Des manifestations de masse se sont déroulées mercredi en Allemagne et
en France pour protester contre le massacre criminel en train que l’armée
sri lankaise est en train de perpétrer contre la population tamoule en grande
partie sans défense au Nord du pays. Lors de ces deux manifestations, des
membres du LTTE (Tigres de libération de l’Eelam tamoul) ont essayé
d’empêcher les sympathisants du WSWS de distribuer des tracts.
Berlin
Des manifestants à Berlin. La banderole : « Au Sri Lanka, un génocide sans témoin »
Des manifestants à Berlin. La banderole : « Au Sri
Lanka, un génocide sans témoin »
Le jour du 61e anniversaire de l’indépendance du Sri Lanka, près de 8000
Tamouls ont défilé dans les rues du centre de Berlin pour protester contre la
poursuite du massacre de la population tamoule par l’armée sri lankaise. Les
manifestants étaient de tous âges et il y avait des familles entières. Il était
frappant de voir de nombreux Tamouls plus jeunes dont beaucoup sont nés et ont grandi
Allemagne.
Des bus et des autocars avaient amenés les participants venus de toute
l’Allemagne, de Hambourg dans le Nord à Munich dans le Sud. Le cortège
s’est mis en marche devant le QG du Parti chrétien démocrate (CDU), le
parti de la chancelière allemande Angela Merkel, puis est passé devant
l’ambassade de l’Inde, traversant le centre de la capitale
allemande.
De nombreux manifestants tenaient des banderoles représentant des civils
blessés et notamment des enfants. Certains participants faisaient un parallèle
direct entre les événements au Sri Lanka et la récente offensive meurtrière
lancée par l’armée israélienne sur Gaza. Une banderole proclamait :
« Gaza et Sri LankaVanni sont sur la même planète. » Une autre
banderole faisait référence à la récente campagne du gouvernement sri lankais
de censure des journalistes et des médias : « Génocide sans témoin ».
Dans la manifestation il n’y avait quasiment que des Tamouls, ce qui
est un signe que les organisateurs avaient fait campagne pour la manifestation
au sein de la communauté tamoule mais n’avaient pas cherché à faire de la
publicité pour la manifestation à une plus grande échelle.
Sintha est une jeune étudiante de Düsseldorf. Elle a dit au WSWS que la
plupart des Tamouls présents à la manifestation avaient de la famille ou des
amis dans le Nord du Sri Lanka qui sont en danger d’une attaque
immédiate. « J’ai des membres de ma famille, dont ma grand-mère et
ma tante ainsi que d’autres membres et des amis, à Jaffna et
Vanni, » a-t-elle dit.
« Rien que l’autre jour, mon amie m’a dit que sa grand-mère
et son grand-père avaient été tués quand une bombe a touché leur maison »,
nous a dit Sintha. « Bien sûr que je m’inquiète pour ma propre
famille. Il faut un cessez-le-feu immédiat, sinon la vie de centaines de
milliers de Tamouls est en jeu.
« Je suis née et j’ai grandi en Allemagne, comme beaucoup
d’autres Tamouls qui sont ici aujourd’hui. Mais pour nos parents
qui sont nés et ont leurs racines au Sri Lanka la situation est
particulièrement stressante. Une cinquantaine de personnes en moyenne meurt
tous les jours et bien plus sont blessés. Si les combats ne cessent pas, alors
la population tamoule toute entière est menacée. »
Sintha a critiqué le fait que les journalistes allemands et d’autres
sources médiatiques aient été empêchés par le gouvernement sri lankais de faire
des reportages sur la guerre. Elle a fait remarquer que le but de cette
manifestation était de faire connaître la situation des Tamouls et de faire
pression sur les gouvernements européens, dont le gouvernement allemand.
En même temps elle s’est montrée critique envers les gouvernements
européens pour n’avoir pas condamné clairement l’offensive lancée par
l’armée sri lankaise. « L’Union européenne n’a pas
protesté contre ce qui est en train de se passer et en même temps les
gouvernements européens fournissent des armes à l’armée sri lankaise. Ils
sont complices de la campagne menée par le gouvernement sri lankais contre les
Tamouls. »
Ramesh, 31 ans est propriétaire d’une pizzeria dans la ville allemande
de Neuss. « J’ai fermé mon restaurant aujourd’hui, »
a-t-il dit. « C’est plus important d’être ici. » Il a dit
qu’il manifestait en particulier pour protester contre le sort des
Tamouls. « Un nombre croissant d’innocents sont tués. Les gens
n’ont aucun moyen de fuir la région et ils sont sans défense face aux
rondes et aux balles tirées par l’armée. » Ramesh a de la famille dans
la région où des combats intenses se produisent et est très inquiet parce
qu’il n’a pas de nouvelles des siens.
