L'assassinat du docteur George Tiller par un
fanatique anti-avortement de droite est à la fois une tragédie personnelle et
une attaque féroce contre les droits démocratiques fondamentaux. Ce meurtre met
au grand jour l'état pathologique de la vie politique américaine et l'absence
de tout engagement pour la démocratie parmi l'élite dirigeante du pays.
Le Dr George Tiller qui portait toujours en
public un gilet pare-balles a été tué d'une balle dans la tête dimanche devant
l'église qu'il fréquentait. Il était le médecin-chef d'une des peu nombreuses
cliniques du pays proposant des avortements tardifs. Il avait 67 ans et laisse
derrière lui son épouse Jeanne, trois filles, dont deux sont médecins, un fils
et dix petits-enfants.
Une déclaration publiée par la famille
dit : « George a consacré sa vie à donner aux femmes un service
médical de haute qualité malgré de fréquentes menaces et malgré la violence.
Nous demandons qu'on se souvienne de lui comme d'un bon mari, père et
grand-père et un serviteur dévoué de la défense des droits des femmes
partout. »
Le meurtrier présumé, Scott Roeder, 51 ans a
comparu mercredi devant un tribunal de Wichita dans le Kansas, par
vidéoconférence de la prison, et a été accusé de meurtre en rapport avec
l'assassinat du Dr Tiller. Il est également poursuivi pour attaque aggravée,
car il aurait menacé deux personnes qui cherchaient à l'en empêcher.
Roeder a un long passé de fanatisme
anti-avortement et des liens avec des organisations d'extrême-droite et
fascisantes. Ancien travailleur dans une usine d'enveloppes, il vivait
actuellement de petits boulots.
Il a participé au mouvement des citoyens
libres contre les impôts ainsi qu'à un groupe appelé One Supreme Court qui prétendait
que ses membres étaient des « citoyens souverains » non soumis aux
lois étatiques ou fédérales.
Roeder était bien connu des employés de la
clinique de Wichita du Dr Tiller où des militants anti-avortement zélés se
présentaient tous les jours hurlant « Tiller, le tueur ! »
« Des bébés sont assassinés ici ! » et « L'abattoir de
tiller ! »
L'hystérie anti-avortement incarnée par
Roeder et ses actes meurtriers est cultivée par un réseau de fanatiques
religieux, de personnalités médiatiques de droite et de personnalités en vue du
Parti républicain.
Suite au meurtre du Dr Tiller, Randall
Terry, fondateur du groupe anti-avortement Operation Rescue (Opération
sauvetage) a décrit le docteur comme un « tueur en série » et
déclaré, « il a récolté ce qu'il avait semé ». Il a dit que le
souvenir qui resterait de Tiller serait celui « d'un des coupables de
l'histoire ».
Bill O'Reilly de Fox News a fulminé
contre le Dr Tiller des dizaines de fois dans son talk-show le déclarant
coupable d’« actes nazis » et avertissant sinistrement qu'il serait
confronté au « Jugement dernier ».
O'Reilly a persisté et signé ses attaques
contre Tiller après le meurtre du docteur. Ecartant ses critiques, il a écrit
« Tout, absolument tout, ce que nous avons dit sur Tiller était vrai. »
Les prestations dispensées par la clinique
des Services de soins médicaux de la femme où George Tiller était médecin-chef
sont protégées par la loi et sont défendues par la Cour suprême américaine.
Avant l'assassinat du médecin dimanche
dernier, sa clinique de Wichita était l'un des trois uniques endroits aux
Etats-Unis où des femmes, souvent confrontées à la décision atroce de devoir
mettre fin à leur grossesse après la 20e semaine du fait de terribles
déformations foetales ou du danger qu'elle représente pour leur santé,
pouvaient trouver une aide médicale. Des femmes du pays tout entier étaient
dirigées, par leur médecin ou les hôpitaux, vers la clinique du Dr Tiller pour
se voir terrorisées, comme dans les autres cliniques pour femmes du pays, par des
militants anti-avortement qui leur lancent des obscénités et tiennent des
pancartes montrant des photos macabres.
