Washington est confronté à une débâcle de plus en plus grave en
Afghanistan
Cela fait huit aujourd'hui que la guerre des États-Unis contre
l'Afghanistan a été lancée. Le bombardement aérien de Kaboul, Kandahar et
Jalalabad avait été suivi du déploiement de troupes d'élite de la CIA et de
l'armée qui avaient servi à marquer les cibles de l'aviation militaire
américaine pour éliminer les combattants talibans. Les milices de l'Alliance
du Nord – un rassemblement de seigneurs de guerre ayant des liens avec le
trafic de l'opium et responsable de crimes de guerre au cours des dix années
précédentes – avaient servi d'auxiliaires pour Washington.
En l'espace de deux mois, toutes les provinces afghanes étaient tombés
aux mains de la force d'intervention américaine, un grand nombre des
résistants talibans étaient faits prisonniers et massacrés et d'autres
étaient repoussés dans les montagnes de Tora Bora ou derrière la frontière
pakistanaise. Durant ces deux mois, un total de 12 soldats américains
avaient été tués.
Huit ans plus tard, la Maison blanche d'Obama et le Pentagone sont
engagés dans un débat animé sur la question de savoir s'il faut envoyer 40
000 soldats supplémentaires – en plus des 68 000 Américains et 38 000
venants d'autres pays de l'OTAN qui y sont déjà déployés – dans une
tentative de sauver une intervention qui n'a réussi qu'à intensifier la
résistance à l'occupation sous commandement américain et à la propager dans
tout le pays.
Le nombre de soldats américains et de l'OTAN tués en Afghanistan cette
année se monte à 400 pour l'instant – près de six fois plus que le nombre de
morts dans la première année de l'intervention. La guerre dure depuis deux
fois plus longtemps que la durée de l'engagement des troupes américaines
dans la deuxième guerre mondiale.
Le gouvernement de Bush avait lancé cette guerre au nom de l'écrasement
d'Al Quaida et de la capture, ou du meurtre, d'Oussama Ben Laden. Cela avait
été justifié comme une vengeance pour les attaques du 11 septembre 2001,
événement tragique dont les véritables origines n'ont toujours pas été
l'objet d'une enquête sérieuse.
Le gouvernement Obama se sert du même prétexte fondamental, décrivant
l'Afghanistan comme une « guerre par nécessité » - par contraste avec la «
guerre par choix » en Irak, toujours occupé également – Comme son
prédécesseur, Obama insiste sur le fait que cette guerre vise à empêcher une
nouvelle attaque terroriste, il maintient ce prétexte alors même que son
conseiller à la sécurité nationale, le général en retraite James Jones, a
admis cette semaine qu'il n'y a pas plus de 100 membres d'Al Quaida dans
tout l'Afghanistan, et qu'ils n'ont aucun moyen d'attaquer les États-Unis.
Le World Socialist Web Site a, dès le départ, rejeté cette
justification comme étant un mensonge. Dans une déclaration de l'équipe de
rédaction affichée le 9 octobre 2001, deux jours après le lancement de la
guerre, le WSWS expliquait :
« Si les événements du 11 septembre ont servi de catalyseur à l'assaut
contre l'Afghanistan, sa véritable cause est plus profonde. La nature,
progressiste ou réactionnaire, de cette guerre ou de toute autre, n'est pas
déterminée par les événements qui l'ont immédiatement précédée, mais par la
structure de classe, la base économique et le rôle international de chacun
des Etats impliqués. De ce point de vue décisif, l'action menée par les
États-Unis est une guerre impérialiste.
« Le gouvernement américain a lancé la guerre pour faire valoir les
vastes intérêts internationaux de l'élite dirigeante américaine. Qu'est
l'objectif central de la guerre ? L'effondrement de l'Union soviétique il y
a dix ans a créé un vide politique en Asie centrale, région qui constitue le
deuxième plus important bassin recensé de pétrole et de gaz naturel au
monde. »
Cette déclaration poursuivait, « En attaquant l'Afghanistan, en y
établissant un régime client et en y introduisant des forces armées en grand
nombre, les Etats-unis ont pour but d'établir un nouveau cadre politique
dans lequel ils exerceront leur contrôle hégémonique. »
Il n'y a rien à changer à cette analyse. Depuis octobre 2001, des preuves
suffisantes sont venues confirmer que la décision d'envahir l'Afghanistan –
comme celle de conquérir l'Irak – avait été prise bien avant les attaques du
11 septembre. Ces attaques n'ont servi que de prétexte à deux agressions
militaires, elles n'en sont pas les causes.
La débâcle à laquelle l'impérialisme américain est confronté en
Afghanistan est de son propre fait. Al Quaida et les Talibans sont tous deux
les produits de précédentes interventions des États-Unis en Afghanistan. À
partir de 1979, Washington accorda des milliards de dollars en armes et
aides diverses aux guérillas islamistes qui cherchaient à abattre le
gouvernement du pays soutenu par l'URSS. Ils poussèrent délibérément les
Soviétiques à envahir le pays entraînant une guerre qui fit plus d'un
million de victimes, plus de cinq millions de réfugiés et brisa toute la
société afghane.
À cette époque, Ben Laden faisait partie du réseau CIA-Arabie Saoudite -
Pakistan. L'essentiel de l'aide américaine allait aux forces du chef
Moudjahidin Gulbuddin Hekmatyar, qui est maintenant accusé des attaques du
week-end dernier qui ont tué huit soldats dans la province reculée du
Nuristan.