Le tract fait remarquer : « Les crimes de guerre perpétrés par le
gouvernement du président Rajapakse sont l’expression de l’adoption
croissante de méthodes brutales par les puissances impérialistes et leurs
auxiliaires bourgeois nationalistes afin d’assurer leurs intérêts
géopolitiques comme on a pu le voir en Afghanistan, en Irak et à Gaza. »
Bien que les gouvernements occidentaux aient à plusieurs reprises clairement
signifié leur soutien à l’armée sri lankaise, la perspective du LTTE
continue de se concentrer sur la pression à exercer sur ces mêmes
gouvernements. Le tract déclare : « la revendication [du LTTE] d’un
petit Etat au nord et à l’est du Sri Lanka, afin de répondre aux besoins
de certaines sections de l’élite tamoule, s’est toujours fondée sur
la médiation de l’une ou l’autre grande puissance…
« L’allié du peuple tamoul au Sri Lanka et de la diaspora dans
les pays impérialistes est la classe ouvrière. C’est l’unique force
sociale qui a le pouvoir de mettre fin à la guerre et dont c’est aussi
l’intérêt de classe de renverser l’état bourgeois sri lankais, et
de garantir les droits démocratiques de la population tamoule — partie
intégrante de la lutte contre l’ordre mondial impérialiste. »
Le tract se termine par ces mots : « Le Parti de l’égalité
socialiste (SEP), section sri lankaise du Comité international de la Quatrième
Internationale, est l’unique parti qui lutte pour l’unification de
la classe ouvrière indépendamment de l’origine ethnique. Le SEP exige le
retrait immédiat et inconditionnel des forces armées, du Nord et de
l’Est. Le SEP met en avant la lutte pour une République socialiste du Sri
Lanka et de l’Eelam, faisant partie de l’Union des Républiques
socialistes d’Asie du Sud, unique moyen d’en finir avec les
politiques communautaristes, ethniques et de castes qui empoisonnent la région
depuis plus d’un demi-siècle. »
Ce tract a été chaleureusement accueilli par ceux qui ont pris part aux
manifestations dont beaucoup ont exprimé leur soutien à la position adoptée par
le SEP au Sri Lanka. Mais les organisateurs de la manifestation ont réagi tout
à fait différemment. Ils avaient distribué leur propre tract qui mettait
l’accent sur la nécessité de faire pression sur les gouvernements
européens. Un tract distribué par « les comités de coordination
tamouls », une organisation d’exilés du LTTE déclarait :
« Le gouvernement allemand avec l’Union européenne doit utiliser des
mesures économiques et diplomatiques pour faire pression sur le gouvernement
sri lankais afin qu’il appelle à un cessez-le-feu immédiat. »
Se fondant sur leur propre perspective, les organisateurs de la
manifestation n’étaient pas disposés à tolérer la distribution de tracts
du SEP. Un certain nombre de personnes du service d’ordre de la
manifestation sont intervenus pour empêcher les membres du SEP de distribuer
leurs tracts. « Ce que vous écrivez est contre nous. On ne vous laissera
pas faire, » ont-ils dit, ajoutant, « Pourquoi n’allez-vous pas
distribuer vos tracts dans une manifestation cinghalaise ! »
Des représentants du LTTE ont essayé d’amoindrir toute critique de
leur propre orientation vers les grandes puissances. Ils veulent juste que les
critiques s’adressent au soutien de ces grandes puissances à la guerre et
au gouvernement sri lankais. Ce faisant ils encouragent le nationalisme et le
chauvinisme en mettant sur un pied d’égalité les masses cinghalaises et
l’élite politique du pays.
