Avec l’annonce faite lundi de dizaines de milliers de
suppressions d’emplois, les employeurs aux Etats-Unis et sur le plan international
indiquent que la crise économique est en train de s’accélérer et de
prendre de l’ampleur en affectant l’économie américaine et mondiale
tout en distançant lourdement les mesures prises par les gouvernements pour y
remédier. Parmi les principaux licenciements l’on trouve :
* Caterpillar Inc., le premier constructeur mondial
d’engins de chantier qui a annoncé 20 000 mises à pied durant le
premier trimestre de 2009.
* Le fabricant de médicaments Pfizer Inc. qui a dit
qu’il allait licencier 8000 travailleurs, les premières victimes de
l’acquisition, pour la somme de 68 milliards de dollars, de son
concurrent, le groupe pharmaceutique Wyeth.
* SprintNextel, l’opérateur mobile qui va supprimer 8000
emplois ou 14 pour cent de ses effectifs d’ici la fin de mars. Il avait
déjà éliminé 4000 emplois il y un peu moins d’un an.
* Home Depot Inc., le numéro un américain du bricolage qui a
annoncé vouloir supprimer 7000 emplois et fermer 34 magasins de sa branche Expo
Design.
* General Motors, le géant automobile en difficulté, qui a
annoncé que plus de 2000 mises à pied affecteront ses usines en Ohio et au
Michigan où le taux de chômage a déjà grimpé au-delà des 10 pour cent.
* Texas Instruments Inc., le fabricant de puces
électroniques américain, qui après avoir annoncé une baisse rapide de ses
profits, dit vouloir supprimer 3400 postes.
* Phillips Electronics, le groupe néerlandais
d’électronique, qui a annoncé le licenciement de 6000 travailleurs dans
le monde.
* Corus Group, un producteur d’acier qui a annoncé
qu’il allait supprimer 3500 emplois dont 2500 en Grande-Bretagne.
* La banque hollandaise ING qui a annoncé la suppression de
7000 emplois après avoir rapporté la première perte trimestrielle de son
histoire.
Les proportions et la rapidité avec laquelle les
licenciements sont annoncés mettent en lumière les dimensions historiques de la
crise économique. John Challenger, PDG du cabinet de recrutement Challenger,
Gray & Christmas Inc., a ainsi commenté la journée noire : « Ce
qui est remarquable aujourd’hui c’est que les licenciements
semblent venir de tous les coins de l’économie », a-t-il dit.
« Normalement, il y a des secteurs qui sont plus particulièrement touchés.
Cette récession s’est concentrée sur les services immobiliers et
financiers et pourtant l’automobile les a rejoints. Mais à présent
d’autres secteurs sont touchés comme ceux de la distributionet de
la technologie au moment où la prochaine vague de la récession arrive. »
Jusque-là, pour l’année 2009, Challenger a totalisé
128 000 licenciements pour 19 grandes entreprises seulement. L’on
s’attend à ce que le nombre de salariés américains baisse de près 600 000
en janvier, ce qui marquerait le troisième mois consécutif durant lequel
l’économie a perdu plus d’un demi-million d’emplois et le
cinquième mois d’affilée avec plus de 400 000 pertes
d’emplois. Ceci serait « la première fois qu’une telle chose
arrive au cours de la période remontant au début de 1939 », a déclaré au Marketwatch
Dan Greenhaus, un analyste du groupe Miller Tabak & Co.
Les licenciements de masse suggèrent que les pertes
d’emplois en 2009 pourraient bien dépasser celles de 2008 quand on avait
estimé que 2,6 millions d’emplois avaient été détruits, le chiffre le
plus élevé depuis 1945, et le taux de chômage officiel continuera de grimper de
son niveau de décembre, qui était déjà à 7,2 pour cent, le plus fort
pourcentage enregistré depuis 16 ans.
Les 8000 licenciements chez Pfizer annoncés en liaison avec
l’acquisition de Wyeth étaient le troisième licenciement de masse annoncé
par la firme ce mois-ci. Le 16 janvier, elle avait licencié 1300 représentants
commerciaux et, plus tôt dans le mois, elle avait mis à pied 800 chercheurs
scientifiques. Mais ce n’est là qu’un début. Lundi, Pfizer a
annoncé ses projets de renvoyer éventuellement 15 pour cent de l’effectif
des deux entreprises combinées, ce qui correspondrait à une perte
d’environ 12 000 emplois supplémentaires.
Les licenciements chez Pfizer révèlent le caractère de
classe de l’intervention du gouvernement dans la crise économique et dont
la tâche première a été de soutenir les banques les plus importantes.