Depuis la décision de Roe contre Wade de
1973 légalisant l'avortement aux Etats-Unis, ces cliniques sont la cible de
groupes d'autodéfense anti-avortement. Des médecins et d'autres employés de ces
cliniques ont été blessés et tués dans de nombreuses attaques violentes
organisées par des membres de ces groupes « pro-vie » :
* Le 10 mars 1993 : Le Dr David Gunn
fut tué par balle devant une clinique de Pensacola en Floride.
* Le 30 décembre 1994 : Deux
réceptionnistes de deux cliniques à proximité de Boston furent tuées et cinq
autres blessées.
* Le 23 octobre 1998 : Le Dr Barnett
Slepian fut mortellement blessé chez lui dans la banlieue de Buffalo, New York.
* Le Dr George Tiller fut lui-même victime
d'une tentative d'assassinat le 19 août 1993 lorsqu'il fut blessé aux deux bras
devant sa clinique de Wichita.
Dr Warren Hern, médecin de Boulder, Colorado
a parlé de la menace que le meurtre de son ami et collègue a révélé au grand
jour. « Je suis profondément triste et je suis en colère et je crois qu'il
est nécessaire que les Américains comprennent que nous avons dans ce pays un
mouvement fasciste », a dit Hern au Colorado Indépendent dimanche dernier.
« Ce n'est pas la peine d'envahir l'Irak pour trouver des terroristes. Ils
sont ici même et ils tuent des médecins qui pratiquent l'avortement. »
Il s'en est pris tout particulièrement à
l'exploitation par le Parti républicain de cette campagne d'intimidation que ce
dernier utilise comme soutien politique depuis des décennies.
« Le Dr Tiller a été tué par un
assassin anti-avortement, et c'est la conséquence absolument inévitable de 35
années de rhétorique fanatique anti-avortement et de violence d'intimidation et
d'assassinat et d'exploitation de ce mouvement par le Parti républicain. »
Cette description directe faite par Hern des
réalités politiques qui sous-tendent ce crime odieux est en contradiction
flagrante avec la lâcheté et la complicité du gouvernement Obama et du Parti
démocrate.
Le président Obama a publié une déclaration
en deux phrases sur cet assassinat, en recourant à la langue de bois :
« Je suis choqué et indigné par le meurtre du Dr George Tiller qui
assistait à une messe ce matin. Aussi profonds que soient nos différends en
tant qu'Américains sur des questions aussi difficiles que l'avortement, on ne
peut les résoudre par des actes de violence odieux. »
Reprenant sans grande conviction le thème
qu'il avait présenté dans sa première intervention à l'université Notre-Dame le
mois dernier, il a mis sur un pied d'égalité les droits juridiquement protégés
des femmes et des professionnels médicaux qui leur dispensent ces services, et
ceux qui chercheraient à nier leurs droits au moyen de l'intimidation et, dans
ce cas, par le meurtre.
Obama n'a condamné ni le meurtrier ni ces
forces dans la droite chrétienne, dans les médias de droite et le Parti
républicain qui promeuvent une telle violence.
Obama est, tout comme l'ensemble du Parti
démocrate, intimidé par ces forces. Il ne souhaite, ni n'est capable d'exprimer
l'évidence : cette combinaison nocive d'organisations médiatiques,
religieuses et politiques est en train de couver un mouvement fasciste maison
en Amérique.
Ces forces portent une responsabilité morale
et politique dans la perpétration d'actes de violence qui, mis à part les
attaques du 11 septembre, ont causé la majorité écrasante des morts et de la
destruction, occasionnée par le terrorisme au sein des Etats-Unis durant ces 30
dernières années. Et pourtant les médias et l'establishment politique
traitent ces forces avec des gants de velours.
Aujourd'hui on encourage des individus
déments tel l'assassin de Wichita à attaquer des cliniques pour femmes et leur
personnel. Demain, on les enverra contre un mouvement de la classe ouvrière qui
défend les emplois et le niveau de vie.
La réaction tiède des démocrates et d'Obama
face au meurtre odieux du Dr Tiller souligne le fait qu'ils ne feront que
s'adapter à ces éléments fascistes car ils sont cultivés par des couches
importantes de l'establishment politique américain.
La défense des droits démocratiques, dont le
droit légal à l'avortement, ne peut être menée à bien que par la mobilisation
indépendante de la grande masse de la classe ouvrière, guidée par une
perspective internationaliste socialiste, dans une lutte contre le capitalisme
et les forces politiques réactionnaires qu'il engendre.