Le dernier rapport de vendredi dernier sur
le chômage aux Etats-Unis, qui indiquait un gain net de 162.000 emplois en
mars, a été accueilli par l'administration Obama et la majorité des médias
comme une confirmation de la thèse officielle selon laquelle le pire de la
récession était chose du passé et que la reprise du marché du travail était
bien amorcée.
Après avoir décrivant le rapport du
département du Travail du mois de mars pour être « la meilleure nouvelle
sur le front de l'emploi depuis deux ans », le président Obama a
continué : « Nous commençons à prendre le virage. » Le New
York Times introduit son rapport sur les données de l'emploi en ces termes,
« le ciel s'est dégagé. »
Cependant, en y regardant de plus près, on
arrive à des conclusions beaucoup moins enthousiastes. Le gain net du
nombre des emplois hors agriculture a été bien en deçà des 200.000 à
300.000 prévus par la plupart des économistes. De plus, 80.000 des nouveaux
emplois ne sont que des emplois temporaires — y compris 48.000 emplois pour
le recensement américain.
Le soi-disant taux de sous-emploi, qui
inclut ceux travaillant involontairement à temps partiel et ceux ayant
abandonné toute recherche d'emploi, a grimpé à 16,9 pour cent, la troisième augmentation
mensuelle consécutive. Les rangs de ceux cherchant un emploi à temps plein et
forcés de travailler à temps partiel a augmenté pour atteindre le niveau
étourdissant de 9,1 millions de personnes.
Plus sinistre peut-être, le nombre des
chômeurs de longue durée — ceux mis à pieds depuis au moins 27 semaines
— a augmenté de 414.000 pour atteindre 6,5 millions. Cette catégorie
compte pour plus de 49 pour cent des travailleurs sans emploi, un pourcentage
beaucoup plus élevé qu'au pire moment de la profonde récession de 1981-82. La
durée moyenne de chômage en mars a augmenté à 31 semaines, le niveau le plus
élevé enregistré au cours des six dernières décennies.
Le salaire horaire moyen poursuit son
déclin prolongé.
Au 27e mois d'une récession qui a balayé 8
millions d'emplois, l'économie américaine a produit un nombre insuffisant de
nouveaux emplois plein temps pour soutenir le rythme normal de la croissance
mensuelle du marché de l'emploi. Malgré une légère pointe dans la
production manufacturière et dans la construction — après des mois de
contraction — le rapport reflète une économie en récession sans
perspective de retour au niveau d'emploi d'avant crise pour des années à venir.
Dans la mesure où il y a eu une légère
augmentation de la production dans l'économie réelle, elle a été liée à une
offensive massive contre les emplois, les salaires et le niveau de vie de la
classe ouvrière. L'élite dirigeante, menée par l'administration Obama, utilise
la crise économique pour obtenir la réduction permanente des acquis de la
classe ouvrière.
Les nouvelles normes, salaires moins élevés
et conditions de travail détériorées, vont s’imposer. Elles ne sont pas
temporaires. C'est sur une telle base que les profits des compagnies ont
augmenté malgré un taux de chômage élevé et une diminution des dépenses de
consommation.
La détérioration de la position sociale de
la classe ouvrière se reflète de manière particulièrement aiguë dans les
données sur la productivité. Pour le quatrième trimestre de l'année 2009, alors
que le produit intérieur brut (PIB) des Etats-Unis a augmenté de 6,5 pour cent,
la productivité — la quantité de production extraite de chaque
travailleur — a augmenté au rythme annuel de 6,9 pour cent. Le coût
unitaire du travail a abruptement chuté de 5,9 pour cent. Le salaire horaire,
après inflation, a chuté de 2,8 pour cent par rapport au trimestre précédent.
Ces données indiquent une importante
augmentation de l'intensité de l'exploitation de la force de travail.
La divergence entre la mesure du PIB et le
revenu intérieur brut (RIB) est une autre indication du caractère de classe de
la soi-disant reprise. Au troisième trimestre de 2009, le RIB était
encore en contraction même si le PIB augmentait de 2,2 pour cent. L'écart
actuel entre le PIB et le RIB est le plus important jamais enregistré.
Cette divergence statistique reflète le
fait que la présente reprise est largement le résultat d'un rebond dans les
profits des compagnies et dans la richesse de l'élite financière, alors que le
niveau de vie de la vaste majorité des Américains continue de tomber. C'est une
reprise dans laquelle les divisions de classe et les inégalités sociales
s'approfondissent.
C’est ce que l’on constate
aussi si l’on considère la liste des trente dirigeants d'entreprises les
mieux payés aux États-Unis. Dix de ces trente dirigeants sont à la tête
d’entreprises ayant enregistré une diminution des recettes et des revenus
nets en 2009, enregistrant néanmoins une amélioration du rendement global
— une mesure liée au changement du prix des actions des compagnies.
