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WSWS : Nouvelles et analyses : Europe

La manifestation parisienne pour les emplois dominée par une politique nationaliste et de collaboration de classes

Par Antoine Lerougetel
26 octobre 2009

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Quelque 20.000 travailleurs de l'industrie ont convergé de toute la France mardi dernier pour la manifestation parisienne, à l'appel de la CGT (Confédération générale du travail) contre la vague de fermetures d'usines et de licenciements qui engloutissent leur secteur.

Cette « Manifestation nationale pour la défense de l'emploi et le développement industriel » était dominée par la politique réactionnaire nationaliste et de collaboration de classes de la CGT, le syndicat français le plus important et proche du Parti communiste stalinien (PC.)

De nombreuses délégations de travailleurs venaient d'usines du secteur privé, appartenant à des entreprises transnationales pratiquant des opérations de restructuration à travers le monde : Continental, Arcelor-Mittal, Michelin, Total, Alcatel-Lucent, verreries de Cognac, Arsenal Cherbourg. Du secteur public il y avait des cheminots menacés de perdre 6000 emplois dans la restructuration de la compagnie de chemin de fer la SNCF, des hospitaliers, tous confrontés à une politique de privatisations à l'échelle européenne.

L'équipe de reporters du WSWS sur place n'a vu aucune banderole, pancarte ou slogan faisant un lien entre la classe ouvrière française et la classe ouvrière internationale, prises dans le même désastre social engendré par la crise mondiale du capitalisme.

Il y avait, bien en évidence, des slogans exprimant l'amertume des travailleurs à devoir payer pour la crise : « Sarkozy, suicide-toi » (une référence à la vague de suicides liés au travail à France Télécom, Renault et ailleurs), « Arcellor fait des profits mais les sidérurgistes n'en profitent pas. »

Mais les slogans nationalistes dominaient : « Délocaliser : c'est tuer l'emploi et l'avenir des jeunes », « Travail réparti partout dans le pays » (Continental), opposition aux « délocalisations ou les nouvelles implantations vers les pays low cost » (CGT), « Pour une politique industrielle au service de l'emploi et du développement de nos régions. » Cet appel au régionalisme était aussi repris lors de la manifestation par des slogans comme « Ensemble pour le développement industriel de Nord-Pas-de-Calais. » (une région du nord de la France.)

L'expression la plus claire et la plus éhontée de la politique fondamentalement nationaliste et de collaboration de classes des organisateurs de la manifestation provenait du tract du groupe d'activistes staliniens purs et durs de la CGT, le Front syndical de classe qui prétend lutter pour « une CGT de classe et de masse ». Justifiant son opposition aux délocalisations vers les pays low cost en faisant remarquer que cela implique que les travailleurs sont « surexploités », il affirme « Donc défendre la production nationale, ce n'est pas du nationalisme : c'est une position de classe contre l'exploitation capitaliste. »

Evidemment, le tract ne propose aucune action de solidarité avec ces travailleurs « surexploités » dont le groupe souhaite sacrifier les emplois. Son slogan le plus en vue est un recyclage de la position du PC dans les années 1980 : « Pour la défense de l'emploi et le “produire en France" ».

Bien qu'elle ne lance pas vraiment d'appels aussi ouvertement chauvins, la soi-disant « gauche radicale » à savoir Lutte ouvrière (LO) et le Nouveau parti anticapitaliste (NPA) les couvrent quand ils déclarent que l'initiative de la CGT est «un premier pas »vers « un rapport de force au moins national » (NPA, 22 octobre) ou « La journée à laquelle appelle la CGT le 22 octobre n’est pas une réaction à la mesure des menaces. Mais cela peut constituer un pas dans ce sens. »(LO, Arlette Laguiller éditorial du 22 octobre.)

Cette soi-disant « gauche radicale »ne propose aucune perspective socialiste ou internationaliste pour une lutte commune contre la crise, des travailleurs français et de leurs collègues européens et du reste du monde qui sont confrontés eux aussi au chômage de masse et à la destruction du niveau de vie. Avec un taux de chômage en Europe autour de 10 pour cent et qui va croissant, le rapport annuel de l'OCDE (Organisation de coopération et de développement économiques) publié le 16 septembre déclare: « Le pire de la récession s'agissant de l'emploi est encore devant nous, notamment en Allemagne, France et Italie. »

Aucun tract ni déclaration politique ne citait ces faits ni n'expliquait que la croissance extrêmement inégale et fragile de certains pays européens, notamment dans l'industrie automobile, résulte de l'injection massive d'argent du contribuable dans « la prime à la casse » et ne va pas endiguer la vague de chômage. Ces mesures vont être stoppées dans bien des pays. En France, c'est en décembre qu'elle sera réduite avant de disparaître. Une énorme augmentation de la dette menace la stabilité de l'euro et une pression accrue se développe pour diminuer la dette au moyen d'attaques massives contre les salaires et les droits sociaux. Les seules différences d'opinion entre la classe dirigeante française et européenne portent sur le moment et le rythme à adopter pour mettre en place ces attaques. La Hollande vient juste d'annoncer qu'elle diminue de 20 pour cent les dépenses sociales.

Les reporters du WSWS n'ont vu aucun tract ou slogan qui soit critique du dirigeant de la CGT Bernard Thibault, qui collabore étroitement et quotidiennement avec Sarkozy depuis l'élection de ce dernier en mai 2007 et travaille avec le président pour imposer son actuelle politique d'austérité. Il n'y avait pas la moindre condamnation de son initiative conjointe avec Sarkozy consistant à développer des discussions tripartites entre le patronat, les représentants du gouvernement et les syndicats afin d'élaborer une politique industrielle permettant à l'impérialisme français d'être compétitif dans l'arène mondiale et dont la journée du 22 octobre fait partie intégrante.( Lire aussi France : Avec la politique industrielle de la CGT, les travailleurs vont payer pour la crise)

Bernard Thibault, qui avait essuyé de sérieuses critiques pour avoir refusé de se rendre auprès de travailleurs d'usines en lutte contre les licenciements et les fermetures et qui a provoqué une colère toute particulière quand il a refusé de soutenir les six travailleurs de Continental poursuivis en justice pour des actions de défense de leurs emplois, s'est hasardé à s'adresser aux manifestants à Denfert Rochereau quelques minutes avant le départ du cortège.

« La situation est gravissime, et ce rassemblement est conçu pour donner un signal d'alerte », a-t-il pontifié, ajoutant, « 20.000 emplois sont supprimés par mois actuellement dans le secteur industriel, et 300.000 emplois sont menacés à terme. » 

Il s'est fait conspuer et siffler par des groupes de manifestants qui criaient « Démission ! »

Francis Thomann, travailleur chez Nexus, le spécialiste de la production et du traitement du cuivre, a dit à la presse que son entreprise venait d'annoncer la suppression de 240 emplois à Chauny, dans le département de l'Aisne en Picardie : « Sur les sites, les dirigeants syndicaux, on ne les voit que lorsque les gros médias parlent de nous. Ils sont juste là pour la photo, et le reste du temps sont fourrés à l'Elysée [palais présidentiel] ou à Bercy.[ministère des Finances.] »


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