General Motors (GM) a annoncé mardi un plan de
réduction rien qu’en Europe de 26 000 salariés de ses effectifs mondiaux
de 47 000 salariés. Le principal syndicat allemand, l’IG Metall, et ses
représentants du personnel élus (Betriebsräte) organisés en comités
d’entreprise chez Opel, la filiale allemande de GM, ont réagi à cette annonce
en rejetant une lutte commune des travailleurs de GM d’Europe et d’Amérique du
Nord.
Au lieu de cela, le comité central
d’entreprise d’Opel exigea la séparation des usines européennes d’Opel de
celles de sa société mère à Detroit tout en collaborant avec la direction
d’Opel et le gouvernement allemand pour imposer des concessions majeures aux
travailleurs d’Opel.
Avant l’annonce faite par GM, le président du
comité central d’entreprise d’Opel, Klaus Franz, s’était rendu à Detroit pour
se renseigner sur les projets de GM auprès de l’ancien directeur financier
d’Opel, Fritz Henderson, qui est actuellement le président de GM et son
directeur des opérations. Lundi, dans sa fonction de président du forum
européen des employés (EEF) de GM Franz envoya une lettre de quatre pages à
tous les salariés de GM en Europe. La lettre porte également la signature de
son adjoint, Rudi Kennes.
La première chose qui saute aux yeux dans
cette lettre c’est qu’elle ne contient pas le moindre mot de compassion ou de
solidarité envers les travailleurs de GM aux Etats-Unis ou de n’importe quel
autre pays hors d’Europe. Au lieu de cela, Franz et Kennes déclarent que
« la compétitivité des opérations européennes de GM est profondément
différente de celles de l’entreprise en Amérique du Nord ». Contrairement
aux usines nord-américaines, poursuit la lettre, les usines européennes sont
« absolument compétitives ».
La lettre critique le plan de restructuration
prévue pour les opérations européennes de GM, baptisé « plan
Renaissance » au sein de l’entreprise, en disant que le plan aurait des
« conséquences catastrophiques pour la marque GM et les entreprises en
Europe en signifiant leur fin ».
Franz et Kennes préviennent tout spécialement
que le « plan Renaissance » serait lié à des coûts énormes pour GM, y
compris des frais de justice engendrés par des actions en justice en raison de
ruptures de contrat déjà existants, dans des conditions où aucune banque ou
aucun gouvernement européen ne procurerait des prêts ou des crédits.
La lettre affirme que « la perte de
valeur pour les marques Opel et Vauxhall et leurs sites économiques serait
énorme, et aurait des conséquences négatives pour la valeur d’Opel-Vauxhall
dans le bilan financier de General Motors ».
De plus, le « plan Renaissance »
menace les négociations actuellement en cours entre la direction européenne et
l’EEF ainsi que les pourparlers ayant lieu entre les syndicats et les comités
d’entreprise qui s’efforcent de réaliser des « économies de coûts de
main-d'œuvre d’un montant de 750 millions de dollars » en 2009.
Franz et Kennes proposent un concept
alternatif de restructuration qui entraînerait aussi la destruction de milliers
d’emplois et d’énormes pertes de salaires. Leur plan implique également un
transfert massif d’argent du contribuable dans les caisses des constructeurs
automobile européens.
Ils préconisent la séparation des marques
européennes d’Opel et de Vauxhall d’avec la maison-mère GM. Les subventions
d’Etat européennes ne commenceront à être versées, affirment-ils, que lorsqu’il
sera absolument clair que la direction américaine sera refusée tout accès à
l’argent des contribuables européens qui est prévu pour le renflouement des
usines européennes de GM.
En acceptant de façon implicite des fermetures
d’usines et la vente d’usines entières, ils écrivent : « Si les
développements du marché l’exigent, Opel-Vauxhall devrait entreprendre les
actions nécessaires à la restructuration de son entreprise ou l’adaptation des
volumes. La vente d’usines pourrait être organisée de manière à être socialement
et financièrement acceptable. »
Les délégués syndicaux chez Opel et le
syndicat IG Metall collaborent étroitement avec le gouvernement allemand et les
chefs des gouvernements régionaux où sont implantées des usines Opel. Lundi, le
ministre-président du Land de Rhénanie du Nord-Westphalie, Jürgen Rüttgers,
s’est rendu à Detroit pour discuter avec la direction de GM de l’avenir d’Opel
en Allemagne.
