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EuropeLa répression des protestations des étudiants
italiens : le spectre d’un Etat policier
Par Marc Wells
28 décembre 2010
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Les protestations contre la « réforme » de l’éducation et le gouvernement du
premier ministre Silvio Berlusconi ont fait face mardi à Rome à la violence
brutale de la police et des unités paramilitaires italiennes.
Les protestations faisaient partie d’une vaste opposition à l’encontre de
la politique droitière du gouvernement Berlusconi qui, le même jour, avait
réussi à survivre à une courte majorité à un vote de défiance au parlement
italien. Ce résultat a surpris et frustré tous ceux qui étaient descendus
dans la rue pour célébrer la chute de l’impopulaire gouvernement.
Rome est devenu mardi le théâtre de tensions, de la colère et de
confrontations violentes. Un aspect frappant des événements était l’énorme
recours à la violence contre les jeunes (voir les vidéos ci-dessous). Ce
n’était pas la conséquence de quelques « brebis galeuses » au sein de la
police mais le résultat d’une politique qui caractérise ces deux dernières
décennies alors que l’Italie est entrée dans une crise socio-économique
d'une grande intensité.
En l’espace de quelques heures, une centaine de personnes ont été
blessées et 41 interpellées dont 23 ont fait l’objet de poursuites. Le
bureau du procureur a intenté contre ceux placés en garde à vue ce qui est
connu comme un « processo per direttissima », un procès express – une
procédure pénale extraordinaire employée en cas d’arrestation en flagrant
délit de crime ou de confession – consistant en une procédure accélérée.
Certains stages préliminaires (telle l’enquête préliminaire) sont ignorés au
motif que l'on dispose de preuves puissantes. Souvent un juge décide presque
immédiatement de la sentence ou de la peine à infliger.
Le recours à ce genre de procédure pénale expéditive appliquée à
l’encontre de manifestants est une attaque contre les droits démocratiques
et un pas vers l’illégalisation de l’opposition politique.
Tous ceux qui ont été interpellés à Rome, sauf un, ont été relâchés deux
jours plus tard sous diverses conditions probatoires. Mario Miliucci a été
assigné à résidence. Selon son avocat il avait été accusé d’avoir fait un
graffiti avec une bonbonne de peinture en aérosol sur la vitrine d’une
banque et d’être en possession de deux grosses pierres, une accusation qu’il
rejette.
Il est significatif que la réaction de l’establishment politique va vers
des méthodes de plus en plus répressives. Le maire de Rome, le néofasciste,
Gianni Alemanno, a exprimé son mépris explicite pour la façon « timide »
dont le tribunal traite les arrestations, en déclarant : «Je proteste au nom
de la ville de Rome contre cette décision, il y a un profond sentiment
d’injustice parce que ce qui est arrivé requiert un autre genre de
fermeté. »
Une autre figure de l’ultra-droite, Gianfranco Fini, le nouveau « rival »
politique de Berlusconi, a déclaré que les protestations de mardi étaient
« criminelles. »
Maurizio Sacconi, le ministre italien du Travail et des politiques
sociales et membre du parti de Berlusconi a même été plus direct : « Il y a
une menace ‘rouge’ [de gauche] allant de la menace à des formes plus
extrêmes que l’Italie a déjà connues. » La cible des poursuites politiques
sera la vaste majorité de la population qui est en train d’opérer un virage
vers la gauche en s’opposant à la politique du gouvernement.
La confirmation que les tactiques de la police font partie d’une
politique parfaitement bien orchestrée est venue du ministre de l’Intérieur,
Roberto Maroni, de la xénophobe Ligue du Nord (Lega Nord). Il a fait état de
son « appréciation du traitement équilibré et attentif montré [par les
autorités] à chaque stade de la manifestation. »
Le rôle de la soi-disant « gauche » italienne vaut la peine d’être
examiné.