L’acquisition de Wyeth par Pfizer a été rendue possible par une aide
financière de 4,5 milliards de dollars versée respectivement par Bank of
America, Citigroup, Goldman Sachs, JPMorgan Chase et Barclays.
En octobre, les politiciens des deux partis, y compris
Barack Obama, ont insisté pour dire qu’il y avait un besoin urgent
d’accorder aux principales institutions financières des centaines de
milliards de dollars du soi-disant programme de rachats de capitaux du Tarp
(Troubled Asset Relief Programm, TARP). Ceci, avaient-ils promis, engendrerait
une vague de prêts qui créerait alors des emplois. C’est
tout le contraire qui s’est produit.
Comme l’a confirmé hier une enquête du Wall Street
Journal, les principaux bénéficiaires du TARP ont restreint les prêts. Mais pas
dans le cas de Pfizer où les grandes banques ont fourni le capital nécessaire pour
leur permettre d’accaparer davantage encore l’industrie
pharmaceutique et de supprimer des milliers d’emplois en plus.
De manière générale, les marchés ont applaudi les
licenciements. L’action de SprintNextel a grimpé de 1,2 pour cent après
l’annonce des licenciements, les cours de Home Depot’s ont fait un
bond de 4,7 pour cent, les actions de Phillips ont bondi de 10,1 pour cent et
la valeur ING est montée en flèche de 20,1 pour cent. Les cours de Caterpillar
ont baissé en raison de ses résultats désastreux qui étaient pire que les
attentes du marché.
Les licenciements chez Caterpillar affecteront des postes de
cadres et d’agents techniques. D’ores et déjà, 2500 employés ont
accepté les propositions d’indemnités de départ, et 8000 travailleurs contractuels
ainsi que 4000 ouvriers d’usine à plein temps ont été mis à pied. L’entreprise
a également annoncé le gel des traitements et des salaires.
L’effondrement des ventes de Caterpillar est un signe de
plus de l’intensification rapide de la crise économique. Les principaux
clients de Caterpillar font eux-mêmes partie des secteurs économiques tels le
bâtiment, les mines et la promotion de l’immobilier commercial.
« Nous avons été touchés de plein fouet en décembre »,
a dit Jim Owens, le PDG de Caterpillar. John Kearney, un analyste de
Morningstar, a ajouté, « [I]l semble que ça va définitivement empiéter sur
le premier trimestre et cela pourrait même empirer. C’est certainement
une vilaine perspective pour la première moitié de 2009. »
GM, en plus des 2000 licenciements déjà annoncés, a dit que
durant les six prochains mois ils allaient arrêter la production pendant
plusieurs semaines dans dix usines dans le Nord des Etats-Unis. Mille deux cents
travailleurs seront mis à pied le 30 mars en ce qui concerne la deuxième équipe
de travail de son usine de Lansing au Michigan et que 800 travailleurs de la deuxième
équipe de l’usine de Lordstown, en Ohio, seront renvoyés le 6 avril.
Les nouveaux licenciements et les arrêts de production visent
à « aligner la production sur la demande du marché », a dit GM. Les
analystes anticipent un nouveau rétrécissement du marché pour les voitures neuves,
avec une chute à 10,5 millions de véhicules vendus par rapport au chiffre déjà
catastrophique de 13,2 millions d’unités vendues en 2008.
Par ailleurs, un nouveau rapport publié par la NAR (National
Association of Realtors, des professionnels de l’immobilier) a constaté
une baisse drastique des prix de l’immobilier aux Etats-Unis. Alors que le
taux de ventes immobilières a légèrement augmenté en décembre par rapport aux
pertes record de novembre, le prix médian des propriétés a diminué de 15,3 pour
cent pour atteindre 175 400 dollars, soit la plus forte baisse jamais
enregistrée.
Une étude séparée réalisée par Realty Trac, une entreprise immobilière
en ligne spécialisée dans les ventes aux enchères immobilières, pense que des
millions de propriétés ne sont pas encore mises sur le marché parce que les
banques rachetées rechignent à vendre les maisons saisies dans l’espoir
de voir les conditions du marché s’améliorer. Au fur et à mesure que ces propriétés
provenant d’expropriations accèderont au marché, elles contribueront à
éroder davantage encore la valeur des biens immobiliers qui constitue la base
de la richesse de la plupart des familles américaines.
L’on s’attend à ce que le gouvernement publie
vendredi son évaluation de la croissance économique pour le quatrième
trimestre. Le consensus des analystes économiques est que l’économie a
rétréci à un taux annuel de 5,4 pour cent. Ce qui signifierait la contraction
la plus forte depuis 1982.