Les mesures d’austérité devraient se poursuivre en
Roumanie avec la suppression de 74.000 d’emplois en plus dans le service
public d’ici la fin de l’année. C’est le message qu’a
délivré une équipe du Fonds monétaire international (FMI) et de la Commission
européenne (CE) qui avait été envoyée dans le pays pour y mener une évaluation.
Mercredi dernier, la conclusion tirée par la mission FMI-CE qui avait duré neuf
jours a été qu’il sera permis au gouvernement roumain de toucher la sixième
tranche d’aide du prêt conjoint du FMI-Union Européenne (UE).
Dans son intervention lors de la conférence de presse de
mercredi, Jeffrey Franks, le chef de l’équipe du FMI, a loué le
gouvernement roumain du premier ministre Emil Boc (Parti démocrate-libéral, PD-L)
pour ses efforts de licencier 30.000 salariés du service public et a ajouté
qu’il attendait à présent que le prochain objectif de la restructuration
soit le système éducatif. Franks a aussi salué la réponse rapide du
gouvernement face au rejet par la Cour suprême des réductions prévues des
retraites, réponse qui a consisté à rehausser la TVA de 5 à 24 pour cent.
Le représentant du FMI à évité d’aborder le nombre
des licenciements vraiment prévus en parlant d’une « restructuration
continue d’ici la fin de l’année, » et en faisant allusion au
fait que le « gouvernement anticipait des milliers de suppressions
d’effectifs dépassant largement les 70.000 emplois. » Soixante dix
mille est le chiffre discuté dans l’accord initial dans le but de créer
un « secteur public plus flexible » et de « créer de
l’espace » pour une « augmentation progressive des
salaires. »
S’exprimant à la radio publique, le premier ministre
Boc a envisagé une augmentation de salaire de 10 pour cent – après
qu’une baisse de 25 pour cent a déjà été appliquée combinée à une
suppression d’un mois supplémentaire du salaire des travailleurs du
secteur public. La lettre supplémentaire adressée au gouvernement, et rédigée
par le gouvernement et la délégation du FMI, dit que 74.000 emplois de plus
seront détruits, et qui s’ajoutent aux 30.000 déjà supprimés par le
gouvernement. De plus, elle dit que seul le licenciement de 15.000 travailleurs
de plus « laisserait une marge » pour toute « augmentation
modeste des salaires dans le secteur public. » Le représentant du FMI a
toutefois, clairement fait savoir qu’il « se prononçait
contre » toute augmentation de salaire.
Le fait de viser le secteur de l’enseignement
signifie une nouvelle attaque à l’encontre des enseignants qui sont en
conflit avec le gouvernement depuis qu’il est arrivé au pouvoir au début
de 2009. Boc, alors le dirigeant du gouvernement de coalition entre le Parti
démocrate social (PDS) et Parti démocrate-libéral (PD-L), avait refusé
d’accorder une augmentation de salaire aux enseignants en dépit du fait
que l’augmentation avait été votée au parlement et confirmée par un
jugement de la cour.
Les enseignants se sont également opposés à la nouvelle
loi sur les salaires, qui a réduit les salaires et supprimé plusieurs primes,
et à la réforme de l’éducation du gouvernement. L’intensification
des tensions entre les enseignants et le gouvernement a alors été atténuée par
les dirigeants syndicaux qui ont conclu un accord avec leur ancienne
connaissance, la ministre sociale-démocrate de l’Education, Ecaterina
Andronescu.
Les protestations ont repris en 2010, lorsque les
démocrates-libéraux, après avoir évincé les sociaux-démocrates du gouvernement
et obtenu une nouvelle majorité au parlement, ont tenté de faire voter les
baisses de salaires imposées par le FMI ainsi qu’une nouvelle loi sur
l’éducation. La nouvelle loi ouvre le secteur de l’enseignement à
la déréglementation et à la concurrence en montant les écoles publiques les
unes contre les autres pour obtenir des fonds et en permettant au secteur privé
de faire concurrence aux écoles publiques pour bénéficier d’un
financement du gouvernement.
