Alfie
Meadows, 20 ans, étudiant de Middlesex University a souffert d'une hémorragie
cérébrale après avoir été matraqué par la police durant la manifestation
londonienne du 9 décembre contre l'augmentation des frais d'inscription.
Meadows
a été frappé à la tête tandis qu'il essayait de quitter le quartier de
Westminster Abbey après y avoir été encerclé et enfermé (« kettled »)
par la police avec des milliers d'autres. Le « kettling » est la
tactique policière consistant à encercler et emprisonner des manifestants dans
des zones restreintes pendant des heures sans accès à de la nourriture, des
boissons, ou des toilettes. Cela revient à l'emprisonnement de force des
manifestants sans passer par le processus légal.
Meadows
participait à la manifestation avec des amis, dont deux professeurs Nina
Powers, une collègue de sa mère et Peter Hallward, professeur de philosophie à
Kingston University, rapporte la BBC.
Il a
appelé sa mère Susan, professeur de littérature anglaise à Roehampton
University qui avait été séparée de son fils durant la manifestation pour lui
dire qu'il était blessé. Quand ils ont réussi à se retrouver, Meadows a décrit
sa blessure comme « le coup le plus énorme qu'il ait jamais ressenti de
toute sa vie. »
«
La zone blessée n'était pas très grande, mais trois heures après avoir reçu ce
coup, il a eu une hémorragie cérébrale, » a dit à la BBC la mère de
Meadows. « En fait, la nuit dernière il a eu une attaque cérébrale. Il
était incapable de parler ou de remuer la main. »
Meadows
a dû subir une intervention chirurgicale de trois heures à l'hôpital Charing
Cross et est à présent en convalescence. « Il parle et va très
bien, » a expliqué sa mère. Elle a ajouté, « Alfie m'avait dit avant
que cela n'arrive, 'Quelqu'un va se faire tuer' … Le policier a proposé
d'appeler une ambulance, mais il était en état de choc et ignorait la gravité
de sa blessure. »
Les
médias britanniques ont publié, et c'était prévisible, un cri collectif
d'indignation à l'encontre des étudiants qui manifestaient. Les journaux ont
concentré leur colère sur un incident au cours duquel une petite dizaine de
manifestants a jeté de la peinture et brisé une vitre de la voiture qui
transportait le prince Charles et son épouse Camilla.
Le Daily Mirror a parlé de « voyous »
qui menaient une « bataille rangée avec la police. » Le Telegraph
a écrit que 30 000 étudiants avaient assiégé Parliament Square (la place devant
le parlement.) Il avait rassemblé une galerie de photos d'actes de vandalisme
et demandait aux lecteurs, « Connaissez-vous ces étudiants émeutiers?
Envoyez vos photos et vidéos. »
Le Herald a cité
sans émettre la moindre critique un porte-parole de Scotland Yard, « Ceci
n'a rien à voir avec une manifestation pacifique. » Le commissaire de la
police métropolitaine Sir Paul Stephenson a été cité rejetant les accusations
selon lesquelles la police avait exacerbé les problèmes en contenant les manifestants.
« Je pense que franchement c'est une totale aberration, » a-t-il
déclaré.
Le but
de reportages aussi biaisés est de dissimuler le fait, presque tragiquement
illustré par ce qui est arrivé à Alfie Meadows, que la source principale de
violence durant la manifestation du 9 décembre était la police.
Pas
moins de 2 800 policiers ont été mobilisés pour le « kettling » de
manifestants pacifiques pendant des heures d'affilée. Ils ont riposté avec
férocité à toute manifestation de désobéissance civile, aussi mineure
soit-elle, et par des attaques injustifiées contre toute personne qu'ils
pouvaient atteindre avec leur matraque et leur bouclier.
Le Guardian a été l'une des seules sources
médiatiques dominantes à remettre en question, même faiblement, la tactique
policière, faisant remarquer que les manifestants étaient encore soumis au
« kettling » à Westminster Bridge à 23H30, privés de nourriture,
d'eau, d'accès aux toilettes pendant des heures et dans un froid glacial. Le
journal ajoute, « L'atmosphère avait été tranquille pour une grande partie
de l'après-midi, et presque gaie, » jusqu'à ce que la nouvelle du vote en
faveur de l'augmentation brutale des frais d'inscription ne parvienne à 17h40.