Le Parti démocrate de centre-gauche (Partito Democratico, PD) est au fond
en accord avec l’appel en faveur de d’avantage de mesures répressives. Pier
Luigi Bersani, le secrétaire général du PD, s’est plaint qu’« il était
intolérable et incroyable que des casseurs, des éléments violents et le
Black Bloc (bloc noir) [éléments anarchistes] ai trouvé une place au sein de
la manifestation. » Il a ensuite exprimé sa « solidarité avec la police qui
a été attaquée et blessée. »
Une autre clarification de la position de la « gauche » traditionnelle a
été fournie par Nichi Vendola, président de la région des Pouilles et
dirigeant de Sinistra, Ecologia e Libertà (le parti Gauche, écologie et
liberté –SEL). Le jour où les forces de police attaquaient brutalement les
manifestants, il a déclaré « il n’y a pas de doute, le centre-droite
n’existe plus. Aujourd’hui, il en existe une miniature et une partie se
dirige vers le pôle du centre. »
C’est là un mensonge pour défendre ses intérêts et en anticipation des
nouvelles élections. Contrairement à cette position, l’ensemble de
l’establishment politique, y compris le propre groupe de Vendola et son
gouvernement aux Pouilles, est en train de virer à droite pour la défense
des relations capitalistes.
Si l’on examine de plus près la soi-disant « gauche radicale », la
faillite politique est tout aussi prononcée. Paolo Ferrero, secrétaire
général du Parti de la refondation communiste (Rifondazione Comunista), se
qualifie lui-même de dirigeant d’une nouvelle « gauche qui a pour objectif
le retrait de Berlusconi et du Berluconisme. » En d’autres termes, pour cet
ancien ministre du gouvernement bourgeois de Prodi, les problèmes de
l’Italie auraient été résolus si le parlement italien avait voté la motion
de censure.
La réaction sociale apparaît sous des formes diverses et variées. FIOM,
la fédération des syndicats nationaux des métallurgistes qui s’était
dernièrement posée en défenseur des travailleurs de FIAT (voir :
"Unprecedented attacks on Fiat workers"
http://www.wsws.org/articles/2010/nov2010/fiat-n10.shtml), a prononcé son
jugement sur l’épisode de Rome. Son secrétaire général, Maurizio Landini,
s’est plaint que « les épisodes violents sont de toute manière
inacceptables. » Pour lui, « il faut condamner » de tels conflits.
Le lendemain des affrontements à Rome, le Sénat italien a approuvé un
décret sur la sécurité attribuant aux maires des pouvoirs exécutifs sans
précédent tel que l’application d’interpellations et de procédures
judiciaires à l’encontre des étudiants. Cette loi a été adoptée à une
écrasante majorité.
Les étudiants et les travailleurs doivent tirer de sérieuses leçons de
ces expériences. L’évolution logique de la crise économique qui engloutit
l’Italie tout comme le reste du monde, entraînera une intensification du
conflit de classes. D’un côté, la bourgeoisie recourra à des mesures
extrêmes et répressives pour étouffer les menaces politiques à l’encontre de
ses intérêts de classe. De l’autre, la classe ouvrière résistera
inévitablement et s’opposera aux attaques.
Mais une rupture avec les agents et les représentants de la bourgeoisie,
qu’ils soient de droite ou de « gauche », devient une condition préalable
pour faire avancer la lutte. Les mobilisations de masse ne peuvent être
victorieuses que si elles se fondent sur une véritable perspective
socialiste prolétarienne reconnaissant le besoin d’unir les travailleurs et
les étudiants qui subissent des attaques dans chaque pays, pour renverser
non seulement Berlusconi mais l'ensemble de l'establishment politique
italien. L’établissement d’un gouvernement ouvrier doit être l’objectif de
telles mobilisations.
(Article original paru le 20 décembre 2010)
videos YouTube:
http://www.youtube.com/watch?v=pu42KFs8WZw
http://www.youtube.com/watch?v=21GZTFRLvyk
http://www.youtube.com/watch?v=A2hx5oDXnCY
Corriere della Sera videos:
http://video.corriere.it/scontri-roma/03b95d2e-08ff-11e0-a831-00144f02aabc