La condamnation et l'emprisonnement récents de 20 membres et
sympathisants des Tigres de libération de l'Eelam tamoul (LTTE) en France
est une attaque flagrante contre les droits démocratiques. C'est aussi un
encouragement pour le gouvernement sri lankais à poursuivre sa répression
incessante des minorités tamoules sur l'île.
Parmi les personnes condamnées par un tribunal français le 23 novembre on
compte Nadaraja Matinthiran, dirigeant de l'organisation de soutien au LTTE
en France, le CCTF (Comité de coordination tamoul en France.) Il a écopé de
la peine la plus lourde, sept ans de prison ferme, pour des allégations
d'extorsion de quelque 5 millions d'euros (7,4 millions de dollars) de la
communauté immigrée tamoule en France qui compte près de 75 000 personnes.
Deux autres sympathisants du LTTE se sont vus infliger quatre ans de
prison ferme et un troisième six ans tandis que les autres ont eu des peines
allant de trois ans et demi à six mois avec sursis. Un des prévenus a été
acquitté.
Le tribunal a aussi ordonné la dissolution du CCTF au motif que c'est une
vitrine légale du LTTE. Le CCTF fonctionne légalement en France depuis 1983.
Les représentants du LTTE en France n'ont à aucun moment, ni lors de leur
arrestation ni après le verdict sévère du tribunal, émis la moindre
déclaration de protestation contre la répression de l'Etat français à
l'encontre de leurs sympathisants. Dans leurs déclarations du 27 novembre,
Jour des Héros, ils n'ont pas dit un mot sur ces condamnations. Ces
condamnations n'ont pas non plus été mentionnées dans les médias français.
Ni même non plus dans les publications de la « gauche. »
Mais le LTTE a néanmoins saisi l'opportunité du Jour des Héros pour
réitérer sa subordination aux puissances impérialistes, en déclarant que la
diaspora tamoule devrait en appeler à «la sollicitude et au conseil de ces
pays dans le monde qui se soucient de notre communauté. A travers ces
structures il faut chercher à rallier le soutien de la communauté
internationale et consolider notre lutte pour nos droits de par le monde. »
Ces condamnations sont étroitement liées aux intérêts de l'impérialisme
français en Asie du sud. En avril dernier, les ministres des Affaires
étrangères britannique et français David Miliband et Bernard Kouchner
s'étaient rendus au Sri Lanka prétextant des inquiétudes sur le sort des
civils tamouls déplacés par la guerre. En fait ce n'était qu'une couverture
politique à une tentative d'étendre les liens militaires avec le Sri Lanka
et contrer l'influence grandissante de la Chine. Dans un discours récent,
l'ambassadeur sri lankais en France a fait remarquer: « L'escale récente à
Colombo du navire militaire français 'Le Var' a été l'occasion de renouer la
coopération entre la marine des deux pays. »
Le soutien de la France pour le soi-disant processus de paix a toujours
été une question de tactique. La préoccupation primordiale du gouvernement
Sarkozy pour mettre fin à la guerre au Sri Lanka est que cette guerre a une
influence déstabilisatrice constante en Asie du sud, notamment en Inde, où
la France a des intérêts économiques et stratégiques grandissants. La France
et l'Inde maintiennent aussi un « dialogue stratégique » discret qui
recouvre une coopération commune contre le terrorisme. Les deux pays ont
pour objectif d'accroître le commerce bilatéral de 6,5 milliards d'euros
aujourd'hui à 12 milliards d'ici 2012.
Suite au tsunami asiatique de 2004, l'Agence française pour le
développement avait fait un prêt de 64 millions d'euros au gouvernement sri
lankais de l'époque, celui de Chandrika Kumaratunga suivant un accord conclu
en octobre 2005. Plus tard, cette somme avait été augmentée avec un
engagement de la France de 112 millions d'euros auprès du Sri Lanka pour
développer l'infrastructure, dont le port de Trincomalee d'une grande
importance stratégique.
Le 4 août 2006, 17 travailleurs humanitaires sri lankais (16 Tamouls et
un musulman) qui travaillaient pour l'association humanitaire internationale
Agir contre la faim (ACF) basée à Paris, furent sommairement exécutés dans
leur bureau à Mutur, dans le district de Trincomalee. « Les forces de
sécurité du Sri Lanka sont largement et de façon consistante tenues pour
responsables de cet incident. » selon une déclaration faite par la Sri Lanka
Monitoring Mission (mission de surveillance du Sri Lanka.) L'élite
dirigeante française n'a jamais condamné ni pris de mesures contre
l'assassinat de ces travailleurs humanitaires. Le gouvernement de Mahinda
Rajapaksa n'a jamais été tenu pour responsable ni n'a dû rendre de comptes
pour ces meurtres perpétrés de sang-froid.