Et malgré de telles observations, Le Guardian est rentré dans les rangs
en suggérant que la colère des étudiants avait provoqué le conflit.
Il y a
des dizaines de récits de témoins oculaires et des preuves filmées de policiers
frappant des manifestants pacifiques et chargeant avec des chevaux. La BBC cite
le commentaire d'un étudiant, Mike qui a expliqué comment il a été
« plaqué de force contre une voiture de police et frappé au visage de
façon répétée...On a été encerclé et forcé de reculer, poussé contre une autre
rangée de policiers qui nous bloquaient pour nous tenir à distance de la place.
Ils nous ont comprimés dans un espace minuscule, nous étions des centaines, et
ils nous comprimaient de plus en plus. C'était douloureux. »
Le but,
comme lors de provocations policières antérieures soutenues par les médias, est
de criminaliser la manifestation, pas seulement des étudiants mais de quiconque
cherche à s'opposer aux mesures d'austérité qui sont à présent imposées.
La
colère des manifestants face au vote du parlement était tout à fait justifiée.
Finalement 21 Libéraux-démocrates ont voté « non » au triplement des
frais d'inscription et cinq se sont abstenus (trois étaient à l'étranger.) Six
conservateurs ont voté « non » et deux se sont abstenus. Mais un
nombre suffisant de soi-disant dissidents a voté avec le gouvernement pour que
la mesure passe, brisant ainsi leur promesse pré-électorale de s'opposer à
l'augmentation.
Il ne
faut pas oublier qu'en octobre des Libéraux-démocrates et une poignée de Tories
rebelles apparemment en proie à une crise de conscience avaient signé, sans
sourciller, des coupes sociales de 83 milliards de livres. Cela comprenait des
coupes dans le budget de l'éducation qui menacent de fermeture 49 des 130
instituts d'enseignement supérieur et la suppression de 40 000 postes
d'enseignants. Cela comprend aussi la réduction de 80 pour cent du financement
de l'enseignement supérieur.
Collectivement
ces coupes se feront en augmentant les frais d'inscription à hauteur de ce qui
a été voté. Et pourtant aucun de ces « rebelles » à l'augmentation
des frais n'a proposé que ces coupes soient retirées, ce qui est une indication
claire que leur posture n'était qu'une tentative visant à sauver leur carrière
politique tout en continuant à soutenir des mesures d'austérité contre la
classe ouvrière.
Autre
exemple de cynisme politique, le dirigeant du Parti travailliste Ed Miliband,
interrogé sur ITN news pour savoir s'il reviendrait en arrière sur
l'augmentation des frais d'inscription quand il serait au gouvernement, a dit
qu'il « ne ferait pas la même erreur que les Libéraux-démocrates » en
s'engageant à réduire les frais.
Les
« rebelles » libéraux-démocrates, les politiciens travaillistes et
consorts ne s'affichent en opposants de l'augmentation vertigineuse des frais
d'inscription que parce que les étudiants ont, contrairement aux travailleurs,
réussi à se défaire de la camisole de force imposée par la bureaucratie
syndicale et à clairement exprimer leur colère face aux mesures d'austérité du
gouvernement. Mis à part les manifestations des étudiants qui se sont faites en
rébellion contre le syndicat étudiant National Union of Students (NUS) il n'y a
pas eu de manifestation nationale organisée contre le gouvernement. Le Congrès
des syndicats (Trades Union Congress, TUC) a refusé d'appeler à de telles
actions, tandis que la poignée de grèves qui a eu lieu, dans le métro londonien
et chez les pompiers, ont été trahies aussi rapidement qu'il est humainement
possible de le faire. Une manifestation du TUC est prévue pour le mois de mars,
mais pourrait être annulée à tout moment, soit par le TUC lui-même soit par la
police.
La
classe dirigeante a perçu comme une perte de contrôle des syndicats (ses
gendarmes de la classe ouvrière) sur les étudiants et elle a riposté par une
répression d'Etat d'une brutalité qui va croissant. L'unique réponse politique
que les travailleurs, les étudiants et les jeunes peuvent faire est le
développement d'un mouvement politique unifié, organisé indépendamment de
l'appareil syndical, pour renverser le gouvernement Tory-Libéral-démocrate, avec
l'objectif de mettre en place un gouvernement ouvrier engagé dans une politique
socialiste.