Les travailleurs de la SNCF se sont mis en
grève le 6 avril à l'appel de la CGT et de SUD contre le projet d'ouverture
au marché extérieur des activités liées au fret et au train express
régional, TER, et enfin sur les questions de l'emploi, de la gestion
prévisionnelle, des conditions de travail. Le mouvement de grève s'est
terminé le mercredi 28 avril suite à la mise en place d'une table ronde
entre les syndicats et la direction de la SNCF, qui n'a abouti à rien de
concret.
Cette grève s'est déroulée dans un contexte
de grèves dans le transport en France et en Europe: Lufthansa, British
Airways, les aiguilleurs du ciel à Paris, le personnel navigant d'Air France
et surtout dans une période où il y avait un mouvement des travailleurs et
des jeunes grecs contre la politique d'austérité imposée par le gouvernement
social-démocrate PASOK à l'instigation du l'UE et du FMI (Fonds monétaire
international).
Banc d'essai pour tous les pays de l'Europe,
ce plan a déjà réduit les salaires des employés du public de 30 pour cent.
Avec le plan de secours de la monnaie unique européenne de 750 milliards
d'euros, assorti d'une politique d'austérité à l'échelle de la zone euro,
les attaques contre la classe ouvrière s'aggravent énormément.
Partout en France des usines sont en lutte contre des fermetures,
licenciements, conditions de travail, tel Total, et les travailleurs du
secteur public contre la politique d'austérité du gouvernement du Président
Nicolas Sarkozy. Ceci montre de manière particulièrement aigüe le manque
dans la classe ouvrière d'une organisation capable de fédérer les luttes et
de leur donner une orientation politique.
Dans un article du journal Le Monde intitulé « La grogne sociale
monte discrètement », paru le 16 avril, l'auteur explique qu'il existe en
France de nombreux conflits qui ne sont pas médiatisés mais qui montrent une
radicalisation des salariés.
Après avoir fait une longue liste d'usines en lutte, Le Monde cite
Stéphane Vannson de la CFDT: "ce que l'on constate, c'est que les salariés
se radicalisent beaucoup plus vite qu'avant. J'avoue que l'on a parfois été
débordé par des réactions dures, avec des blocages de sites. Ce que l'on
sent remonter chez tous nos militants, c'est qu'ils ne peuvent plus accepter
des injustices criantes, comme des refus de primes aux ouvriers alors qu'on
augmente les dividendes des actionnaires."
Chaque travailleur doit se poser la question suivante: pourquoi est-ce
que, malgré la colère grandissante des travailleurs, le gouvernement, la
SNCF, et les autres sociétés touchées par des grèves ouvrières ont pu
maintenir le cap?
A la SNCF, SUD (Solidarité-Unité-Démocratie) et la CGT -- Confédération
générale du Travail, proche des Staliniens du PCF (Parti communiste
français) -- loin de chercher à lier la lutte des cheminots avec ces luttes
ou à leur donner une perspective politique, les ont isolées sur une
perspective nationaliste de négociation avec l'Etat et le patronat.
Pourtant, le directeur des ressources humaines de la SNCF, François Nogué,
dans un débat sur l'Internet a expliqué que la libéralisation du marché
ferroviaire était imposée par l'Union Européenne : « L'ouverture à la
concurrence découle des réglementations européennes dont la mise en oeuvre,
en France, est progressive. Le fret ferroviaire, par exemple, est ouvert à
la concurrence depuis 2006; le trafic des voyageurs l'est depuis décembre
2009. Des discussions sont en cours actuellement au sein d'une "commission
des parties prenantes" présidée par le sénateur Grignon sur les conditions
de l'ouverture du marché du transport public ferroviaire régional (TER) ».
A la question « Les autres compagnies ferroviaires en Europe
rencontrent-elles une pression aussi forte ? », le DRH reconnaît que oui :«
A titre d'exemple, la Deutsche Bahn a subi,en 2009, une grève
particulièrement dure et longue provoquée par ses personnels de conduite et
qui s'est soldée par de très importantes négociations. Les chemins de fer
belges, italiens... connaissent également ce type de situation. Elle n'est
pas propre d'ailleurs aux chemins de fer, puisque les transporteurs aériens,
comme on le voit souvent, sont également affectés par ces mouvements ».
