Un sondage international mené par la British Broadcasting Corporation’s
(BBC) World Service révèle une désaffection généralisée à l’égard du libre
marché capitaliste, y compris une importante opposition au capitalisme
lui-même.
Réalisé par la firme GlobeScan/PIPA, le sondage a interrogé plus de
29.000 personnes dans 27 pays entre le 19 juin et le 13 octobre 2009. Ces
derniers sont les Etats-Unis, le Canada, le Mexique, le Brésil, le Panama,
le Costa Rica, le Chili, l’Australie, le Japon, l’Indonésie, les
Philippines, l’Inde, le Pakistan, la Chine, la Russie, l’Ukraine, la
Turquie, la Pologne, la République tchèque, l’Allemagne, la France,
l’Italie, le Royaume-Uni, l’Espagne, le Nigeria, l’Egypte et le Kenya.
Selon ce sondage, plus de trois répondants sur cinq étaient opposés au
libre marché capitaliste. Quelque 89 pour cent croient que le capitalisme ne
fonctionne pas. La majorité des répondants faisant partie des 22 pays qui
ont exprimé un fort soutien pour l’intervention du gouvernement dans une
plus grande régulation des affaires et du marché sont en faveur d’une
division de la richesse plus socialement équitable.
Près d’un quart des répondants croient que le capitalisme devrait être
remplacé par un « système différent ».
« S’il existe une question du sondage qui semble faire consensus à
travers le monde c’est celle-ci : presque partout des majorités de personnes
souhaitent que les gouvernements régulent davantage le marché », a rapporté
la BBC.
Ce n’est que dans deux pays, les Etats-Unis et le Pakistan, que plus
d’une personne sur cinq croit que le système économique actuel fonctionne.
Une majorité dans 22 des 27 pays était en faveur d’une plus grande
redistribution de la richesse : 67 pour cent ou deux personnes sur trois.
Dans 17 de ces pays, une majorité a répondu qu’elle voulait une régulation
plus importante de la grande entreprise. Dans 15 de ces pays, et
particulièrement en Russie, en Ukraine, au Brésil, en Indonésie et en
France, une majorité était en faveur de la propriété ou d’un contrôle accru
des grandes industries par le gouvernement.
Vingt-trois pour cent des gens interrogés croient que le capitalisme est
« irrémédiablement défectueux ». Un nombre presque égal de personnes
interrogées en France sont d’avis que le capitalisme a échoué (43 pour cent)
et que ses insuffisances pouvaient être résolues par plus de régulation et
de réformes (47 pour cent). Après la France, le plus grand appui au
remplacement du capitalisme se trouve au Mexique (38 pour cent) et au Brésil
(35 pour cent). Sur les 12 pays mis en évidence sur le site web de la BBC,
plus de 10 pour cent de la population de chaque nation appuyaient cette
position. Ceux défendant le système actuel étaient en minorité dans tous les
cas.
Le sondage a produit quelques anomalies statistiques. Les répondants
allemands ont enregistré moins d’appui pour la position que le capitalisme a
échoué qu’aux Etats-Unis par exemple. Néanmoins, la majorité dans chaque
instance — près de 70 pour cent aux Etats-Unis et plus de 80 pour cent en
Allemagne — a donné sa désapprobation au statu quo.
Les réponses par rapport au fait que la dissolution de l’Union soviétique
était une « bonne chose » était moins surprenante, avec les Etats-Unis, le
Canada, l’Europe de l’Ouest et du Centre et l’Australie montrant une
majorité en faveur (entre 73 et 81 pour cent). Dans les pays qui ont subi
plus directement l’impact de la dissolution de l’URSS en terme de niveau de
vie, de perte de soutien économique et politique ou bien où elle était vue
largement comme une alternative au capitalisme, la tendance était inverse.
Quelque 61 pour cent de Russes et 54 pour cent d’Ukrainiens sentent qu’elle
a eu un impact négatif, tout comme la majorité des sondés au Pakistan et en
Égypte. Selon la BBC, « Près de sept Égyptiens sur dix disent que la fin de
l’Union soviétique est une « mauvaise chose » et les positions sont
profondément divisées en Inde, au Kenya et en Indonésie. »
En tout, une faible majorité (54 pour cent) des 15 pays sondés a dit que
l’effondrement de l’URSS était une chose positive, alors que 24 pour cent
ont dit qu’il ne le savait pas.
Le sondage devait coïncider avec des célébrations entourant le 20e
anniversaire de l’effondrement du mur de Berlin, qui a vu les renversements
des relations de propriété nationalisées à travers l’Europe de l’Est et
l’Union soviétique — présidé par la bureaucratie stalinienne, qui est
maintenant devenue la classe capitaliste naissante, sous Mikhaïl Gorbatchev
et Boris Yelstin.
La BBC a commenté qu’en 1989, il semblait que le capitalisme de marché
était sorti comme le grand vainqueur de la Guerre froide. Maintenant,
cependant, le président de GlobeScan , Doug Miller, a affirmé : « Il semble
que la chute du mur de Berlin en 1989 n’a peut-être pas été la victoire
écrasante du capitalisme de libre marché qu’elle semblait être à l’époque —
particulièrement après les évènements des 12 derniers mois. »
Cela est en référence à la crise économique qui a ruiné des économies
entières et qui a détruit les niveaux de vie à travers le monde.