Tous ces chefs d'entreprise, sauf trois, ont vu leurs compensations augmentées
durant l'année 2008.
Le « succès » de ces entreprises,
et de leurs directeurs généraux, est dû en très grande partie aux mesures
prisent pour réduire les coûts qui, même dans un contexte de baisse des
recettes et des revenus nets, ont poussé la valeur des actions des entreprises
à la hausse. Cela montre à quel point la « reprise » est basée sur
une réduction sans merci des effectifs, la réduction des salaires et
l'accélération de la cadence de travail.
Pour donner quelques exemples:
Le troisième directeur général le mieux
payé, Ray R. Irani d'Occidental Petrolum, a reçu 31,4 millions $, une
augmentation de 39 pour cent. Sa compagnie a subi des pertes de 37 pour cent en
revenu, une perte nette de 57 pour cent des intrants, mais une augmentation de
38 pour cent de ses revenus totaux.
Susan M. Ivey, numéro 27 de la liste, a
reçu une augmentation de 84 pour cent en salaire pour atteindre 16,2 millions.
Sa compagnie, Reynolds Americain, enregistra un déclin dans ses revenus et ses
intrants de 5 et 28 pour cent respectivement, alors que ses revenus nets totaux
ont gonflé de 40 pour cent.
Andrew N. Liveris de Dow CHemical, numéro
28 de la liste, a reçu 15,7 millions $, une augmentation salariale de 23
pour cent. Les revenus de sa compagnie ont chuté de 22 pour cent, ses intrants nets
de 61 pour cent, mais son revenu total a explosé de 87 pour cent.
Parallèlement à la réduction des coûts et à
l'intensification de l'exploitation du travail, la reprise a été soutenue par
le sauvetage financier des banques en difficultés par le gouvernement et une
source quasi illimitée de crédit bon marché alimentée par les banques centrales
aux États-Unis et dans le monde. Ces conditions ont eu pour effet de gonfler la
valeur des actions hors de proportion en rapport avec l'état réel de l'économie
et d'alimenter une fièvre spéculative encore plus excessive que celle ayant mené
au crash financier de 2008. Au cours des dernières semaines, par exemple,
la croissance du marché des actions de pacotille a explosé.
Loin de résoudre les contradictions
sous-jacentes du capitalisme mondial, ce pillage des ressources publiques n'a
fait que les accentuer. Les déséquilibres structuraux monstres dans l'économie
globale ont continuer à croître de manière plus prononcée —
particulièrement entre les pays déficitaires, les États-Unis étant le plus
important de ceux-ci, et les pays exportateurs ayant des surplus, la Chine et
l'Allemagne en tête.
Face à un niveau record d'endettement et de
déficit budgétaire, les États-Unis tentent d'augmenter ses exportations aux
dépens de ses rivaux, mais ainsi font tous les autres pays déficitaires, alors
que les nations à surplus, comme la Chine et l'Allemagne, défendent férocement
leurs marchés d'exportation. Au même moment, la mise à sac du trésor public
pour sauver l'élite financière a fait augmenter la pression pour l'adoption de
mesures d'austérité draconiennes afin de réduire les dépenses gouvernementales.
Ce qui, en retour, ne peut qu'accentuer la baisse de consommation, qui elle à
son tour ne peut qu'aggraver la férocité de la compétition entre les pays
exportateurs pour les marchés et augmenter les probabilités d'une guerre
commerciale et financière ouverte.
L'administration Obama, qui a promis de
doubler les exportations américaines en cinq ans, semble vouloir se baser sur
une stratégie économique visant à réduire les coûts de la main-d'œuvre à
tel point que l'industrie manufacturière américaine puisse être ranimée au
moins partiellement en tant que centre de main d'oeuvre à bon marché pour ses
exportations internationales.
Dans les conditions de chômage massif à
long terme, de salaire en déclin, de pauvreté en croissance, d'un nombre de
faillites personnelles record et des saisies immobilières montantes en flèche,
l'économie entière ressemble de plus en plus à un château de cartes. La reprise
du marché résidentiel, qui est la clé d'une véritable reprise, apparaît
hautement problématique alors qu'il est anticipé que les saisies de maisons
vont passer de 1,7 million en 2009 à 2,2 millions cette année.
Pour la classe ouvrière, il n'y a pas de
vraie reprise dans le cadre du système capitaliste. Pour éviter des conditions
encore plus brutales d'exploitation et de pauvreté, elle doit organiser sa
résistance sur la base d'une perspective socialiste, révolutionnaire et
internationaliste.