Le conflit entre les enseignants et le nouveau ministre de
l’Education, Daniel Funeriu, a atteint son point culminant en mai lorsque
les enseignants ont refusé de participer aux examens du baccalauréat. Le
gouvernement, confronté à une vague de grèves et de protestations contre le
programme d’austérité soutenu par le FMI, a décidé d’adopter une
attitude de défiance et de faire que les examens se tiennent malgré le boycott
des enseignants. Le changement méthodologique de l’examen rendu
nécessaire par la nouvelle loi, ainsi que le chaos résultant des opérations du
gouvernement pour briser la grève, ont eu pour conséquence qu’un
pourcentage stupéfiant de 40 pour cent des lycéens ont échoué à l’examen,
un chiffre que les responsables gouvernementaux ont eu tôt fait d'utiliser
comme preuve que les enseignants étaient incompétents et que le système
nécessitait une « réforme. »
L’idée d’un secteur public « flexible »
et petit n’offrant qu’un minimum de services sociaux est un
objectif récurrent de la nouvelle classe dirigeante roumaine depuis la chute de
la dictature stalinienne il y a vingt ans. Après avoir rapidement démantelé les
usines et les plateformes industrielles du pays, les gouvernements successifs
ont poussé les secteurs de santé et de l’enseignement au bord de
l’effondrement. Comme condition préalable à l’adhésion de la
Roumanie à l’Union européenne en 2007, ces secteurs avaient dû subir une
série de « réformes » visant à les décentraliser et à les ouvrir aux
investisseurs privés en laissant les écoles et les hôpitaux à court de
ressources financières et de matériel médical de base.
Mais, les responsables gouvernementaux ont été à maintes
reprises confrontés à la résistance des travailleurs. Durant ces deux dernières
décennies, les enseignants ont organisé une opposition déterminée contre les
attaques en organisant des grèves des semaines durant en 2000 et en 2005 et en
réussissant à obtenir quelques concessions sur les salaires et les conditions
de travail.
L’accord signé avec le FMI en 2009 pour rassurer les
créanciers étrangers face à la crise économique et les mesures
d’austérité brutales qui ont suivi, signifie que les conditions pour de
telles concessions n’existent plus. Comme dans d'autres pays de par
l’Europe, les travailleurs sont à présent confrontés à des attaques en
règle contre leurs moyens d’existence. Le plan d’austérité s'est
accompagné d'une frénésie médiatique dépeignant les enseignants, le personnel
de santé et le personnel administratif d’incompétents et menant un train
de vie insoutenable sur le dos du secteur privé.
La détermination du gouvernement à venir à bout de
l’opposition populaire a été grandement aidée par les dirigeants
syndicaux qui ont étouffé et limité les grèves en faisant que le conflit
s’éternise des mois durant par des journées d’action de 24 heures
et des demi mesures.
Néanmoins, la configuration politique actuelle montre des
signes de tension avec la cote de popularité du parti démocrate libéral au
pouvoir chutant à 12 pour cent dans les sondages d’opinion, à peine deux
ans après son élection. Le gouvernement est de plus en plus considéré, par l’establishment
bourgeois, être inapte à s’attaquer à la résistance de la classe ouvrière
au plan d’austérité et ses membres, affichant une richesse personnelle
considérable, ont été critiqués en raison de leur corruption et de leur échec à
faire passer de façon convaincante leur politique.
Le désarroi de l’élite politique et son mépris pour
les grandes masses de la population ont été démontrés par le président Traian
Basecu, défenseur des mesures de rigueur draconiennes, et qui s’était
moqué cruellement des victimes des inondations qui ont frappé le pays. A une
question concernant la richesse des membres du cabinet, il a répondu que :
« Même si l’eau nous arrive jusque dans la bouche, nous voudrons
encore faire de la politique. »
Les sociaux-démocrates, avec les liens qu'ils
entretiennent avec la bureaucratie syndicale, sont pour le moment considérés
être un véhicule politique plus fiable pour avoir déjà montré leur engagement
au programme d’austérité. Leur principale critique à l’égard du
gouvernement est son inefficacité à appliquer les réformes économiques. Une
sorte de remaniement du gouvernement est attendu en septembre mais il
n’est pas sûr que les démocrates libéraux seront en mesure de maintenir
leur faible majorité au parlement.
Indépendamment de sa composition politique, le prochain
gouvernement devra faire face à une opposition populaire grandissante. Les
travailleurs ont reçu leurs premiers salaires réduits du mois de juillet et
sont confrontés à une nouvelle baisse de revenu réel avec l’inflation qui
devrait s’élever à 7,8 pour cent en 2010 en raison de la hausse de la
TVA. Le FMI a fixé l’objectif de déficit public à 4,4 pour cent du PIB en
2011, ce qui signifie qu’une nouvelle série d’attaques sera
inévitable l’année prochaine.