Moyen-Orient.
La première organisation à annoncer qu'elle avait annulé
l'intervention de Finkelstein a été la Fondation Böll. Et il y a quelques
jours, la fondation Rosa Luxembourg a également annoncé qu'elle retirait sa
proposition d'accorder la parole à Finkelstein.
Un représentant de la direction de la RLS, Heinz Vietze, a
justifié l'action de son organisation en expliquant que la fondation « avait
sous-estimé l'explosibilité politique» d'une prise de parole par Finkelstein.
Un autre représentant de la RLS, Erhard Crome, a été encore
plus explicite. Crome avait soutenu le droit de Finkelstein à prendre la parole
à Berlin. Dans une contribution publiée dans le journal Junge Welt,
Crome a expliqué que cette réunion était annulée parce que les organisateurs
avaient appris que des partisans pro-Israeliens du Parti de Gauche allaient
organiser une protestation au cours de la réunion. Devant l'opposition interne,
la RLS a immédiatement annulée cette réunion.
Ces actions d'organisations affiliées aux Verts et au Parti
de Gauche constituent des actes très clairs et lâches de censure politique. En
annulant ces réunions, le Parti Vert et le Parti de Gauche ont très clairement
marqué leur opposition à toute discussion de la politique du gouvernement
Israélien et des conséquences de son invasion de Gaza.
Les Verts ont un long passif de soutien à l'Etat Israélien,
notamment dans la période où ils partageaient le pouvoir au niveau fédéral dans
une coalition avec le Parti Social-démocrate.
Le soutien du Parti de Gauche à l'Etat israélien est plus
récent, mais les membre de premier plan du parti ont clairement affirmé leur
détermination à soutenir Israël et fournir des excuses pour ses crimes.
En janvier 2009, le président du Parti de Gauche à Berlin,
Klaus Lederer, a pris la parole à une manifestation de soutien à l'assaut
israélien sur Gaza. Faisant écho à la propagande d'Israël pour une attaque
menée sans faire de quartier contre les civils Palestiniens, Lederer y a
déclaré, « Rien, absolument rien, ne justifie le tir de balles et de roquettes
contre des zones habitées par la population civile [israélienne] … Pour
moi, c'est le point de départ de toute discussion dans notre pays […] »
il faisait référence aux tirs épars menés par le Hamas.
Lederer n'a fait aucune mention dans son discours de la
destruction des zones densément peuplées dans la bande de Gaza par les troupes
israéliennes, avec des avions et des chars.
La trajectoire pro-Israël du Parti de Gauche est sanctionnée
par sa direction. C'est le président de la faction parlementaire du Parti
de Gauche, Gregor Gysi, qui a mis en marche la nouvelle trajectoire du Parti au
printemps 2008, lorsqu'il a fait un discours appelant à une réorientation de la
ligne politique du Parti concernant Israël. Gysi y a rejeté le terme «
impérialiste » pour caractériser la politique d'Israël, et en a appelé à la «
gauche » pour qu'elle reconnaisse de droit à l'existence de l'Etat d'Israël.
Et maintenant, le principal groupe de réflexion du Parti de
Gauche a servi à censurer un critique de premier plan de la politique d'Israël.
Le soutien inconditionnel à la politique d'Israël est la
pierre angulaire de la politique étrangère allemande. La « réorientation
de la ligne politique » du Parti de Gauche à l'égard d'Israël, y compris sa
censure du professeur Finkelstein, est un signal clair de la direction du parti
indiquant qu'elle est prête à accepter et à défendre toutes les priorités
militaires du ministère des Affaires étrangères allemand.