Des
accusations portées par des responsables de l'administration Obama
et des médias que le fondateur de WikiLeaks, Julian Assange, et ses
sources ont « du sang sur les mains » pour avoir révélé
des informations sur les opérations militaires et les informateurs
des Etats-Unis en Afghanistan sont de méprisables calomnies. La
responsabilité du sang versé en Afghanistan repose sur le
gouvernement américain, qui a déclenché la guerre.
Ces
accusations sont d'autant plus dégoûtantes que l'administration
Obama prépare ouvertement une augmentation de l'effusion de sang par
l'armée des Etats-Unis en Afghanistan. Un article paru hier en
première page du New York Times était intitulé « Les
Etats-Unis se concentrent maintenant sur les assassinats politiques
en Afghanistan ». Il faisait les éloges de la Task Force 373,
l'escadron de la mort secret dévoilé dans les documents publiés
par WikiLeaks, en notant que les « raids du commando »
ont tué « plus de 130 insurgés d'importance » durant
les cinq dernières semaines.
Les
plus récents plans de Washington consistent à tuer en masse pour
terroriser la population afghane et forcer sa capitulation. A
l'audience de la Commission des affaires étrangères du Sénat de
mardi dernier, le sénateur Richard Lugar a expliqué : « Pour
que les négociations fonctionnent, nous devons faire preuve de
force. Aussi violent que cela puisse sembler, il est essentiel que
nous tuions beaucoup de talibans. »
La
mentalité fascisante qui sous-tend de tels plans n'est pas
différente de celle d'Hitler et de ses hommes de main lorsqu'ils
préparaient des guerres et la répression des forces de la
résistance en Europe.
Dans
le milieu politique dégénéré d'aujourd'hui, les médias - qui
ont systématiquement et délibérément masqué les crimes révélés
par WikiLeaks - se prêtent à la campagne contre Assange. Lors
d'une conférence de presse jeudi dernier, l'amiral Mike Mullen, chef
d'état-major interarmées, a déclaré qu'Assange et ses sources
« pourraient bien avoir le sang d'un jeune soldat ou d'une
famille afghane sur les mains ».
Dimanche,
sur le plateau de l'émission « This Week » à ABC,
Christiane Amanpour a demandé à son invité, le secrétaire à la
Défense Robert Gates, de commenter l'assertion que « le
responsable de ces fuites avait essentiellement du sang sur les
mains ». Gates a répondu qu'au point de vue de la
« culpabilité morale » d'avoir révélé les
informateurs afghans qui avaient collaboré avec l'armée des
Etats-Unis, « WikiLeaks est coupable ».
Le
World Socialist Web Site n'est pas touché par cet appel à la
solidarité avec les informateurs et les mouchards de Washington.
Nous rejetons avec mépris les tentatives visant à excuser la
barbarie du gouvernement américain en Afghanistan en citant la
violence de la résistance de la population afghane à l'occupation
néocoloniale. Il n'y a pas d'équivalence politique ou morale
entre les deux.
Comme le
grand marxiste Léon Trotsky l'écrivait dans Leur morale et la
nôtre : « Que de méprisables eunuques ne
viennent pas soutenir que l'esclavagiste qui, par la ruse et la
violence, enchaîne un esclave est devant la morale l'égal de
l'esclave qui, par la ruse et la violence, brise ses chaînes ! »
Qui est M.
Gates pour donner des leçons à quiconque sur la « culpabilité
morale » ? L'homme qui supervise le massacre de masse de
la population afghane par l'armée américaine aujourd'hui est un
bureaucrate endurci de la terreur d'État. Le livre qu'il a
publié en 1996 en sa qualité d'initié de la politique
américaine, intitulé à juste titre From
the Shadows
[Dans les ombres], fait état de son rôle dans les plus grands
crimes de l'impérialisme américain dans les années 1970 et 1980.
Analyste de
la CIA et collaborateur du conseiller à la
sécurité nationale Zbigniew Brzezinski durant les années 1970,
Gates était un haut fonctionnaire de la CIA dans les années 1980.
Il a noté comment la CIA a soutenu la milice UNITA en Angola,
responsable pour la mort de dizaines de milliers d'Angolais. Gates
a aussi expliqué comment la CIA a miné les ports du Nicaragua pour
aider les contras (les rebelles de droite) et a autorisé la
rédaction d'un « manuel de meurtre », qui donnait des
instructions sur la façon de réaliser les assassinats politiques.
Gates
est impliqué depuis le tout début dans la politique criminelle de
Washington en Afghanistan. Bien avant l'invasion de ce pays par
l'Union soviétique, les Etats-Unis offraient déjà un soutien
financier secret aux forces islamistes qui s'opposaient au
gouvernement afghan soutenu par les Soviétiques. L'objectif des
Etats-Unis, comme l'expliquait un officier de l'armée en mars
1979 dans une réunion que Gates décrit, était « d'entraîner
les Soviétiques dans un bourbier comme ce que fut le Viet Nam ».
A
cette époque, écrit Gates, les Etats-Unis
ont signé des accords secrets avec l'Arabie saoudite et le
Pakistan qui visaient à assembler « un
pipeline logistique extraordinaire de fournisseurs du monde entier.
La table était mise pour la vaste expansion à venir d'aide
extérieure, entièrement sous la direction de la CIA. » Comme
il est bien connu, la chaîne d'approvisionnement, « entièrement
sous la direction de la CIA » comptait dans ses rangs Oussama
bin Laden et ses associés politiques. C'est là l'origine du
mouvement al-Qaïda, l'organisation qui a réalisé les attaques
terroristes du 11-Septembre.
Quand
le Kremlin a envahi l'Afghanistan, la CIA
a financé et soutenu des milices sous la direction de seigneurs de
guerre islamistes d'extrême-droite. Gates sait que cela ne pouvait
que finir en désastre pour le peuple afghan. Il écrit : « Personne
ne doit avoir d'illusions sur ceux qui s'alliaient politiquement,
que ce soit avant ou après la défaite de l'URSS. En tout
cas, personne à la CIA n'avait de telles
illusions. »
L'Afghanistan
est ravagé par la guerre civile depuis. Même si cela n'est pas
rapporté dans les médias américains, qui n'ont aucune
considération pour une vie afghane, des millions d'Afghans sont
morts en conséquence de cette guerre civile.
La
campagne médiatique contre WikiLeaks montre l'état de dépravation
régnant dans le milieu politique américain. Les médias et l'État
ne peuvent pardonner à Assange et ses sources d'avoir eu le
courage d'exposer aux yeux de tous les crimes de tout
l'establishment politique. La somme des documents que ce site a
rendu public donne à la Cour pénale internationale les matériaux
dont elle a besoin pour poursuivre les administrations Bush et Obama
pour crimes de guerre et les principales personnalités des médias
américains pour complicité.
Toutes
les accusations contre Assange et ses sources en rapport avec la
publication de ces documents doivent être levées et des accusations
portées contre les criminels de guerre à Washington.