L'occupation américaine commencée il y a huit ans s'est révélée être une
catastrophe majeure de plus pour le peuple Afghan. Des milliers de gens ont
été tués dans les bombardements aériens et les raids de répression dans tout
le pays, et le taux de pertes civiles est en constante augmentation.
Des conditions de vie déjà inacceptables n'ont fait qu'empirer. Les
Nations unies ont récemment rangé l'Afghanistan à la 181e place
mondiale, sur 182, pour les indices de développement humain. Seul le Niger
est en dessous.
L'espérance de vie est tombée à 43 ans depuis l'invasion américaine. Au
moins 40 pour cent de la population est au chômage et 42 pour cent vit avec
moins d'un dollar par jour. Un enfant sur cinq meurt avant son cinquième
anniversaire, et une naissance sur 50 se termine par la mort de la mère,
l'un des taux les plus élevés au monde. Les deux tiers de la population
adulte du pays ne savent pas lire et écrire.
Les conditions de vie s'aggravent continuellement même avec les 36
milliards de dollars d'aide étrangère qui ont afflué dans le pays à partir
d'octobre 2001, l'essentiel de ces sommes se retrouvant dans les poches de
la cleptocratie dirigée par lepantin des États-Unis, le président
Hamid Karzai.
Haïs par la majeure partie de la population et ayant ouvertement triché
lors de l'élection présidentielle du 20 août, Karzai ne reste au pouvoir que
par la grâce de Washington, qui est arrivé à la conclusion qu'ils n'ont
personne pour le remplacer.
Ce contexte de violence, de dégradation sociale et de corruption est à
l'origine du large soutien populaire envers ceux qui s'opposent à
l'occupation. Le débat qui se déroule à Washington porte sur le meilleur
moyen de supprimer cette résistance.
D'après les articles de presse, les deux principales options envisagées
sont : soit le déploiement de 40 000 soldats supplémentaires pour une
reprise de la campagne contre les insurgés, ce que demandent le général
Stanley McChrystal et le pentagone, soit l'usage de drones d'attaque, de
bombardements aériens et d'opérations ponctuelles des forces spéciales au
Pakistan, ce que proposent le vice-président Joseph Biden et d'autres
membres du gouvernement. Les deux solutions impliquent une guerre plus
sanglante et plus étendue.
Bien qu'il y ait incontestablement des divisions sur la manière dont la
guerre devrait être conduite, tout le monde part du principe qu'il faut
accomplir les objectifs initiaux de cette guerre : établir le contrôle des
ressources énergétiques de l'Asie centrale pour que l'impérialisme américain
prenne un avantage décisif sur ses rivaux économiques en Asie et en Europe.
L'avènement de la crise financière mondiale n'a fait qu'intensifier les
contradictions qui motivent le militarisme américain, en particulier le
conflit entre une économie au fonctionnement mondial et une organisation du
monde en Etats-nations capitalistes rivaux. Ce conflit trouve son expression
la plus explosive dans le déclin de la domination de l'impérialisme
américain.
La majorité des Américains sont contre les guerres d'Afghanistan et
d'Irak, des millions d'entre eux ont voté pour Obama du fait de cette
opposition. Mais ces deux guerres se poursuivent, et Obama se prépare à
aggraver le carnage en Afghanistan et au Pakistan, tout en menaçant l'Iran
d'une intervention militaire.
Le gouvernement d'Obama ne représente pas moins que Bush et les
républicains les intérêts de l'oligarchie patronale et financière qui dirige
les États-Unis – que ce soit en politique étrangère ou intérieure. Ces
guerres lointaines s'accompagnent d'une inégalité sociale croissante ainsi
que d'une attaque contre le niveau de vie et les droits démocratiques et
sociaux des travailleurs aux États-Unis mêmes.
La discussion qui a lieu actuellement à la Maison blanche – et à l'insu
du peuple américain – pour savoir comment garantir au mieux les intérêts de
l'impérialisme américain en Asie centrale, comporte des risques immenses.
Une intensification de cette guerre, que ce soit avec plus de troupes au
sol, ou avec plus d'attaques aériennes, risque de déstabiliser le Pakistan,
qui est une puissance nucléaire, ainsi que tout le Sud et le centre de
l'Asie. La Chine, puissance montante, et la Russie, présente de longue date
dans la région, ne resteront pas spectateurs indéfiniment devant les
tentatives de Washington de maintenir sa domination par la force armée.
La guerre entamée huit ans plus tôt et le risque de son intensification
vers une conflagration bien plus sanglante ne peut trouver sa fin que par
l'intervention de la classe ouvrière aux États-Unis et internationalement,
luttant contre le système d'exploitation capitaliste qui est à la source du
militarisme.
Dans cette lutte, il faudra exiger le retrait immédiat et inconditionnel
de toutes les troupes étrangères d'Irak et d'Afghanistan, la fin des
attaques américaines sur le Pakistan, et le démantèlement de l'appareil
militaire et des renseignements américains, pour trouver les milliards de
dollars nécessaires aux réparations à accorder aux victimes des agressions
américaines ainsi que pour assurer des emplois et améliorer les conditions
de vie de tous les travailleurs, américains comme étrangers.