La répression des sympathisants du LTTE en France en avril 2007 était en
droite ligne avec l'interdiction du LTTE dans les pays où se trouvent
d'importantes communautés tamoules ayant fui la répression d'Etat et la
guerre au Sri Lanka. Le LTTE a été officiellement interdit dans l'Union
européenne et en France en 2006. Cela avait coïncidé avec la campagne du
gouvernement de Rajapaksa visant à neutraliser les opérations du LTTE dans
le monde entier et notamment en Europe. Les arrestations de 2007 furent une
première: les autorités françaises n'avaient pas agi aussi ouvertement
contre le LTTE auparavant.
La plupart des personnes condamnées avaient été arrêtées en avril 2007,
accusées d'association de malfaiteurs en relation avec une entreprise
terroriste, financement du terrorisme et extorsion de fonds en relation avec
une entreprise terroriste. Ces arrestations avaient été conduites par la «sous-direction
antiterroriste de la police judiciaire » et ordonnées par une commission
rogatoire émise par le juge antiterroriste bien connu, Jean-Louis Bruguière.
Ce dernier s'était présenté aux élections législatives cette année-là pour
le parti de Sarkozy, l'UMP (Union pour un mouvement populaire.)
Hormis le fait que cette initiative de Bruguière servait les intérêts
géopolitiques de l'impérialisme français en Asie du sud, elle faisait aussi
partie de l'agenda politique de la bourgeoisie française, exprimée par
Sarkozy, et consistant à renforcer les pouvoirs de l'Etat. Ces pouvoirs
seront utilisés pour réprimer la résistance de la classe ouvrière et des
jeunes face aux mesures d'austérité imposées pour renforcer la capacité à
générer des profits et la compétitivité des grandes entreprises françaises.
Ces arrestations avaient aussi été calculées à ce moment afin de gagner à
Sarkozy les voix d'extrême-droite de Jean-Marie Le Pen aux élections
présidentielles de mai de cette année-là.
Les deux années qui ont suivi l'élection de Sarkozy à la présidence ont
vu de graves attaques contre les droits sociaux de la classe ouvrière
française, qui ont provoqué des grèves et des manifestations impliquant des
millions de travailleurs et de jeunes. Les attaques contre des immigrés font
partie intégrante de ces développements. La législation toujours plus
répressive de Sarkozy contre les minorités ethniques (dont l'interdiction du
port du voile islamique dans les établissements scolaires et maintenant la
commission sur la burqa), contre les immigrés et notamment les sans-papiers
et ceux qui leur viennent en aide, affecte les Tamouls et a conduit à des
rapatriements forcés.
Condamner la répression du LTTE ne signifie pas soutenir sa perspective
en faillite. Au début de 2009, le projet nationaliste bourgeois du LTTE
s'est effondré, et a conduit à la défaite militaire du LTTE. Plus de 250 000
civils tamouls ont été mis dans des camps par Rajapaksa et vivent dans des
conditions terribles, avec la complicité des Nations unies et de l'Union
européenne, dont la France.
Le LTTE et ses organisations de soutien ont fait usage de violence
physique contre leurs opposants politiques, dont des membres et des
sympathisants du Parti de l'Egalité socialiste et du Comité international de
la Quatrième Internationale (CIQI.) A plusieurs reprises des sympathisants
du LTTE ont attaqué des travailleurs distribuant des tracts mettant en avant
une perspective socialiste et internationaliste pour défendre les droits
démocratiques des Tamouls.
En France, le Comité de coordination tamoul en France a eu recours aux
menaces et à la violence, s'emparant par la force de tracts afin d'empêcher
des travailleurs immigrés tamouls vivant en France depuis plus de 25 ans, de
rejoindre leurs frères et soeurs de classe, la classe ouvrière française,
pour lutter ensemble contre le capitalisme français. Par contre le CCTF a
invité les conseillers municipaux du Parti communiste français et du Parti
socialiste à prendre la parole lors de leurs rassemblements.
Le 1er mai 2009, le LTTE avait révélé sa vraie nature de classe. Lorsque
des centaines de milliers de travailleurs français manifestaient contre les
attaques de Sarkozy, des contingents du LTTE qui participaient à la même
manifestation tenaient des banderoles avec le slogan « Aidez-nous » et des
pancartes portant de grandes photos de Sarkozy et d'autres représentants des
puissances impérialistes tels Obama et la chancelière allemande Angela
Merkel.
Les travailleurs immigrés tamouls d'Europe et d'ailleurs doivent s'unir
avec leurs frères et soeurs de classe dans les pays où ils résident sur la
base de la perspective socialiste internationaliste avancée par le Comité
international de la Quatrième Internationale et son organe, le World
Socialist Web Site.