En fait, les syndicats et leurs alliés dans la gauche bourgeoise (Parti
socialiste -PS, Parti communiste – PCF, Parti de Gauche – PG de Jean-Luc
Mélenchon) et les ex-gauchistes du Nouveau Parti Anticapitaliste , en
défenseurs du système capitaliste, refusent de faire le lien entre ces
conflits pour éviter le développement d'une vraie compréhension de la crise
et le développement d'une conscience socialiste révolutionnaire.
Selon les chiffres de la SNCF, quelque 5,000 cheminots ont participé à la
grève qui a été suivie avec détermination, principalement dans le Sud de la
France et en région parisienne. SUD et la CGT ont limité le mouvement aux
contrôleurs et conducteurs de train, secteurs stratégiques et militants, car
conscients de l'effet économique de leur action. Mais ils n'ont pas cherché
à mobiliser la masse des 154.000 salariés de la SNCF et ont opéré un système
de grèves régionales qui ont laissé les grévistes isolés.
Le syndicat SUD, présenté par lui-même et des partis petit-bourgeois tels
le NPA comme le syndicat hypermilitant, se révèle être en fait comme les
autres. SUD a accepté de participer à la table ronde proposée par la
direction et a appelé à la fin du mouvement avant que les négociations ne
commencent. De plus, SUD a tout fait dans ce mouvement pour se rapprocher de
la CGT.
Deux articles publiés le 19 avril par Libération -- sans doute
dans le but de démoraliser les cheminots grévistes -- montrent néanmoins la
complicité entre les bureaucrates des différents syndicats qui opèrent chez
les cheminots.
Le journal rapporte que « Onze syndicalistes de la SNCF sont actuellement
témoins assistés dans le cadre d’une procédure pénale ouverte à Lyon pour
faux et abus de confiance...Ces témoins sont de toutes obédiences (SUD, Unsa,
CFDT, CFTC, FO, Fgaac), avec la CGT en chef de file, gestionnaire du Comité
d’entreprise régional de Rhône-Alpes, le CER Lyon...Il existe, depuis 1996,
un accord passé entre les huit organisations représentatives, y compris
celles qui n’ont pas d’élus au CE, portant répartition des deux tiers du
budget de fonctionnement, soit 339 500 euros sur 504 742. »
L'autre article de Libération évoque une plainte contre la CGT
comme employeur où mille salariés, répartis entre des comités d'entreprise
(CE) locaux et un CCE (Comité central d’entreprise) de la SNCF, accusent le
syndicat de se comporter en patron voyou. La CGT est accusée de licenciement
abusif pour non respect à la liberté d'expression des salariés, ayant changé
de syndicats. Au total le CE de la SNCF a payé 134 000 euros au CCE, sous
forme de dommages et intérêts.
La bourgeoisie a les mains libres car les tentatives de grèves sont
désorganisées par les syndicats. Les syndicats empêchent le développement de
la conscience de la classe ouvrière en la divisant par nation, ou même par
région, comme cela fut le cas pour cette grève,- et par secteurs
d'activités.
Les syndicats ne sont plus des organisations ouvrières, leur but est de
défendre leurs intérêts qui sont communs avec ceux de l'Etat. Pour cela ils
utilisent la division des ouvriers entre nation et secteur d'activité comme
ce fut le cas dans ce conflit, pour démoraliser les ouvriers les plus
combatifs avec l'aide des partis de l'ex-gauche. C'est ce que doit
comprendre la classe ouvrière française qui ne peut défendre ses acquis que
sur la base d'une perspective politique internationaliste et socialiste.
Pour cela elle doit rompre avec les syndicats et leurs alliés politiques, et
construire des organisations de lutte entièrement indépendantes d'eux.