Quand un certain nombre de manifestants a cherché à défendre le droit du SEP
à distribuer ses tracts, le service d’ordre a appelé la police. Les
sympathisants du SEP ont été en mesure de clarifier auprès de la police leur
droit, au moins sur le parcours de la manifestation, de distribuer leurs
tracts. Néanmoins lorsque la police s’est retirée, le service d’ordre
est revenu à la charge pour arracher les tracts des mains de ceux qui les
distribuaient, tandis que d’autres membres du LTTE essayaient de faire en
sorte que cette agression soit dissimulée du reste de la manifestation. Cette
intervention du service d’ordre démontre la banqueroute politique du LTTE
qui est incapable de répondre à la critique politique autrement que par
l’intimidation et la violence.
Paris
La manifestation parisienne
Un rassemblement massif s’est aussi tenu mercredi devant la Tour
Eiffel, au Champ de Mars, contre l’offensive militaire du gouvernement
sri lankais et les atrocités qui se passent dans le Nord de l’île. Cette
manifestation était à l’appel de diverses organisations nationalistes
tamoules qui soutiennent le LTTE. Cette manifestation faisait suite à celle de
mercredi dernier à Paris où 50 000 personnes avaient participé. Il
n’y avait pas de délégations d’organisations de gauche qui ne
semblaient pas avoir été invitées.
Des Tamouls de tous âges étaient présents, dont de nombreuses femmes et
jeunes filles, portant des pancartes accusant le régime de Rajapakse de
génocide et exprimant l’horreur et la colère devant les massacres. Des
vagues de nouveaux manifestants ont rejoint la manifestation après trois heures
de l’après-midi, parmi eux des travailleurs ayant fini leur travail dans
les restaurants et les hôtels, ainsi que des étudiants.
Les banderoles montraient des victimes de cette violence, parmi lesquelles
17 membres d’un groupe travaillant dans le Nord du Sri Lanka pour
combattre la famine. On voit les membres du groupe étendus sans vie sur le bord
de la route après que l’armée sri lankaise les a tués. On peut lire sur
la banderole : « Nous réclamons la justice à l’Etat
français ! Devrait-on oublier parce qu’ils sont
Tamouls ? »
La manifestation parisienne
Des organisateurs de la manifestation ont distribué des centaines de
pancartes avec des photos du président Nicolas Sarkozy, lui demandant de venir
en aide au peuple tamoul. Il y avait aussi de nombreux portraits de la
chancelière allemande Angela Merkel et du président américain Barack Obama, portant
les mêmes demandes.
Une lettre adressée à Sarkozy, par la Fédération des associations des
anciens élèves des collèges du Sri Lanka, s’adresse au représentant de
l’impérialisme français en des termes des plus obséquieux : « Nous
vous connaissons pour vos efforts inlassables pour créer une paix juste au
Moyen-Orient. Votre dynamisme et la volonté ferme de trouver des solutions
pacifiques pour des conflits mondiaux nous encouragent à espérer que vous pouvez
intervenir auprès des hautes instances sri lankaises afin de mettre fin à ce
conflit meurtrier. »
La manifestation parisienne
Les personnes prenant la parole lors du rassemblement ont exprimé leur
confiance dans le ministre des Affaires étrangères Bernard Kouchner pour
qu’il trouve une solution diplomatique et ont appelé à soutenir la
direction du LTTE.
Les sympathisants du WSWS ont distribué 7500 exemplaires de Une
perspective socialiste pour mettre fin à la guerre au Sri Lanka – Troupes
hors du Nord et de l’Est du Sri Lanka ! en tamoul et en
français. Des manifestants ont exprimé leur soutien à ce document et se sont
proposés pour les distribuer à d’autres, et en ont demandé davantage pour
les donner à leurs collègues de travail français. L’équipe du WSWS était
entourée de gens venus leur demander des tracts et souhaitant en discuter,
notamment de la question de l’échec désastreux du projet de mise en place
d’un petit Etat tamoul séparé.
Le service d’ordre du LTTE a essayé d’empêcher l’équipe du
WSWS de distribuer ses tracts. Mais du fait du grand intérêt que les tracts du
WSWS suscitaient chez les manifestants, le service d’ordre du LTTE
n’a pas pu imposer de censure.
Les sympathisants du WSWS ont aussi essayé de prendre la parole à la fin de
la manifestation, mais ils en ont été empêchés au soi-disant motif que les
tracts qu’ils distribuaient étaient diffamatoires à l’égard de la
lutte du LTTE. Mais les organisateurs de la manifestation et du rassemblement n’ont
eu aucun problème à donner la parole aux maires des partis socialiste et
communiste.