Le Parti de l’Egalité socialiste (SEP) de Sri Lanka
a lancé le 12 décembre sa campagne pour l’élection présidentielle du 26
janvier en tenant une réunion publique au Narayana Guru Hall dans le centre de
Colombo. Une centaine de travailleurs, de jeunes et de femmes au foyer étaient
présents à la réunion qui avait été organisée dans un court délai.
Wije Dias, le candidat présidentiel et secrétaire général
du parti, était l’orateur principal. Le président de la réunion, K.
Ratnayake, qui est aussi un membre du comité politique du SEP, a présenté le
long passé de trotskyste de Dias et sa lutte pour les intérêts de la classe
ouvrière.
« Il n’y a que deux côtés qui s’opposeront
lors de la prochaine élection, » a expliqué Ratnayake. « D’un
côté il y a le président Mahinda Rajapakse et le général Sarath Fonseka qui
sont les candidats de l’élite dirigeante et plusieurs autres, dont le
Nava Sama Samaja Party et l’United Socialist Party qui sont associés à
l’élite dirigeante. Et de l'autre côté, il y a Dias qui avance une
alternative socialiste. »
Ratnayake a souligné les conséquences de la guerre
communautariste prolongée menée contre les Tigres de libération de
l’Eelam tamoul (LTTE) séparatistes. Le gouvernement est confronté à une
profonde crise économique, renforcée par les perpétuelles énormes dépenses
militaires et un ressentiment grandissant de la part des travailleurs et des
jeunes.
Une partie de l’auditoire
Le président de la réunion a mis en garde qu’alors
que les partis d’opposition, l’United National Party (UNP) et le
Janatha Vimukthi Peramuna (JVP), tentaient de blanchir le général Fonseka le
présentant comme un démocrate, ils soutiennent en fait l’accès direct des
militaires à la vie politique du pays.
Kapila Fernando, le président de l’Internationale
étudiante pour l’Egalité sociale (ISSE) au Sri Lanka, a défini les
problèmes auxquels sont confrontés les étudiants et les jeunes. Il a ridiculisé
la campagne d’affichage du gouvernement portant le slogan, « Quelles
sont les aspirations de la jeunesse ? » et qui prétend offrir aux
jeunes un avenir brillant.
Fernando a fait remarquer qu’« en ce qui
concerne l’Advanced Level exam [l’équivalent du baccalauréat] de
2009, 63 pour cent des 230.000 étudiants s’étaient qualifiés pour entrer
à l’université mais que seulement 15 pour cent y trouveront une place.
Avec la réduction des dépenses d’éducation, les étudiants ont dû
poursuivre leurs études dans des conditions plus difficiles, sans pour autant
bénéficier d’un avenir décent. »
Selon des chiffres officiels prudents, le taux de chômage
national est évalué à 6,2 pour cent, en atteignant quelque 10 pour cent chez
les femmes. « Pour la tranche d’âge des 15 à 24 ans le taux atteint
un pourcentage effroyable de 35,4 pour cent et 27,8 pour cent de ceux qui ont
passé le bac et qui ont un diplôme universitaire n’ont tout de même pas
de travail, » a dit Fernando. « L’une des raisons pour le taux
de chômage élevé des femmes est la fermeture des usines de fabrication de
vêtements en raison de la crise financière mondiale. Voilà ce que le
capitalisme a fait ‘aux aspirations de la jeunesse’. »
Fernando a noté que le parti d’opposition le Janatha
Vimukthi Peramuna (JVP) appelait à présent les jeunes à soutenir le général
Fonseka, l’un des dirigeants militaires responsables durant la période
1988-89 du meurtre de plus de 60.000 jeunes Cinghalais des campagnes. Il a
lancé un appel aux jeunes à se tourner vers une politique socialiste comme
étant le seul moyen d’apporter une réponse à la crise sociale et
économique grandissante produite par le capitalisme.
M. Thevarajah, membre du comité politique du SEP, qui a
fait son discours en tamoul, a souligné que seul le SEP s’était
conséquemment opposé à la guerre communautariste en exigeant de façon continue
le retrait inconditionnel des forces armées du Nord et de l’Est de
l’île. « Nous avons dit pas un homme, pas un sou pour la guerre.
