La journée d’action de jeudi dans toute la France pour la défense des
emplois, du pouvoir d’achat des salaires et des services sociaux, à
l’appel des huit principales confédérations syndicales ont fait descendre
quelque 2,5 millions de travailleurs, de jeunes et de retraités dans les rues
de quelque 200 villes. Cela faisait longtemps que certaines petites villes
n’avaient pas connu de manifestations aussi importantes. Un grand nombre
de travailleurs a fait grève, ainsi que des lycéens et des étudiants.
Les sondages d’opinion indiquent que les trois quarts de la population
française soutiennent cette grève.
Les syndicats qui sont à l’origine de l’appel à cette journée
d’action n’ont donné aucune indication quant aux suites à donner à
cette mobilisation et se sont contentés de déclarer qu’ils ont
l’intention de se réunir lundi, mais qu’ils attendent de voir ce
que le président de droite, Nicolas Sarkozy va faire.
Ce mouvement populaire de masse est provoqué par la détérioration rapide de
la situation économique. Une vague de licenciements et de fermetures
d’usines dans le secteur privé a conduit à la suppression de 100 000
postes durant les trois derniers mois. Ceci est aggravé par les fermetures
provisoires et la suppression des jours de travail, notamment dans la sidérurgie
et l’industrie automobile. Pendant ce temps, le gouvernement Sarkozy a
lancé une offensive contre les services publics (santé, éducation, prestations
sociales) en ciblant les emplois et les conditions de travail.
La mobilisation de jeudi exprimait les sentiments de millions de
travailleurs et de jeunes. La classe ouvrière n’acceptera pas
l’appauvrissement comme prix à payer pour la crise économique, dont elle
n’est pas responsable, afin de maintenir les profits et les privilèges de
ceux qui en sont responsables.
Etudiants à Amiens
De nombreuses pancartes et banderoles artisanales vues dans les diverses
manifestations exprimaient la colère et l’amertume face au renflouement des
banques à hauteur de 360 milliards d’euros et face aux 26 milliards
d’euros d’aide aux entreprises privées.
Un groupe d’enseignants du primaire à Amiens, par exemple, tenait une
banderole de 30 mètres sur laquelle on pouvait lire, « Des milliards pour
les banquiers, asphyxie de la maternelle à l’université. »
La manifestation la plus imposante s’est déroulée à Paris dans
l’après-midi et comptait suivant les chiffres de la police 65 000
manifestants et 300 000 selon les organisateurs. Les correspondants du
WSWS font état d’un rassemblement massif représentatif de tous les âges
et largement dominé par les travailleurs du secteur public.
La journée a commencé par des manifestations le matin à Marseille (24 000
selon la police et 200 000 à 300 000 selon la CGT (Confédération
générale du travail, proche du Parti communiste) ; 20 000-53 000
à Lyon ; 25 000-50 000 à Rennes.
A Bordeaux, il y avait 60 000 manifestants (selon la CGT), parmi
lesquels de nombreux travailleurs de petites entreprises et des employés de la
grande distribution Carrefour et Auchan, défilant derrière une banderole sur
laquelle était inscrit: « La crise c’est eux, la solution
c’est nous. »
Dans l’Est de la France, plus de 20 000 personnes ont défilé à
Nancy et de 7 000 à 20 000 à Strasbourg.
Plus de 30 pour cent des cinq millions de travailleurs des services publics
(éducation, santé, collectivités territoriales) étaient en grève. Etaient
aussi en grève près de 40 pour cent des cheminots, 48 pour cent des conducteurs
du métro parisien, 30 pour cent du service d’électricité EDF, 28 pour
cent des agents de la Poste, près de la moitié des professeurs du primaire et
un tiers des professeurs du secondaire, 30 pour cent des employés de France Télécom,
32 pour cent des transports urbains des principales grandes villes de France,
16 pour cent des employés de la banque Crédit Lyonnais et 10 pour cent des
usines automobile Renault.
Les services de Radio France et France Télévision ont été perturbés et le
trafic ferroviaire était réduit d’approximativement 50 pour cent. Le
trafic aérien a lui aussi été perturbé.
Les commentaires des représentants des principaux syndicats exprimaient leur
autosatisfaction et leur manque de perspective.
Jean-Claude Mailly de Force ouvrière, la troisième plus importante
confédération syndicale a déclaré : « On n’est pas dans
l’hypothèse où on va faire une manif’ toutes les semaines, ce
n’est pas cela, mais il va falloir aussi que le gouvernement réponde. »
Bernard Thibault, dirigeant de la CGT a dit les mobilisations de la journée
égalaient les temps forts du mouvement contre le CPE (Contrat première
embauche) de 2006, mais qu’il était content de voir que cette fois « Il
y a beaucoup moins de jeunes et beaucoup plus de salariés du privé. » Il a
dit qu’il y aurait d’autres actions mais n’a pas spécifié
lesquelles ni quand elles auraient lieu.
Les commentaires de François Chérèque de la CFDT (Confédération française
démocratique du travail, proche du Parti socialiste) exprimaient la volonté
générale des bureaucraties syndicales d’arriver à un accord avec Sarkozy.
« Maintenant c’est au gouvernement d’apporter des
réponses » sur « la relance avec des mesures concrètes pour les
salariés, et c’est après qu’on décidera de la suite à donner au
mouvement. »
Des sympathisants du WSWS à Paris, Marseille, Nancy et Amiens ont distribué
des milliers de tracts de la Déclaration du comité de rédaction du WSWS,
« Les travailleurs ont besoin d’une perspective socialiste pour
combattre la crise économique, » qui appelait à « la mobilisation
politique et sociale de l’ensemble de la classe ouvrière avec pour
objectif de convertir les banques et autres industries majeures en des services
publics, démocratiquement gérés et placés sous le contrôle des travailleurs, en
France et dans le monde entier. »
La déclaration dit aussi que « Ce que cette lutte requiert
fondamentalement, c’est une rupture politique avec la bureaucratie
syndicale et l’establishment politique français qui mettent en
avant des réponses nationalistes et non viables à la crise et c’est la
construction d’une nouvelle direction politique dans la classe ouvrière
qui se fonde sur un programme socialiste révolutionnaire, afin de placer
l’économie sous le contrôle démocratique de la classe ouvrière. »
(Article original anglais paru le 30 janvier 2009)