C’était sous ces circonstances que les chefs des principales puissances
se sont rassemblés à Berlin le 9 novembre pour un « festival de la liberté »
pour célébrer la chute du mur de Berlin. Mais, les efforts pour raviver
l’enthousiasme populaire pour les renversements des régimes staliniens
étaient gâchés par le fait que, partout dans le monde, le supposé vainqueur
capitaliste est lui-même dans une crise profonde.
Au centre de l’effondrement mondial du capitalisme, on trouve les
Etats-Unis eux-mêmes. S’étant autoproclamés victorieux après la fin des
régimes staliniens en URSS et en Europe de l’Est, les Etats-Unis sont
aujourd’hui économiquement en faillite.
En réalité, comme Léon Trotsky l’avait dit, la dissolution de l’Union
soviétique et de ses Etats satellites a été la conséquence tragique et
inévitable du rôle réactionnaire qu’a joué la bureaucratie stalinienne et de
sa politique de la construction du « socialisme dans un seul pays ».
Comme on a pu lire sur le World Socialist Web Site le 9 novembre,
« Les contradictions entre l’économie mondiale et l’Etat-nation, entre le
caractère mondial de la production qui a uni des millions de travailleurs
sur tout le globe en un processus de production sociale unifiée et la
division du monde en Etats-nations rivaux, ont brisé les reins des régimes
staliniens il y a 20 ans. Ces contradictions, toutefois, sont aussi la
source des conflits grandissants entre les puissances impérialistes, les
guerres s’élargissant en Irak et en Afghanistan, les attaques continuelles
contre les gains sociaux de la classe ouvrière et l’arrogance et l’avarice
de l’élite financière. »
Le mois dernier seulement, les agences d’aide des Nations unies ont
rapporté que plus d’un milliard de personnes seront sous-alimentées,
c’est-à-dire que 100 millions de personnes auront rejoint les rangs des
mal-nourris à la fin de cette année. Une personne sur six sur Terre sera mal
nourrie, une conséquence directe de la récession économique. La plus grande
partie de ces 100 millions de personnes viennent des régions les plus
pauvres au monde, comme l’Asie, l’Afrique, les Caraïbes et le Moyen-Orient.
Aussi en octobre, la Banque mondiale a écrit sur le déclin dévastateur du
niveau de vie dans l’ancienne Union soviétique et en Europe de l’Est.
Prédisant une diminution de 5,6 pour cent de l’activité économique dans les
« pays émergents de l’Europe et de l’Asie centrale » cette année, la Banque
mondiale a indiqué que le chômage touche maintenant 11,4 millions de
personnes dans la région. Un tiers de la population de la région vit dans la
pauvreté.
En Europe de l’Ouest, la toile du fond du triomphalisme capitaliste, la
situation n’est pas meilleure. L’Union européenne a donné l’avertissement
que le déficit des gouvernements de ses Etats membres pourrait atteindre 100
pour cent du produit intérieur brut en 2014 à cause de la crise mondiale.
Demandant la « discipline fiscale », elle a déclaré que cinq pays faisaient
face à la possibilité d’une faillite. Parmi ceux-ci, on trouve la
Grande-Bretagne, la sixième économie au monde et la troisième en Europe. La
semaine dernière, le gouvernement britannique a annoncé le plus important
sauvetage d’une banque, la Banque royale d’Écosse, ce qui a amené la somme
des fonds publics accordée aux banques en aide et en plan de stimulation à
environ 1 billion de livres.
Aux Etats-Unis eux-mêmes, l’élection de Barack Obama n’a pas signifié un
ralentissement de la politique de droite et favorisant la grande entreprise
de son prédécesseur Bush. Environ 700 milliards de dollars ont été octroyés
aux banques et 23,7 billions sont disponibles en prêts, en subventions et
autres garanties pour les parasites financiers de Wall Street. L’argent de
cette subvention aux super-riches viendra de la classe ouvrière américaine,
comme on l’a vu dans les banqueroutes forcées et les diminutions de salaires
de l’industrie de l’automobile et les incessantes guerres d’agression en
Irak, en Afghanistan et de plus en plus au Pakistan.
Le sondage de la BBC souligne que la réalité de la vie quotidienne à
laquelle font face les travailleurs à travers le globe a un impact sur leur
conscience sociale. Malgré les déclarations simplistes des puissances
actuelles, le capitalisme se discrédite lui-même par ses propres
agissements.
Au même moment, le sentiment de gauche que l’on trouve dans le sondage de
la BBC ne trouve pas de façon de s’exprimer dans le cadre de la politique
officielle. Il est significatif que le sondage ait été très peu couvert dans
les médias de masse.
Il doit être noté que les résultats du sondage indiquent le début d’un
processus qui annonce des chocs politiques et des soulèvements encore plus
importants. Dans la période qui vient, le virage vers une alternative au
système capitaliste, la réorganisation socialiste de la société sur la base
de la satisfaction des besoins humains, pas du profit privé, deviendra une
orientation politique consciente pour les masses de la population.
(Article original anglais paru le 12 novembre 2009)