En annonçant son plan de
« restructuration », GM a précisé que l’élimination de 26 000
emplois « en dehors des Etats-Unis » restait la politique de
l’entreprise et que les responsables syndicaux européens devraient s’engager à
appliquer des réductions de coûts totalisant en Europe 1,2 milliard de dollars.
Et le même jour, Franz signala sa volonté
d’appliquer précisément de telles mesures. En commun avec le président de GM
Europe, Carl Peter Forster, et le président d’Opel, Hans H. Demant, Franz
signait une déclaration commune annonçant les négociations. La déclaration dit que
« face à la crise du marché automobile européen », il est nécessaire
d’entreprendre « des mesures claires pour garantir que les affaires de GME
(General Motors Europe) soient placées à long terme sur une base financière
stable ».
Avec cette déclaration, les comités
d’entreprise et les syndicats prennent la responsabilité de l’application des
licenciements de masse, des attaques à l’encontre des conditions de travail et
des réductions de salaire.
Dans chacune des quatre usines d’Opel en
Allemagne (Rüsselsheim, Bochum, Eisenach et Kaiserslautern) la direction
finance plus de trente délégués permanents du comité d’entreprise et qui
gagnent bien plus qu’un ouvrier de production. En coopération avec les délégués
syndicaux, ces comités d’entreprise forment un réseau dont le but est de
supprimer tout mouvement indépendant des travailleurs. Quiconque ose s’opposer
au syndicat et à ses responsables risque d’être soumis à des mesures
d’intimidation ou de représailles.
Bien que Franz dirige le comité d’entreprise
européen (CEE), il est tout à fait disposé, dans sa fonction de président du
comité d’entreprise de Rüsselsheim, la principale usine Opel en Allemagne, à
monter une usine européenne contre l’autre.
Beaucoup de travailleurs sont en colère contre
l’attitude adoptée par le syndicat et le comité d’entreprise. Un travailleur a
écrit sur le blog internet des travailleurs de GM, « C’est scandaleux, la
manière avec laquelle Franz… à la demande de la direction, fait tout son
possible, pour liquider les autres usines. Je compatis au sort des collègues
belges, et je leurs témoigne toute ma solidarité. »
Les actions des délégués syndicaux et des bureaucrates d’IG
Metall illustrent la logique réactionnaire du nationalisme économique auquel
les syndicats sont rivés et qui est inexorablement lié à la collaboration
corporatiste avec le patronat et l’Etat. Il cherche à tout moment à diviser
selon les clivages nationaux la classe ouvrière, y compris les salariés
employés dans le même groupe transnational, dans le but de les assujettir aux
besoins de chaque groupe national de propriétaires capitalistes.
Dans tous les pays, le nationalisme économique n’a produit que
des désastres pour la classe ouvrière et il est en train de préparer des
catastrophes plus grandes encore.
Les emplois et les salaires des travailleurs de GM ne peuvent
être défendus que par la mobilisation des travailleurs de part et d’autre de
l’Atlantique et sur le plan international.
L’intégration mondiale de la production a fourni un fondement
objectif sans précédent pour l’unification internationale des luttes de la
classe ouvrière. Il n’y a pratiquement pas d’autre secteur de l’industrie dans
lequel les travailleurs sont liés aussi étroitement dans le processus de
production que dans l’industrie automobile internationale. Dans le même temps,
les développements révolutionnaires survenus dans les télécommunications et
l’informatique rendent possible une action unifiée à un degré encore jamais
vue.
Le rôle diviseur des syndicats doit définitivement être
rejeté. Des comités d’action ouvriers indépendants des syndicats et des comités
d’entreprise devraient être construits dans les usines et sur les lieux de
travail pour relier les luttes des travailleurs de l’automobile dans le monde
entier. Ces comités d’action devraient être le fer de lance des grèves et des occupations
d’usine organisées contre les fermetures d’usines et les licenciements.
Le mouvement de grève doit être lié à une nouvelle
perspective, l’indépendance politique de la classe ouvrière pour la lutte pour
un gouvernement ouvrier et une organisation socialiste de la société. Ceci
incluant la nationalisation des principales entreprises et banques. Alors
seulement sera-t-il possible d’établir un contrôle démocratique sur l’économie
pour donner la priorité aux besoins sociaux sur celle des intérêts de profit
d’une infime minorité.
La crise est l’expression de l’échec du capitalisme. Il s’agit
d’une crise mondiale et elle requiert une solution mondiale et révolutionnaire.
En opposition à toutes les formes de nationalisme, le World Socialist Web
Site et le Comité international de la Quatrième Internationale avancent le
programme de l’internationalisme socialiste.