Nous avons aussi rejeté la perspective bourgeoise du LTTE pour un Etat séparé.
La lutte du SEP est fondée sur l’unification des travailleurs cinghalais,
tamouls et musulmans sur une base socialiste. »
Wije Dias prononçant son discours
Wige Dias a commencé son discours en expliquant que la
campagne du SEP faisait partie de la lutte pour la mobilisation de la
population laborieuse, la jeunesse, les paysans pauvres et les autres
populations opprimées sur la base d’un programme socialiste et
international. C’est, a-t-il dit, le seul moyen pour trouver des solutions
aux problèmes démocratiques et sociaux aigus des masses.
Dias a précisé que Rajapakse et Fonseka avaient été des
partenaires dans la guerre meurtrière que Rajapakse avait reprise six mois
après son arrivée au pouvoir en 2005. Le candidat a exposé les efforts entrepris
par les partis d’opposition pour présenter l’ancien chef militaire
comme étant le défenseur de la démocratie et des droits humains. Aucun camp
n’a de respect pour la démocratie, a souligné Dias. « Ils ne sont
tout simplement pas d’accord sur la meilleure tactique à employer pour
établir un Etat policier qui réprime impitoyablement la résistance de la
population laborieuse comme ce fut le cas dans la guerre contre la minorité
tamoule. »
Dias a expliqué qu’il s’agissait là d’un
phénomène international. « Au moment où le monde capitaliste connaît la
plus grande récession depuis la Dépression des années 1930, les rivalités
inter-impérialistes se sont intensifiées et sont en train de conduire à une
troisième guerre mondiale. Les préparatifs pour des conflits militaires vont de
pair avec la suppression des droits démocratiques à l’intérieur du pays.
Barack Obama, qui avait promis « un changement », est en train
d’intensifier la guerre en Afghanistan en l’étendant au Pakistan
alors que l’appareil sécuritaire d’Etat est renforcé à
l’encontre du peuple américain. »
Dias a dit que les défis politiques et sociaux auxquels la
population laborieuse et les paysans pauvres sont confrontés au Sri Lanka sont
identiques à ceux que connaît la classe ouvrière de par le globe. « Ils
requièrent une solution socialiste internationale, » a-t-il expliqué.
Bien que la guerre communautariste se soit terminée en
mai, aucun des problèmes qui avaient causé cette guerre n’ont été
traités. Environ 300.000 civils tamouls sont détenus arbitrairement dans des
camps sordides entourés de clôture de fil de fer barbelé et gardés par
l’armée. Ceci est un exemple édifiant de l’incapacité historique de
l’élite dirigeante à fournir une solution démocratique quelconque aux
problèmes des minorités nationales.
Dias a dit que Rajapakse avait peut-être escompté gagner
une victoire présidentielle anticipée en exploitant le fait d’avoir gagné
la guerre mais l’ampleur de la crise économique a dépassé ses calculs
subjectifs. Les crédits énormes contractés pour financier la guerre doivent
être repayés. L’ensemble des crédits gouvernementaux totalise 4.023
milliards de roupies (350 millions de dollars US) ou 90,5 pour cent du PIB,
a-t-il dit. « Le service de la dette accapare la presque totalité des recettes
du gouvernement.”
Au cours des dix premiers mois de cette année, les
recettes des exportations du pays ont baissé de 16,8 pour cent. Le gouvernement
a désespérément cherché à obtenir un prêt du Fonds monétaire international,
mais le prêt de 2,6 milliards de dollars US accordé était conditionné par des
garanties drastiques, y compris la réduction du déficit budgétaire de 4 pour
cent d’ici deux ans.
« Ceci signifie que le gouvernement sera obligé de
prendre des décisions hautement impopulaires, » a remarqué Dias. D’ores
et déjà, des centaines de milliers de travailleurs venant de différents
secteurs économiques des ports, des sociétés d’électricité, de
l’eau et du pétrole ont commencé des mouvements de grève pour des
augmentations de salaire. Se sont joints à leur lutte 500.000 travailleurs des
plantations pour réclamer une augmentation salariale.
« Les syndicats ont trahi et sabordé ces luttes mais
la colère des travailleurs contre le gouvernement et les syndicats
s’accroît. Ceci s'est traduit par la réaction favorable qu’a connu
le SEP auprès des travailleurs de la plantation Balmolral Estate lors de sa
proposition de former un comité d’action indépendant des syndicats et
fondé sur un programme socialiste pour concrétiser leurs revendications. »
Rajapakse a organisé une élection anticipée dans le but de
renforcer le pouvoir de son clan de compères qui dirige le pays a expliqué
Dias. Par ailleurs, Fonseka est un candidat bonapartiste, se plaçant en
apparence au-dessus des forces de classe en concurrence, sans appartenance
politique aucune et sans être assujetti à la discipline de parti. La principale
base de soutien du général sont les gradés de l’armée.
En ce qui concerne la promotion du patronat par Fonseka,
Dias a dit : « Son premier discours public prononcé après la victoire
des militaires a été devant un parterre d’hommes d’affaires qui
l’avaient invité pour qu’il leur explique les méthodes avec
lesquelles il avait gagné la guerre. Leur préoccupation était de savoir comment
gagner la « guerre économique » contre la classe ouvrière. Fonseka a
indiqué vouloir suivre la politique économique de libre-marché du parti
droitier UNP. »
Les partis discrédités, l’UNP et le JVP, ont choisi
Fonseka comme candidat commun pour éviter une défaite électorale humiliante.
Dias a souligné que la classe ouvrière devait rejeter le candidat militaire qui
est « paré d’habits démocratiques. » Toutefois, les
travailleurs ne doivent pas se limiter à simplement rejeter Rajapakse et
Fonseka. Ils doivent se tourner vers un nouveau programme et une nouvelle
perspective.
Dias a lié la politique du gouvernement Obama en Asie du
Sud à un récent rapport publié par la commission des affaires étrangères du
Sénat américain qui a souligné l’importance stratégique du Sri Lanka pour
les Etats-Unis. Le rapport avait fait remarquer que le gouvernement Rajapakse
était en train d’établir des liens avec la Chine, la Birmanie, La Libye
et l’Iran, des liens jugés défavorables par les Etats-Unis.
Compte tenu de la détermination des Etats-Unis à défendre leurs
intérêts économiques et stratégiques, Dias a souligné, qu’il était de la
responsabilité de la classe ouvrière d’empêcher que le Sri Lanka et
l’Océan Indien ne deviennent le champ de bataille d’une guerre
impérialiste. Il a ajouté : « Ce n’est pas une tâche qui peut
être réalisée par la classe ouvrière sri lankaise à elle seule. Elle requiert
l’unité internationale avec la population laborieuse de l’Asie du
Sud. »
Dias a dit que les candidats anciennement de la gauche
radicale tels Wickramabahu Karunaratne du Nava Sama Samaja Party (NSSP) et
Siritunga Jayasuriya de l’United Socialist Party (USP) étaient totalement
hostiles à cette unité de la classe ouvrière et à la lutte pour sa propre
indépendance. Dias a cité Karunaratne qui écrit dans une rubrique parue dans le
journal Irida Lakbima disant que
si la « gauche » remportait un nombre considérable de voix elle
pourrait oeuvrer pour de nouveaux programmes. « En d’autres termes,
il a l’intention d’exercer des pressions aussi bien sur Rajapakse
que sur Fonseka. C’est la poursuite de la politique du Lanka Sama Samaja
Party [LSSP] de 1964 consistant à entrer dans un gouvernement de coalition
bourgeois. »
Dias a mis en garde que quel que soit celui, de Rajapakse
ou de Fonseka, qui prendra le pouvoir, la classe ouvrière sera confrontée à des
attaques profondes. Il a demandé instamment à ce que les travailleurs rejettent
la politique opportuniste du NSSP et de l’USP pour rejoindre le SEP et en
faire un parti de masse en luttant pour un gouvernement ouvrier et paysan, une
République socialiste du Sri Lanka et de l’Eelam, faisant partie de la
lutte pour le socialisme en Asie du Sud et internationalement.
Une collecte destinée au fonds électoral du parti a
rassemblé 15.000 roupies, soit plus d’un mois de salaire de beaucoup de
travailleurs. De nombreuses personnes se sont déclarées prêtes à soutenir la
campagne du SEP et à participer à d’autres discussions sur la perspective
du SEP.